Guerre & guerre de László Krasznahorkai
(Háború és háború)
Catégorie(s) : Littérature => Européenne non-francophone
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UN LONG CONTE MÉTAPHYSIQUE
L’histoire de « Guerre & guerre » est celle de György Korim. Celui-ci n’est qu’un modeste archiviste hongrois travaillant dans une petite ville située à 220 Kilomètres au Sud de Budapest. Le jour de ses 44 ans celui-ci a eu une « révélation » à son travail, sous la forme d’un mystérieux manuscrit, trouvé dans une chemise portant le No. IV.3/10/1941-42 et que personne n’avait touché depuis des décennies.
Korim, qui pense que son existence arrive à son terme, n’a dès lors plus qu’un seul but, révéler au monde et aux hommes, le message et le contenu du manuscrit - qui raconte l’errance éternelle de quatre personnages, Kasser, Bengazza, Falke et Toot, poursuivis sur terre et à travers le temps par la violence et la guerre -, qui l’a littéralement envoûté.
Pour cela, deux choses lui semblent indispensables : Internet, puisqu’il a entendu dire que tout ce qui y est publié, devient « immortel » et que justement il veut transmettre ce message à "l'éternité". Et le faire depuis ce que Korim considère comme le centre du monde d’aujourd’hui (comme autrefois Rome), à savoir la ville de… New York.
Commence alors pour Korim un long voyage initiatique avec ses adjuvants (l’hôtesse de l’air, le traducteur de hongrois) et ses opposants (les jeunes voyous des voies ferrées, l’agresseur de l’aéroport de New York), et puisque s’il a beaucoup d’argent sur lui (il a liquidé tout ce qu’il possédait, sachant qu’il allait de toute façon mourir…), il doit se méfier de tout le monde. Problème: il est plutôt naïf, mélancolique, innocent, triste, inculte, vulnérable et très très bavard... Il ne sait pas exactement où est New York, ne connaît pas un mot d’anglais et encore moins l’informatique et n’a même pas de visa pour quitter la Hongrie…
Mais, il en faudrait bien plus pour l’arrêter !...
Difficile ici d’en dire plus sur cet impressionnant roman à tiroirs, - qui fonctionnent dans plusieurs sens d'ailleurs -, et des nombreux rebondissements qui le jalonnent, sans « spolier » le livre. Disons que chaque lecteur trouvera sans doute un peu de ce qu’il était venu y chercher... Je conseille toutefois la lecture de la courte nouvelle « La venue d’Isaïe » auparavant, car on y trouve la réponse à certains détails dont on parle dans le livre, p. ex. pourquoi Korim à une cicatrice sur la main droite...
Si l’histoire du livre ressemble à s’y méprendre à celles racontées dans les livres de Franz KAFKA, plus proche de nous, je n’ai pu m’empêcher de penser à l’univers du japonais Haruki MURAKAMI, pour ses histoires oscillant toujours sur le fil entre le réel et l’irréel.
Mais, plus que tout, je voudrais parler ici de la magnifique écriture de l’écrivain hongrois.
C’est un style unique qui se rapproche de celui du nouveau roman français, j’ai d’ailleurs souvent pensé à l’écriture « détachée » de Claude SIMON en lisant ce livre. Il y a des chapitres et des paragraphes (numérotés), mais p. ex. pas de retour à la ligne!
Les phrases sont très très longues, elles coulent comme des rivières tortueuses et semblent ne jamais s’arrêter. Les virgules sont très rares, et placées parfois de façon très étonnante et… Il n’y a jamais de points! On est donc parfois amenés à en placer soi-même pour reprendre sa respiration! Inutile de dire que cela ne facilite pas la lecture.
Le livre est d’une grande complexité, d’une grande intensité ou plutôt devrais-je dire d'une grande densité. Plusieurs histoires se mêlent, dont celle de Korim et celle du manuscrit. Il y a aussi des retours en arrière impromptus, des chapitres polyphoniques, une attention de tous les instants est donc nécessaire pour suivre la trame de l’histoire et ne pas se laisser décrocher en route.
C’est un livre prenant, envoûtant, dérangeant et dont on se souvient longtemps après sa lecture, mais franchement un livre magnifique, d’une force rare, qui vaut la peine d’être lu et « dégusté » ligne par ligne. J’ai d’ailleurs terminé en me disant « waouh » quel livre !...
Le nom de László KRASZNAHORKAI, revient régulièrement à Stockholm ces dernières années, comme lauréat possible du Prix Nobel de Littérature, et franchement, au vu de ce livre, je dois dire que je pense qu’il ferait un très grand Nobel!
