La Terre qui penche de Carole Martinez

La Terre qui penche de Carole Martinez

Catégorie(s) : Littérature => Francophone

Critiqué par Bluewitch, le 26 octobre 2015 (Charleroi, Inscrite le 20 février 2001, 45 ans)
La note : 8 étoiles
Moyenne des notes : 8 étoiles (basée sur 9 avis)
Cote pondérée : 7 étoiles (1 481ème position).
Visites : 6 225 

J'aime t'écouter, toi mon enfance.

Voici une œuvre à deux voix, celles d'une même âme. Il y a la jeune, l'enfant, encore incarnée : Blanche, morte en 1361 alors qu'elle avait douze ans. Puis il y a la vieille, l'âme éternelle qui se rappelle, qui veille par delà les siècles et peine tant à se souvenir du moment où elles, les deux réunies en une, ont quitté le monde des vivants. Toutes deux sont Blanche, toutes deux sont si proches et si distantes dans la tombe qu'elles partagent. Leurs récits s'alternent, l'enfance se raconte au présent, l'histoire défile et la vieille âme s'émerveille, revit, redécouvre.

Blanche s'apprête à quitter le château de son père qui, peut-être, s'apprête à la vendre au diable agile et filou ? Une offrande pour que le grand mal, cette mort noire qui a pris sa mère ne revienne jamais ? Ce diable se niche-t-il au domaine des Murmures, là où se tiendra désormais sa nouvelle demeure ?

Carole Martinez confère à ce récit moyenâgeux une réelle magie, alliant la saveur d'un langage d'époque à une réelle poésie de l'image et du style. "La Terre qui penche" est un roman violent, charnel, mais aussi empli d'une forte sensibilité, de celle qui touche aux sens, pas qu'aux émotions, qui ouvre les yeux sur la nature, sa sauvagerie, sa beauté. C'est aussi le sacre du féminin, l'éclosion d'une femme. C'est le regard perspicace d'une enfant douce et brutale, fragile et tenace.

"La Terre qui penche" nous tient en haleine du début à la fin, de glissade en glissade, de pirouette en pirouette, sans jamais en faire trop. L'intrigue en fil rouge n'est finalement qu'un prétexte, c'est tout un monde qui s'ouvre et s'offre au lecteur.

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Un voyage littéraire

8 étoiles

Critique de Ichampas (Saint-Gille, Inscrite le 4 mars 2005, 60 ans) - 24 septembre 2021

Carole Martinez nous embarque dans son monde féérique, un beau voyage littéraire.

Un beau voyage dans le temps et une belle évasion

8 étoiles

Critique de Cédelor (Paris, Inscrit le 5 février 2010, 53 ans) - 30 janvier 2018

Ce roman n’est en rien semblable à tous ceux que j’ai lu jusqu’ici. Cette auteure a su dégager un style original, bien à elle, à nul autre pareil. Un style poétique en diable, un style filou et agile ! Les phrases, l’histoire, c’est très bien ciselé, c’est léger, vaporeux, onirique. Tout est bien mené, tout se tient, dans une perspective très féminine. En même temps, ça nous fait aussi découvrir une certaine réalité de ce temps du Moyen-Âge bien méconnu, celui du 14ème siècle, avec sa violence, la dureté de ses conditions de vie, celle de la place de la femme, ses pestes qui emportent si facilement des vies humaines, sa mentalité, ses croyances, l’esprit de ses chansons. Ainsi, réalité historique et éléments poétiques et fantastiques se mélangent dans ce superbe récit pas comme les autres, posés avec un regard résolument féminin. J’avais l’impression de lire un conte pour adultes. Du beau travail.

C’est mon premier livre de Carole Martinez que je lis, et je vois qu’elle en a écrit 2 autres, chacun à quelques années d’intervalle. Si les autres livres sont de la même veine que « La Terre qui penche », j’imagine qu’elle lui faut ce temps pour construire et polir ses histoires. Je reviendrai vers ces deux autres livres, car celui-ci me donne envie de découvrir les autres.

