Il était une ville de Thomas B. Reverdy
Catégorie(s) : Littérature => Francophone
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Detroit, ville morte ?
Capitale mondiale de l'automobile il n'y a pas si longtemps, Detroit se meurt, minée par la concurrence féroce des pays asiatiques, et bien sûr la montée des prix du pétrole. La crise des "subprime" n'arrange pas les choses. Elle devient progressivement une ville "doughtnut" comme le dit joliment un des personnages de ce roman : pauvre et vide au centre, riche en périphérie (en France c'est le contraire, remarque ce même personnage...).
C'est dans ce contexte que se situe ce roman qui met en scène, dans le désordre, un jeune ingénieur français plus ou moins abandonné par son employeur, une serveuse de bar, ancienne stripteaseuse ( et plus?), une bande de gamins fascinés par les excès de leurs aînés, un policier noir proche de la retraite submergé par les dossiers et à peine scandalisé par les affaires de corruption qui concernent ses patrons.
La vedette de l'histoire c'est la ville elle-même et il faut remercier T. Reverdy de l'avoir mise en scène, ce n'est guère connu en France. J'y ai été personnellement sensible, ayant moi-même vécu une expérience proche de celle d'Eugène juste après les émeutes de 1967. Le centre de Detroit se vidait déjà, les banlieues, type Grosse-Pointe, se barricadaient et on ne baissait pas sa vitre en traversant le nomansland...
Le style du récit n'est pourtant pas à la hauteur, mièvre (l'éditeur le qualifie de poétique...) et banal, n'hésitant pas à évoquer les bons vieux clichés, riches-pauvres ou blancs-noirs ou encore patrons-employés.
J'ai quand même passé un bon moment de lecture.
Les éditions
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Il était une ville [Texte imprimé], roman Thomas B. Reverdy
de Reverdy, Thomas B.
Flammarion
ISBN : 9782081348219 ; 19,00 € ; 19/08/2015 ; 272 p. ; Broché
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Les critiques éclairs (3)
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Que se passe-t-il ? Y avait une ville, et y a plus rien
Critique de Monocle (tournai, Inscrit le 19 février 2010, 64 ans) - 26 avril 2018
Il faut oser à l’heure où la littérature française se concentre sur son nombril, écrire sur les Ricains ! Cela mériterait au minimum le gibet et au pire des cas une émission avec Evelyne Thomas. En vieillissant je médis comme une vieille commère !
Bref, pour ma part je trouve cela délicieux mais le présent titre me laisse sur une curieuse impression.
L’auteur nous parle de Détroit, mégapole qui fut dédiée à la fabrication d’automobiles, poussée par des banques avides qui créèrent le machiavélique concept des « subprimes ».
Pour faire simple quand tout va bien c’est Byzance mais quand un poil de « foufoune » se retrouve dans le réservoir, le moteur explose provoquant un incendie général. Et c’est exactement ce qui s’est passé.
Détroit selon le roman (mais aussi la vérité vraie) est une ville qui se dépeuple... des maisons abandonnées et livrées au pillage, les commerces, les banques, les écoles désertent en galopant vers d’autres cieux plus cléments. Il reste les désoeuvrés, ceux qui ne peuvent aller ailleurs. C’est avec eux que l’histoire prend vie.
Charlie, un gamin, vit sa puberté sans limite, l’inspecteur de police Brown désabusé ne sait plus très bien où est le mal et Eugène envoyé par son entreprise ne comprend vraiment pas ce qu’il fait là.
Tous trois vivent leurs existences sans se connaître et pourtant le scénario se construit avec habileté.
Personnellement je ne suis jamais parvenu à entrer dans ce texte, sans trop savoir parce que c’est du bon mais je ne suis pas resté insensible au climat. Le roman commence lentement, puis l’auteur pond des passages vraiment fabuleux. Je pense notamment à la première nuit de Candice et Eugène… un moment d’anthologie que j’ai relu bien des fois.