Pour ceux qui aimeraient "continuer l'histoire" avec Korim et László KRASZNAHORKAI, le RDV est donné par l'auteur lui-même ici : https://guerreetguerre.wordpress.com/
Les éditions
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Guerre & guerre
de Krasznahorkai, László Dufeuilly, Joëlle (Traducteur)
Actes Sud
ISBN : 9782330056520 ; 8,80 € ; 07/10/2015 ; 352 p. ; Broché -
Guerre & guerre [Texte imprimé] László Krasznahorkai traduit du hongrois par Joëlle Dufeuilly
de Krasznahorkai, László Dufeuilly, Joëlle (Traducteur)
Cambourakis / Littérature (Cambourakis)
ISBN : 9782366240610 ; 24,00 € ; 23/10/2013 ; 280 p. ; Broché
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Aux franges de la folie
Critique de Tistou (, Inscrit le 10 mai 2004, 68 ans) - 3 septembre 2016
Il faut dire que György Korim, le protagoniste principal de ce roman que nous allons suivre depuis la Hongrie jusqu’à New York et in fine en Suisse à Schaffhausen, est du genre dérangé sérieux, qu’il vit surtout dans sa tête, davantage que dans le monde réel, et qu’il porte en lui, qu’il vit avec, quatre personnages dont il est question dans un manuscrit cryptique qu’il a exhumé dans le cadre de son boulot d’archiviste et qui ont manifestement achevé de lui mettre la tête à l’envers. (D’ailleurs, au moment où j’écris ceci me vient en tête une comparaison qui s’impose, notamment pour la partie new-yorkaise, « Cité de verre » de Paul Auster)
Kasser, Bengazza, Falke et Toot, les quatre personnages en question, eux, voyagent, au travers du manuscrit qui obsède tant Korim et qu’il entreprend de raconter, de mettre à la disposition du public sous une forme « immortelle » (internet !!), dans le temps et l’espace européen, à la recherche de paix, de La Paix , fuyant violences et guerres. On ne comprendra pas ce que sont réellement ces quatre hommes ; des anges incarnés en hommes ? De simples personnages de roman totalement idéalisés par Korim ? … ? On ne saura pas et Laszlo Krasznahorkaï en profite pour nous balader salement, sans souci de vraisemblance ou de détails. De toutes façons, il a versé côté cinglé, l’ami Korim.
Ca en fait un roman plutôt difficile à lire. Les 50 premières pages me furent plutôt un calvaire et je me suis demandé comment j’irai au bout ? Mais j’ai déjà ressenti cet effet à la lecture de romans qui se sont avérés au bout du bout de tout grands romans (« Belle du seigneur » par exemple). La suite des pages, une fois bien rentré dans l’atmosphère et les particularités imposées par Krasznahorkaï acceptées, est plus intéressante mais déstabilisante quand même. En même temps, avec un cinglé aux commandes …
Le style est intéressant. Il existe indéniablement mais ne rend pas la lecture des plus aisées. On peut ne pas aimer.
Au bilan, un ouvrage original, qui demande pas mal d’implication de la part du lecteur. Et qui est, peut-être, un grand roman ! La traductrice, Joëlle Dufeuilly, a dû en baver, m’est avis.
Un point, c'est tout !
Critique de Marvic (Normandie, Inscrite le 23 novembre 2008, 66 ans) - 10 août 2016
Ce n'est pas particulièrement le fond qui pose problème. Les tribulations du héros, Korim, personnage naïf et attachant, parfois irritant, mais tellement émouvant, nous emmènent voyager entre Europe et Amérique, nous permettant de juger la diversité de la nature humaine.
Il y a aussi des histoires dans l'histoire, mais là, j'avoue m'y être moins intéressée, à défaut de m'y être quelquefois un peu perdue.
La difficulté tient à l'écriture atypique. L'absence de points exige une concentration et une bonne mémoire permanentes tant le débit est dense.
D'ailleurs, pas besoin de commentaires supplémentaires, l'auteur le dit lui-même :
" ...car ici, la langue se rebellait, cessait de remplir sa fonction originelle, une phrase débutait, et ne voulait plus s'arrêter, non pas… disons, parce qu’elle tombait en chute libre dans un abîme, autrement dit, par impuissance, non,...elle se présentait, et elle se démenait pour être la plus précise et la plus suggestive possible, recourant à tout ce que la langue permettait et ne permettait pas, les mots affluaient dans les phrases et s'enchevêtraient, se télescopaient… comme un puzzle, dont la résolution était vitale.. se retrouvaient (les mots) accolés dans une promiscuité dense, concentrée, fermée, étouffante... "
Un roman très imaginatif, foisonnant comme je les aime en général mais dans une écriture exigeante et fatigante, qui impose une lecture à petites doses mais aussi des pauses pas trop longues si l'on veut retrouver le fil.
" ...il n'avait, au cours des dernier jours, rien, mais alors rien saisi du tout, l'origine mystérieuse, inexplicable du texte, la force poétique qui s'en dégageait, le fait qu'il tournait résolument le dos aux formes de narration conventionnelles... "
Je ne suis pas loin de partager l'avis de Korim !
Les tribulations d'un archiviste hongrois dans le Nouveau Monde et l'ancien
Critique de Dirlandaise (Québec, Inscrite le 28 août 2004, 69 ans) - 11 février 2016
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