En même temps, si j’en dis de belles louanges de « La Terre qui penche », j’en dis aussi qu’il est irritant à lire, car moi qui aime les belles phrases et les beaux styles, celui-ci m’a donné envie d’en finir vite, car à la longue, la patience en est éprouvée sur plus de 400 pages poche ! Pourquoi, difficile de le dire précisément. Et pourtant, j’ai aimé ! J’ai aimé et en ai été énervé ! Pas courant comme sentiments contradictoires à la lecture d’un livre… Peut-être parce que je l'ai lu dans une période où je n'avais pas trop de temps de lire et donc trouvait le temps long pour le finir, alors que c'est un livre qui demande à prendre son temps pour pleinement en apprécier et déguster la prose.

C’est l’histoire d’une petite fille et d’une vieille âme, qui réinterprètent à leur manière la réalité qu’elle voit pour l’une et qu’elle se remémore pour l’autre. Tout est-il vrai, imaginé, inventé, réel ? Peut-être ce livre retranscrit très bien l’esprit du Moyen-Âge, pour qui le monde est magique, rempli de mystères et de croyances, et cela transparait dans les récits croisés de la petite fille et de la vieille âme. J’ai envie de le croire ! Un beau voyage dans le temps et une belle évasion qu’offre Carole Martinez, que je découvre.

Jura médiéval

8 étoiles

Critique de Tistou (, Inscrit le 10 mai 2004, 68 ans) - 3 mai 2017

Dans la lignée du « Domaine des murmures », son précédent ouvrage. D’ailleurs du « domaine des murmures » il est question là aussi, mais deux siècles après Esclarmonde ...
Franche Comté, Jura, XIVème siècle (1360 – 1361) donc Moyen-Age encore, ce semblent être des paramètres qui inspirent Carole Martinez. Et j’oubliais, la condition de la gent féminine, des filles, des femmes, conditions peu enviables à l’époque (?).
Blanche, petite fille de 12 ans, fille du Seigneur de Chaux, privée de sa mère depuis sa naissance, est élevée à la rude par son père qui considère notamment qu’apprendre à lire et écrire aux femmes c’est comme ouvrir la boîte de Pandore (d’autres le pensent aussi en notre temps !). A Blanche la broderie et l’inactivité, Blanche une petite fille pourtant pleine d’allant et de curiosité et de caractère.
Blanche s’inquiète quelque peu lorsque son père lui fait confectionner une robe de cérémonie, elle qui n’a jamais eu réellement de belles choses, et lui fait quitter le château en sa compagnie, avec une escorte de soldats, sans lui expliquer sur quoi va déboucher ce voyage à cheval de plusieurs jours. Elle s’inquiète mais n’ayant pas voix au chapitre, elle suit. Elle suit et parvient avec l’escouade au Château de Haute-Pierre, le Domaine des Murmures, afin d’y devenir la promise du fils, simplet, de 13 ans du seigneur des lieux.
Aymon, qu’il s’appelle ce fils simplet. Simplet mais en réalité plutôt … comment dire ? « Not on the same planet » !
La voilà laissée abruptement par son père, en « pays étranger » en quelque sorte. Mais un pays étranger où les petites filles ne sont pas uniquement considérées comme objet à marier pour en tirer bénéfice. Blanche va avoir l’occasion d’apprendre à lire, à écrire. Elle va découvrir la vie à vitesse accélérée pendant ces deux années. Et nous le Moyen-Age en pays jurassien, au bord de la Loue.
Le corps du roman est difficile à décrire. Si, quand même, une construction alambiquée, entre deux narrations : la narration de la petite fille, Blanche, et celle de la vieille âme (et il m’a fallu longtemps pour comprendre que c’était celle de cette petite fille). C’est peut-être inutilement compliqué sur un plan stylistique mais en réalité il faut se laisser porter par l’ambiance mi-médiévale mi-limite onirique, avec la « Vouivre » herself en guest-star !
On peut certainement ne pas aimer. C’est pourtant une belle atmosphère qui est installée par Carole Martinez. Une œuvre qui sort du commun.

