La mezzanine de Nicholson Baker
( The mezzanine)
Catégorie(s) : Littérature => Anglophone
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La vie infraordinaire et la douleur du souvenir
Avant l’heure du déjeuner, un employé découvre qu’un des lacets de ses chaussures est cassé ; il profite de sa pause pour aller acheter une paire de neufs. C’est tout ?
Vu d’une certaine distance, c’est tout, mais pour le narrateur maniaque, cette avant- pause et cette pause vont prendre des dimensions extraordinaires.
« C’est que n’importe quel détail du monde peut, si on le fait suffisamment ressortir, acquérir véritablement sa stature d’objet méritant l’attention. » Et le narrateur a le chic pour grossir les petits détails d’une existence...
Tous les objets, issus de la société de consommation (cartons de lait, paille flottante, distributeurs de serviettes en papier, main courante de l’Escalator etc.), qui captent son attention le reportent immanquablement à son enfance selon une théorie qu’il explique comme suit : « Notre seule manière de comprendre la place, l’importance et l’effet de ces transformations [qui affectent le monde et] qui constituent, souvent sans que l’on se préoccupe de les commenter, la texture quotidienne de nos vies (une texture grossière, graveleuse, comme le bas-côté d’une route, qui passe en général trop vite pour qu’on la regarde au microscope) est d’échantillonner toutes les images primitives de ces objets sous quelque forme que le conservent les souvenirs d’enfant – et évoquer ces souvenirs d’enfant, c’est accepter leur constante tendance à bousiller notre historiographie fragmentaire à coups de cordes sensibles. »
Autrement dit, pour peu qu’on regarde autour de soi avec attention, on est ramené à la première impression que les objets de consommation ont produite sur nous.
« Viendra-t-il le jour où je ne dépendrai plus aussi complètement de pensées qui trouvent leur origine dans mon enfance ? » s’interroge le narrateur qui, on le voit, aspire à la maturité qui, pour lui, viendra le jour où ses pensées seront enfin définitivement déconnectées de l’enfance et où il pourra puiser des souvenirs à une autre source que celle irriguant les premières années de sa vie.
Il n’est cependant pas dupe du type du personnage qu’il est devenu. « J’étais devenu le genre de type dont les découvertes majeures se borneraient probablement à des astuces pour terminer sa toilette tout habillé. J’étais un homme, mais j’étais bien loin d’être l’homme de première grandeur que j’avais espéré devenir un jour. »
A la fin du livre, le narrateur dresse la liste des sujets de pensée, souvent communs, et du nombre de fois où lesdites pensées surviennent par année. Par exemple : se brosser la langue [une de ses obsessions], le soleil rend gai, Mc Cartney plus doué que Lennon ?, intelligence en progrès, arbres (la beauté des), essence (l’odeur de l’essence),...
Le narrateur en conclut que tous ces gens si semblables vus de l’extérieur seraient certainement « aussi différents qu’une corde à sauter et un petit pain aux raisons » si on pouvait comparer la liste détaillée de leurs fréquences de pensée...
Sous des dehors futiles, ce drôle de roman d'initiation qui doit beaucoup à Perec et au Nouveau roman soulève maintes questions sur le fonctionnement du cerveau humain en milieu consumériste.
Les éditions
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La mezzanine [Texte imprimé] par Nicholson Baker trad. de l'américain par Arlette Stroumza
de Baker, Nicholson Stroumza, Arlette (Traducteur)
10-18 / 10-18
ISBN : 9782264017697 ; 6,20 € ; 18/11/1998 ; 191 p. ; Poche
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Les critiques éclairs (3)
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Des employés de banque et des fonctionnaires pas si sympathiques...
Critique de Antihuman (Paris, Inscrit le 5 octobre 2011, 41 ans) - 18 octobre 2011
Nicholson Baker se plaint notamment de ces tristes groupes qui parlent derrière les gens à la machine à café, de la surpopulation de la Grosse Pomme, mais aussi de ses riches parvenus somme toute peu élégants; puis percute d'ailleurs sa cible avec force lorsqu'il nous parle de ces horribles banlieues résidentielles trop calmes et de leurs milliers de 4X4 assez inutiles !
En fin de compte un livre séduisant, poignant, même s'il peut être pénible à la longue, parce qu'on sent le vécu de l'auteur même si cela déplaît très fortement selon toute vraisemblance pas à certains. D'autre part ces points cruciaux comme la disparition de toute identité dans le monde du travail pourraient nous concerner de plus près qu'on ne le pense...
Mariage réussi entre la forme et le fond
Critique de Fa (La Louvière, Inscrit le 9 décembre 2004, 49 ans) - 17 juillet 2009
Sur le fond, je me rallie donc à la première critique.
Sur la forme, il est amusant de constater que le récit lui-même est une boucle, un peu comme un lacet de chaussure : la forme fait un clin d'oeil au fond. Par ailleurs, l'auteur maîtrise opportunément l'art de la note en bas de page qui renforce les digressions présentées. On retrouve un peu de l'Ulysse de Joyce, ici : de l'art de faire de la banalité et du vécu quotidien une épopée
De l'art du détail et de l'anodin
Critique de Bernard2 (DAX, Inscrit le 13 mai 2004, 75 ans) - 17 juillet 2006
Mais le filon s’use tout de même au fil des pages. Passé l’amusement, on voudrait bien autre chose. Et pourquoi ces notes (renvois) interminables, qui cassent le rythme de la lecture, alors qu’elles pourraient très bien se fondre dans le texte principal ?
Roman irrégulier. Des passages savoureux, mais aussi des pages ennuyeuses.
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