More de Daniel Charneux
Catégorie(s) : Littérature => Francophone
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More, en plus il fait réfléchir !
More, Thomas More, auteur d’Utopia, est une figure marquante de la Renaissance en Angleterre.
Thomas More sous toutes ses formes transparaît dans cet essai : le philosophe qui nous livre sa vision du monde dans Utopia, l’homme d’Etat ami et même chancelier du roi d’Angleterre Henri VIII et qui pourfend les adeptes du Luthérianisme qu’il envoie sur l’échafaud, l’époux et le père qui a un regard tendre sur sa famille, le saint puisqu’il reste fidèle à la primauté du pape ; ce qui lui vaudra de monter à son tour sur l’échafaud.
Le lecteur passe allègrement de Thomas More, figure emblématique de la Renaissance, ami d’Erasme à Daniel Charneux qui s’interroge sur la spiritualité, la forme de gouvernement, la sainteté, les religions, l’agnosticisme… Le tout dans un style fluide à la lecture agréable.
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Les critiques éclairs (3)
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Essai « Morien »
Critique de Tistou (, Inscrit le 10 mai 2004, 68 ans) - 31 mars 2018
Exit donc l’essai enromancé et va pour l’essai. Pourtant … pourtant, si ça a bien la consistance d’un essai, ça déborde largement le cadre de l’essai. Ne serait-ce que parce que Daniel Charneux y entrelarde ses considérations personnelles sur la manière dont elles se sont passées, ces recherches, sur l’année passée à écrire « dans cette pièce éclairée par une lampe à bras articulé, entre le ronflement de l’ordinateur, le tic tac de l’horloge et le bruit de mes doigts sur les touches du clavier ». Il y même même des clef données sur des romans précédents de l’auteur ; « Une semaine de vacance », « Vingt-quatre Préludes », « Maman Jeanne » … Il évoque aussi abondamment « Nuage et eau », en lien avec son parcours de 3 ans avec le boudhisme et le « zazen » (méditation assise).
En fait, Daniel Charneux ne nous parle pas de Thomas More. Il nous parle de Thomas More ressenti au travers des expériences de vie de Daniel Charneux, en toute honnêteté et transparence. Il y a le factuel – pour autant qu’on ait accès à tous les faits à tant de siècles de distance (Thomas More fut décapité en 1535) – et l’analyse et leur interprétation, forcément au travers de notre prisme personnel.
Personnellement je n’avais jamais vraiment entendu parler de Thomas More, tant de grands hommes passant forcément au travers des mailles de la postérité. « More », pour moi, c’était l’album des Pink Floyd constituant la musique du film éponyme. C’est dire !
Mais j’en sais davantage sur Thomas More, maintenant. Et sur Daniel Charneux aussi …
Un destin hors norme d’un grand homme qui n’hésita pas à donner sa vie pour ne pas renier ses convictions. C’est à la fois beau et … affligeant ( ?), pathétique ( ?) s’agissant de détails d’ordre « administratif » tournant autour de la religion. Religion : que de crimes on commet en ton nom !
D’ailleurs, Daniel Charneux, esprit libre s’il en est, n’hésite pas à mener les parallèles avec ce que l’on connait de plus actuel, et d’une très juste pertinence :
« More, décapité parce qu’il bravait un roi, et sa tête exposée sur une pique. Gourdel (*), décapité parce que français, et sa tête exposée sur le Net. Etre Français, ou Britannique, ou Américain, suffit pour braver un califat qui se réclame de Dieu. More aussi se réclamait de Dieu. »
Si vous voulez tout savoir sur Daniel Charn… je veux dire Thomas More ( !), pas d’hésitation, lisez « More » !!
(*) Hervé Gourdel, guide haute de montagne et photographe, décapité le 23 Septembre 2014, par « les soldats du Califat », un groupe djihadiste algérien.
Des variations bien inspirées
Critique de Saule (Bruxelles, Inscrit le 13 avril 2001, 59 ans) - 11 mars 2016
Daniel Charneux s'empare donc de cette grande figure de l'humanisme, ami proche d'Erasme, décapité pour avoir choisi de rester fidèle au pape en conflit avec le roi d'Angleterre. Thomas More fût sanctifié pour cela. Daniel Charneux nous en fait un portrait par petites touches, de "variations", à la manière d'un impressionniste.
C'est un essai, dans le sens littéral du terme aussi. Il ne s'agit pas de faire un traité académique pompeux, ni de faire un portrait fidèle et factuel de Thomas More. Il s'agit plutôt d'esquisser des pistes, de regarder ce grand homme par le prisme de notre époque et à travers le regard de Daniel Charneux. C'est ce qui fait la saveur de cet ouvrage. L'auteur n'hésite pas à se mettre en scène dans sa quête, il nous parle ainsi de son voyage sur les traces de More à Londres (la tour de Londres, où More fut emprisonné) et dans les beaux quartiers de Chelsea où il habitait. Il boit un café à Mons avec une spécialiste de More, il fait des recherches et se raconte dans sa quête, son pèlerinage "Morien" qui se fait aussi dans son bureau, entouré des livres et de ses réflexions sur le grand humaniste.
