Le dernier quartier de lune de Chi Zijian

Le dernier quartier de lune de Chi Zijian
(Erguna he you an)

Catégorie(s) : Littérature => Asiatique

Critiqué par SpaceCadet, le 5 octobre 2015 (Ici ou Là, Inscrit(e) le 16 novembre 2008, - ans)
La note : 7 étoiles
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A la rencontre des Evenks

'Je suis une femme Evenk. Je suis l'épouse du dernier chef de clan élu par notre peuple.' (1)

Ainsi commence le récit de cette femme qui, à l'encontre des autres membres de son clan, refuse d'abandonner la forêt, les rennes et son existence traditionnelle pour aller vivre à la ville. On est sur la fin du XXe siècle et à quatre-vingt-dix ans, se retrouvant seule, avec son petit-fils, cette gardienne de la mémoire de son peuple éprouve le besoin de se raconter. Mais outre son petit-fils qui n'a rien à faire de ses souvenirs, qui l'écoutera? La terre? Les arbres? La pluie? Les étoiles?

Peuple nomade, les Evenks sont des éleveurs-cueilleurs qui, depuis des temps immémoriaux, vivent en parcourant un vaste territoire réparti entre la Mongolie-Intérieure, la Sibérie et la province chinoise du Heilongjiang. Rattrapés par la 'civilisation', c'est par conséquence des pressions politiques, économiques et environnementales liées au 'progrès' et au 'développement' qu'ils ont plus ou moins été relégués au rang de 'sujet d'étude' et sont aujourd'hui considérés comme un 'héritage culturel à préserver'.

A travers le récit de cette femme nous découvrons donc le mode d'existence, les coutumes, croyances et traditions de ce peuple, la vie au jour le jour, le cours des saisons et les divers événements qui marquent leurs existences, assistant par ailleurs au long du XXe siècle, à la lente et subtile progression vers une inévitable assimilation.

Née en 1964 dans le Heilongjiang, Chi Zijian est une écrivaine du nord. Son œuvre, constituée de romans et nouvelles, a pour objet de montrer la vie, de témoigner de l'existence telle qu'elle est. Ayant grandi, non seulement dans ce contexte de 'progrès' dont elle a sans doute apprécié les avantages, elle a par ailleurs pu observer cet environnement qui, soumis aux lois du développement, s'est peu à peu dégradé. Au surplus, pour mieux donner vie et matière à ce roman, elle a séjourné en Mongolie-Intérieure parmi les Evenks, puis elle s'est documenté. A cet effet, on peut estimer que 'The Last Quarter of the Moon' (2) constitue un reflet assez fidèle de ce que l'on sait aujourd'hui au sujet des Evenks de Chine (3).

Mémoires fictifs relatés de manière informelle au long d'une journée, le récit, riche de multiples détails, enchaîne les aventures et mésaventures telles que vécues par de nombreux personnages. Le ton est généralement neutre si bien que la narration, paraît un peu sèche et manque de cet allant qu'une personnalisation plus solide lui aurait conféré. Cela est fort heureusement contrebalancé par une prose imagée, à saveur poétique, qui reflète bien, par le choix du vocabulaire et du mode d'expression, l'esprit (animiste et écologiste) dans lequel vivent et évoluent les Evenks.

Roman à saveur ethnologique, 'The Last Quarter of the Moon', nous transporte littéralement dans un monde, un mode de vie et une philosophie où l'homme et la nature, l'homme et l'univers, ne font qu'un.

Magique.

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1. 'I am an Evenki woman. I am the wife of our people's last Clan Chieftain.' (p.6)

2. Notons que le titre anglais s'inspire des dernières pages du roman tandis que le titre original devrait se traduire par 'La rive droite de l'Argun'.

3. Soulignons que Chi Zijian s'est vu attribuer le prix Mao Dun 2008 pour ce roman.

*

N.B. Ce compte-rendu fait référence à la traduction anglaise du roman. Une traduction française serait actuellement (2015) en cours de préparation.

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