Fantasmagorique

6 étoiles

Critique de Pacmann (Tamise, Inscrit le 2 février 2012, 59 ans) - 14 octobre 2016

J'avais trouvé "Le cœur cousu" fort et émouvant, le "Domaine des murmures" était aussi un roman surprenant et original, mais la lecture de "La terre qui penche"… m’a laissé quelque peu dubitatif.

Carole Martinez semble un peu s’essouffler en cherchant un équilibre entre une belle histoire et un style qui sans être inabordable est parfois trop travaillé. Restant dans son thème favori qu’est la condition féminine à travers les âges, son récit de type moyenâgeux sombre ici dans la fantasmagorie.

De nouveau l’auteur nous raconte une tragédie de femmes, une histoire de secrets ici avec une touche de fantastique et d’ésotérisme qui donne l’impression que le sujet ou le décor a fait son temps et que Carole Martinez, auteur à la sensibilité à fleur de peau, devrait pouvoir aborder d’autres époques et d’autres thèmes.

On lit les aventures de Blanche, jeune fille orpheline de mère et d’une sagacité surdéveloppée. Son seigneur de père, qui considère que les filles ne sont que les « culs » se débarrasse de son érudite sur les terres d’un allié qui doit marier Aymon, un fils aussi étrange que sauvage. Mais Blanche va finalement s'attacher à Aymon et à son environnement baigné par la Loue, une rivière habitée, ensorcelée et qui en quelque sorte devient le fil rouge de ce récit pour son bonheur et son malheur.

Sans doute le moins réussi des trois romans que l’auteur a à son actif, mais cela reste une lecture d’un très bon niveau.

Conte enchanteur

10 étoiles

Critique de Pascale Ew. (, Inscrite le 8 septembre 2006, 57 ans) - 15 avril 2016

Dans ce conte moyenâgeux, les petites filles de seigneur sont des objets de troc à marier. Blanche de Chaux (sic !), 11 ans, orpheline de mère, est emmenée par son père au château de Haute-Pierre (théâtre du roman "Du domaine des murmures" deux siècles plus tôt) pour y épouser l'héritier Aymon, 13 ans, simple d'esprit. Au fil des jours, elle va découvrir tous les liens qui la relient à ce lieu qu'elle ne connaît pas et qui la feront par la même occasion remonter à ses origines.
Dans ce conte, les routiers sont des ogres, la rivière est une fée tour à tour enjôleuse ou meurtrière et la Male Mort a fait des ravages.
Blanche va enfin pouvoir apprendre à écrire et elle va se laisser apprivoiser d'Aymon et l'apprivoiser.
Le récit est conté en alternance par Blanche enfant et Blanche morte depuis des siècles.
Carole Martinez tisse son histoire dans le style poétique enchanteur qu'on lui connaît, toujours derrière un voile flou qui ne nomme jamais tout à fait la réalité crue, mais la tamise pour la rendre plus belle.

Un roman médiéval au charme onirique

9 étoiles

Critique de Papyrus (Montperreux, Inscrite le 13 octobre 2006, 64 ans) - 12 avril 2016

Cette fois encore, Carole Martinez nous emporte, voyage dans le temps, sur les rives de la Loue qui s’écoule au creux de la Terre qui penche, la seigneurie du domaine des Murmures. Mais aussi voyage dans la langue où avec un talent et un style qui n’appartiennent qu’à de rares conteurs, elle fait revivre la vieille légende de la Vouivre, chère aux francs-comtois, légende onirique d’une déesse aquatique prisonnière des eaux de la capricieuse rivière.