L'auteur ne néglige pas l'aspect plus académique, il résume les lignes directrices de l'oeuvre de More (surtout connu pour son traité sur l'utopie) et c'est très intéressant. Malgré son destin héroïque, More avait un côté sombre qui est abordé avec justesse. il a été un inquisiteur intransigeant et il se mortifiait, pratique anachronique qui est mal perçue à notre époque (l'auteur en vient à poser la question, d'actualité, de savoir si un Saint n'est jamais qu'un intégriste qui a réussi ?).
En résumé ces "variations" sur ce personnage imposant sont très évocatrices et inspirées et le lecteur passe un très moment en compagnie de ces deux compagnons, Daniel Charneux et Thomas More.
Comment devient-on un saint?
Critique de Kinbote (Jumet, Inscrit le 18 mars 2001, 65 ans) - 20 décembre 2015
Les personnages de Charneux entretiennent un sain souci d’eux-mêmes (au sens foucaldien). Ils recentrent les choses autour de leur personne sans pour autant se croire le nombril du monde. Ils offrent un miroir au lecteur. Qu’il s’agisse de personnages ayant existé (Marylin, Ryokan, Maman Jeanne) ou de personnages de fiction, Daniel Charneux leur attribue ce supplément d’âme, cette fragilité d’airain sans quoi ils seraient des automates de leurs pulsions ou de leur gènes.
Ici, il traite de Thomas More à la façon d’un personnage en lui attribuant un thème. Très vite, il se fixe comme sujet de questionnement la sainteté de More.
Et il va dès lors écrire des variations sur ce thème.
Daniel Charneux nous fait découvrir l’homme More dans la succession des faits et lectures qui ont nourri sa propre réflexion. C’est-à-dire « par petites touches », et non d’un bloc. De façon impressionniste, comme il l’écrit.
More n’existe pas. Il n’est dans ce livre, que l’impression reçue par moi, son reflet dans ma perception, mon regard, ma pensée, comme il sera reflet dans la perception, le regard, la pensée de mon lecteur.
Il s’aide pour le mettre en perspective de déclarations d’autres écrivains penseurs comme Platon, Voltaire, Anouilh, Camus… Et le prodige opère, Thomas More se met à exister par-delà les siècles. Avec, en somme, peu de faits rapportés mais subtilement rattachés à la colonne vertébrale de son postulat de départ, Charneux nous fait toucher l’essence de More.
À travers paradoxalement l’acte qui l’a mené à perdre la vie, il atteint sa sainteté. Un non acte, si on peut dire, puisqu’il consista à refuser la signature d’un document attestant la primauté du Roi d’Angleterre sur le Pape de Rome en matière spirituelle. Sa conscience l’empêche de signer cet acte d’écriture et cela provoquera son exécution après un emprisonnement de dix-huit mois à la Tour de Londres.
Charneux dresse un parallèle entre Galilée et More. Tous les deux, rappelle-t-il, ont défendu une position qui les menaçait de mort s’ils poursuivaient dans cette voie. Charneux écrit : « More s’acharne, Galilée renonce. Voilà pourquoi Thomas More est un saint. »
Ainsi on se souvient qu’il a existé des actes de résistance intellectuelle posés volontairement par des hommes ayant entraîné leur disparition anticipée. Car il est des idées qui engagent toute notre existence et qui, si on y portait atteinte, réduiraient notre vie à une peau de chagrin. Ce sont des actions qui honorent ou discréditent ceux qui y souscrivent, provoquent le respect ou, plus souvent, la raillerie et l’incompréhension à une époque où le cynisme et le mépris pour la différence ont remplacé la tolérance, toute forme d'élévation.
Charneux ne manque pas de donner sa lecture attentive de l’œuvre maîtresse de More, L’Utopie, et il la met, un moment, en résonance avec l’Eloge de la folie de son contemporain et ami, Érasme pour montrer que la « religion chrétienne paraît avoir une réelle parenté avec une certaine Folie. »
On l’aura compris, Charneux ne donne pas dans son essai-variations une simple biographie de More ni une thèse sur son œuvre littéraire mais, de façon humaniste, il rapporte à soi, et à son parcours, un personnage historique à propos duquel il s’est posé une question qui l’engage.
More incarne l’idée d’un homme qui mourra pour une cause et acquiert en cela un surcroît, un plus d’existence. Quand More trépasse sous la hache du bourreau, on sait qu’il n’aurait pu en être autrement. Que son destin est scellé. Que l’auteur de l’Utopie était un homme de principe, un homme fait d’une matière ancrée dans un ensemble de valeurs, une matière animée. Mais, d’autre part, Charneux a laissé entendre qu’il n’aurait pas été aussi libre de son acte qu’il l’avait pensé, qu’il a pu agir sous l’emprise de la religion. Rien n’est simple quand il s’agit de conclure à propos de la liberté humain et de la croyance.
À la fin, Daniel Charneux écrit : « J’ai peut-être, grâce à la compagnie de More, développé en moi quelques quarks de sainteté. » C’est sûr, et elle a migré jusqu’à nous à travers ce livre singulier.
Le livre est préfacé par Geneviève Bergé et dédié à Anne Staquet.
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