Vers elles de Gérard Pons

Vers elles de Gérard Pons

Catégorie(s) : Théâtre et Poésie => Poésie

Critiqué par Eric Eliès, le 22 novembre 2015 (Inscrit le 22 décembre 2011, 50 ans)
La note : 9 étoiles
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L'homme est un être voyageur porté par le rêve et l'amour

Cette mince plaquette publiée par les éditions de l’Arbre, qui accomplissent un travail artisanal de grande qualité (poursuivi par Catherine Brisset après la disparition de Jean Le Mauve), comporte trois parties distinctes composées de poèmes en courts vers libres, le plus souvent penta- ou hexa-syllabiques. Ces trois parties sont liées mais il faut une lecture attentive (et écrire ce commentaire m’y bien aidé !), voire une deuxième lecture, pour bien comprendre l’entrelacement des thèmes. Gérard Pons utilise parcimonieusement l’image métaphorique et n’établit aucune comparaison (le mot « comme » n’apparaît jamais dans le recueil) ; la poésie naît essentiellement du choix des verbes et de sa manière de personnifier la nature ( une étoile se pose parfois sur l’épaule du voyageur (…) le goémon dévore les rochers imprudents (…) le soleil ignore l’absence (…) la lune glisse / hors de son étui / un croissant malicieux / le doigt de la nuit / désigne les héros ).

La première partie intitulée « Insuffisance de la nuit » semble évoquer la marche d’un groupe d’hommes primitifs, confrontés à l’altérité d’une nature qu’ils divinisent peu à peu. Le ton est narratif et cherche à retrouver, surtout dans les premiers textes, l’écho légendaire des mythes originels de l’humanité.
Aucun prêtre n’officiait encore mais il fallait déjouer les pièges du jour et de la nuit la nourriture confusément s’accompagnait de superstition.

A la halte médiane / quand le jour et la nuit / sont d’égales longueurs / dès la sortie des gorges / le songe est aux confins des lacs / la colonne hésite / à pénétrer les roseaux / la pluie cerne les montagnes / les terrains faciles / dérobent sous les pas.
Les Dieux ont profité / du ciel bas / pour occuper les hauts rochers / et prêcher l’imprudence.


Dans un monde d’errance lourd de menaces ( on forçait les feux / en entendant les loups (…) il faudra le soir se compter / avant de resserrer le camp / combien n’ont pu suivre ? La face giflée par la bise / ne pas se retourner / jamais ), seules les femmes apportent la paix ( c’est toujours elles / qui allumaient le feu ) et consolent des souffrances du jour en enfantant des vies nouvelles ( oh ! terre pourquoi tant de pas ! Que la nuit vienne niveler les souffrances et préparer d’autres enfantements. (…) les caresses / sur les cuisses des femmes / ne duraient qu’un frisson / le sable plus longtemps / restait fidèle / aux traces des étreintes. )

Le ton des deux autres parties, respectivement intitulées « A fleur de temps » et « L’essentiel », est plus intimiste. « Je » est d’ailleurs employé à deux reprises, à la fin du recueil. Sans jamais chercher à le signifier explicitement, elles semblent évoquer la survivance, dans l’homme contemporain, d’une relation ancestrale qui nous lie à la nature et alimente nos rêves et désirs d’ailleurs. Sur une plage de bout du monde, comme si les dunes du désert venaient se perdre entre ciel et mer, l’homme se redécouvre voyageur ( Le Désert / est riche de lointains (…) Rester l’amant / du vent / la certitude / écrase ). Mais alors que l’homme primitif subissait son errance, l’homme moderne, par la vertu de la poésie, s’élève et garde trace du rêve qui "prolonge le jour au-delà du réel".

La trace / de l’oiseau migrateur / s’inscrit / dans les feuilles jaunies / et le poème / retarde l’oubli / jusqu’à ce que l’encre / s’efface.


Ce mouvement vers le monde est fondamentalement un acte d’amour, qui se prolonge vers l’amant(e) et en attise le désir. Dans « L’essentiel », la mer, qui n’est plus que sel , et la chaleur du désert, consument le voyageur dont le seul espoir est, comme les hommes primitifs avant lui, de trouver abri dans les bras et les caresses d’une femme aimée, qui adoucit le soleil et fait se lever la brise. Tes caresses déposent / sur mon dos meurtri / un baume d’amour (…) L’essentiel.

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