Une ville qui se meurt
Critique de Ori (Kraainem, Inscrit le 27 décembre 2004, 88 ans) - 8 novembre 2017
Son agonie fait l’objet de ce roman qui met en scène des protagonistes aussi divers qu’un cadre supérieur engagé depuis l’Europe pour donner un nouveau souffle aux usines Ford, un policier qui a une conscience, des gamins désœuvrés dérapant dans la délinquance, ou une barmaid qui s’interroge sur son avenir …
Detroit, c’est sans doute l’histoire de toutes ces villes confrontées aux mutations économiques : au siècle dernier, la campagne se vidait au profit des villes, aujourd’hui, nombre d’entre elles se dessèchent selon un mécanisme que Thomas Reverdy décrit ici parfaitement : (citation) La théorie, c’est que si vous savez faire quelque chose mieux que votre voisin, et qu’il sait faire autre chose mieux que vous, vous avez intérêt à échanger, à faire du commerce. Mais en réalité, c’est que si votre voisin a des salaires quatre ou six ou vingt fois inférieurs aux vôtres, même ce que vous savez faire de mieux vous avez intérêt à le produire chez lui. La main invisible qui équilibrait les marchés a glissé dans la flaque d’huile de la mondialisation, voilà ce qui s’est produit. (fin de citation)
Un bon roman, aussi instructif qu’incisif …
Il était une ville où l'espoir meurt en dernier
Critique de Hcdahlem (, Inscrit le 9 novembre 2015, 65 ans) - 31 décembre 2015
Entre l‘aéroport et la ville, des kilomètres carrés de parcelles identiques. On est bien loin des années 60 quand les Who venaient donner leur premier concert ici. Après avoir franchi Downtown, au bord de la rivière, il poursuit sa route en direction des lacs et du Canada, découvre «les énormes cylindres de verre du Renaissance Center, le cœur de l’Entreprise, le siège mondial géant du géant mondial de l’automobile» et comprend que sa mission sera loin d’être une sinécure.
« On dirait que les choses s’emballent. Que toute la ville fout le camp et le maire avec. Les enquêtes et les démissions s’enchaînent, il paraît que même le FBI est sur le coup.» Lehman Brothers a fait faillite, le maire a été contraint à la démission face aux 38 charges d’accusation retenues contre lui. C’est le début de la fin, car « le pire est toujours au-delà de nos attentes.»
Le pire pourrait être illustré par l’histoire de Charlie, que Thomas B. Reverdy a eu la bonne idée de retracer en parallèle à celle d’Eugène. Elevé par sa grand-mère, le garçon à peine adolescent, retrouve des amis qui passent leur temps à errer dans les rues délaissées, les habitations vandalisées, les quartiers fantômes où se développent toutes sortes de trafics.
Un jour, il décide de prendre son baluchon et de les suivre dans une virée qui les mènera au cœur de la zone, dans une ancienne école devenue le refuge de tous les jeunes sans avenir. Sans doute que leurs noms figurent sur les dossiers retrouvés éparpillés dans les locaux du Precinct 13 qui avait fermé pendant l’été et qui s’occupait plus particulièrement de délinquance juvénile. A l’image de Brown, le policier qui essaie tout de même de faire son possible, Eugène essaie de survivre à la catastrophe qui, de jour en jour, prend plus d’ampleur. «Comme dans toutes les crises de système, il devenait impossible de prévoir jusqu’où pouvait s’effondrer Detroit. »
Il va trouver un peu de réconfort au Dive Inn où il a pris l’habitude de prendre un verre le soir parce qu’il peu y retrouver la serveuse, Candice. «La fille au rire brillant et rouge était sa principale raison de revenir.»
Entre le récit factuel et le reportage, sans ajouter du pathos quand les faits parlent d’eux-mêmes, l’auteur nous donne à vivre ce que des centaines d’articles économiques et d’analyses sur la désindustrialisation et les ravages de la mondialisation ne peuvent montrer. Derrière les chiffres, il y a de la chair, du sang et des larmes.
Pour finir 2015, j’ai choisi de vous parler de ce roman, parce qu’il me semble être le plus emblématique de l’époque et plus particulièrement d’une année qui ne restera sans doute pas dans les mémoires comme la plus joyeuse du XXIe siècle.
Mais aussi et surtout parce que l’histoire de Charlie et celle d’Eugène ne sont pas terminées. Parce qu’ils n’entendent pas être sacrifiés, malgré les oracles, parce qu’ils savent que demain est un autre jour.
A tous ceux qui me suivent occasionnellement ou plus régulièrement, je souhaite une très belle année 2016 !
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