La cache de Christophe Boltanski
Catégorie(s) : Littérature => Francophone
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Une famille pas comme les autres
«Pour vivre heureux, vivons cachés», une devise que la tribu des Boltanski, ou des «Bolt» comme l’auteur les appelle familièrement, ont toujours mise en pratique, comme en témoigne ce premier roman du grand reporter de «l’Obs», Christophe Boltanski.
Un livre-hommage écrit en l’honneur de son grand-père Etienne Boltanski, médecin juif, chef de service à l’hôpital Saint Antoine, et, surtout, de Marie-Elise sa «Mère Grand» (comme dans «Le Petit Chaperon Rouge»…) qui, malgré sa petite taille et son handicap (une polio contractée à 30 ans) sut protéger à l’extrême toute sa nichée et surtout défendre, bec et ongles son époux pendant l’Occupation.
Pour ce faire, le couple totalement fusionnel alla jusqu’à simuler une disparition brutale du mari du domicile conjugal, entérinée par un divorce prononcé en bonne et due forme en 1942, lui-même suivi d’un remariage en 1945 !
Entre temps, l’époux supposé indigne, vivait camouflé et recroquevillé dans un réduit, la fameuse «cache» dissimulée sous un plancher où, le jour, il lisait religieusement la Bible puisqu’il s’était converti au catholicisme - une conversion totalement sincère et désintéressée, en l’occurrence - et, la nuit, allait rejoindre à pas de loup sa femme !
Christian Boltanski, le célèbre plasticien et l’oncle de Christophe naquit d’ailleurs en 1944 au cours de cette période de 20 mois de réclusion, passée dans ce que ce dernier appelle «l’entre deux» !
Une pièce totalement secrète que le lecteur découvre à la page 235 de cet ouvrage conçu volontairement par l’auteur sur un mode ludique qu’il assimile à un Cluedo, tant cette autobiographie est menée comme une véritable enquête, chaque section étant assortie d’un plan des pièces de cet hôtel particulier de la rue de Grenelle, disséquées une par une.
En guise d'entrée en matière, le premier chapitre sur la Fiat 500 où tout ce petit monde s’entassait pour le moindre déplacement, véritable prolongement de leur forteresse protectrice, donne immédiatement le ton à cet ouvrage atypique, original et profondément attachant, même si le lecteur se perd parfois dans ces données éparses et fragmentaires où les époques, les noms réels ou empruntés, pseudonymes et sobriquets s’enchevêtrent à qui mieux mieux.
A partir des seuls témoignages de sa famille, l’auteur a construit ici un véritable puzzle où l’humour omniprésent voisine avec la tragédie et que le lecteur reconstitue lui-même au fil des pages pour son plus grand plaisir.
Les éditions
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La cache [Texte imprimé], roman Christophe Boltanski
de Boltanski, Christophe
Stock
ISBN : 9782234076372 ; 19,95 € ; 19/08/2015 ; 344 p. ; Broché -
La cache [Texte imprimé] Christophe Boltanski
de Boltanski, Christophe
Gallimard / Collection Folio
ISBN : 9782070468713 ; EUR 7,70 ; 12/01/2017 ; 336 p. ; Broché
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La cache – le ruge des Boltanski
Critique de Hcdahlem (, Inscrit le 9 novembre 2015, 65 ans) - 10 janvier 2016
Quand Christophe Boltanski entreprend de raconter l’histoire de sa famille, de remonter dans son arbre généalogique, il sait combien l’entreprise est aléatoire. Mais le romancier dispose d’un atout de taille : il peut construire un scénario qui lui permettra d’occulter certains trous de mémoire, voire de sélectionner les anecdotes les plus marquantes pour nous proposer l’un des premiers romans les plus réussis de la rentrée 2015.
Chapitre après chapitre, on ajoute une pièce à l’appartement Rue-de-Grenelle où se situe la cache qui donne son titre au livre, un peu comme dans La vie mode d’emploi de Georges Perec. Toutefois, avant d’entrer dans la maison, on commence par la fiat 500 garée devant l’entrée. Cette petite voiture dans laquelle s’entassent les membres de la famille livre d’emblée la caractéristique principale des Boltanski : ils sont soudés les uns aux autres, ne formant quasiment qu’un seul corps aux multiples tentacules. Et tant pis s’il est un peu difficile de respirer, car cela permet de conjurer la peur. Celle qui peut accompagner des personnes qui ont un jour quitté Odessa pour venir s’installer en France et qui doivent constamment lutter contre la mélancolie liée à l’exil et multiplier les efforts pour s’intégrer. Et ce depuis les grands-parents, Marie-Élise, rebaptisée Myriam et son mari Etienne, jusqu’à leurs trois fils et leur fille, dont l’artiste Christian et Luc, le père de Christophe. Etienne est fier d’être russe, mais pressent que s’il veut se fondre dans la foule, il lui faudra raboter quelques aspects de sa personnalité. Juif, il se convertit au catholicisme, mais n’hésitera pas à se cacher durant l'Occupation dans un réduit, de crainte d’être raflé.
Tour à tour truculente, drôle, grave et formidablement attachante, la galerie de personnages nous permet de traverser le siècle tout en suivant les aventures quelquefois très rocambolesques, mais ô combien romanesques, qui nous sont ici proposées. Et si le drame est constamment sous-jacent, c’est d’abord la belle volonté et la formidable énergie qui dominent le récit : « Je n’ai jamais été aussi libre et heureux que dans cette maison. J’aimerais pouvoir la décrire avec la précision d’un entomologiste détaillant la vie d’une fourmilière, galerie après galerie, ce faisant, je passerais à côté de tout ce qui ne se voit pas à la loupe : l’incroyable appétit de vivre, les moments d’ivresse, d’euphorie même. »
Il n’y a pas mieux pour conjurer les mauvais jours !
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