Dans un récit magnifiquement écrit, à deux voix (la petite fille et la vieille âme), le lecteur pénètre le destin tragique d’une fillette de la petite noblesse du XIVe siècle, Blanche, destinée par son père à partager les jours d’un jeune seigneur, simple d’esprit mais dont la douceur et la sensibilité vont peu à peu la séduire.
Sous la plume de C. Martinez, cette époque médiévale, âpre et rigide, où les destins sont scellés dès la naissance, où la nature omniprésente et magnifique sert de cadre aux amours naissantes, où la mort rôde partout et emporte les humains sans prévenir, cette époque lointaine renaît avec magnificence pour le plus grand plaisir des amateurs de littérature.

La plume qui ensorcèle

9 étoiles

Critique de Killing79 (Chamalieres, Inscrit le 28 octobre 2010, 45 ans) - 13 novembre 2015

Etant manifestement un homme, avec des goûts masculins, il m’est souvent difficile d’appréhender les histoires centrées sur les femmes. On ne réfléchit pas et on ne ressent pas de la même manière, et j’ai souvent moins d’empathie pour un roman féminin. Comme je l’ai maintes fois répété, je n’apprécie pas non plus les contes fantastiques dans lesquels j’ai du mal en général à me projeter. Alors allez savoir pourquoi, j’adore ce que fait Carole Martinez !

J’avais déjà crié haut et fort tout le bien que je pensais de son « Cœur cousu » et la magie a encore fonctionné sur moi. Peut-être parce que son écriture est particulièrement belle et poétique. Elle utilise des formulations exigeantes et des phrases d’une grande richesse, pour nous transporter dans le temps et dans l’espace. On laisse alors de côté son quotidien et on se laisse porter par la beauté de la langue dans ce monde onirique.

Carole Martinez nous entraîne au XIVème siècle pour nous narrer le destin tout aussi extraordinaire que dramatique de Blanche. Afin d’être plus objective, elle alterne entre deux points de vue. Blanche, petit fille, nous raconte ses aventures de l’époque comme elle les a vécues et des années plus tard sa vieille âme apporte, avec du recul, son souvenir des évènements passés. Cette double vision donne une image d’ensemble de cette vie, qui couplée avec la plume ensorcelante de l’auteure, m’a complètement conquis.
Ce conte transpire tout autant d’amour et d’innocence que de violence et de perversité. Tout l’être humain nous apparaît dans son ensemble, avec ses forces et ses faiblesses. Avec une certaine légèreté et une certaine magie, l’ensemble des émotions passe dans ce texte, qui n’est finalement qu’un portrait de la société de ce siècle.

C’est une légende féminine et féerique, et ça m’a pourtant beaucoup plu. Grâce à un style hors du commun et parfaitement adapté au thème développé, c’est à la fois beau, poétique, humain… c’est Carole Martinez !

Merveilleux moyen âge

9 étoiles

Critique de Ddh (Mouscron, Inscrit le 16 octobre 2005, 83 ans) - 5 novembre 2015

La terre qui penche comme celle des coteaux de la vigne vers la vallée où coule une rivière étrange.

1361, la peste a quitté le domaine des Murmures. Le seigneur Martin peut promettre sa fille Blanche à Aymon de Haute-Pierre. Mariage dans deux ans, car ce ne sont que des enfants. Des enfants particuliers : Aymon plutôt simple d’esprit et Blanche plutôt farouche, indépendante mais non dénuée de sentiments. La nature foisonne et joue un rôle important. Le Moyen Age bat son plein avec ses mystères, son merveilleux, ses croyances, ses interdits.
La petite fille et la vieille âme se succèdent tout au long du roman qui baguenaude dans le temps, dans l’espace des sorcières, gentes dames et seigneurs cruels. Une bouffée d’air aux essences oubliées, loin du réalisme cartésien contemporain.

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