Anderson's Inn de Danielle Dussault

Anderson's Inn de Danielle Dussault

Catégorie(s) : Littérature => Francophone

Critiqué par Libris québécis, le 15 juillet 2015 (Montréal, Inscrit(e) le 22 novembre 2002, 82 ans)
La note : 8 étoiles
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C'est quand la guerre est finie qu'elle commence

C’est quand la guerre est finie qu’elle commence. Le syndrome de stress post-traumatique est bien connu chez les soldats qui reviennent du front. Pour eux, c’est le début d’un combat contre les circonstances qui les ont atteints au plus profond de leur être. Les anxiolytiques et les psychothérapies ne suffisent pas toujours à soulager leur souffrance morale. Et hélas, certains s’enlèvent la vie pour échapper à leurs tourments.

Danielle Dussault s’attaque audacieusement et brillamment à cette dynamique qui ravage l’âme humaine. Phil Anderson, un Américain qui a participé au conflit de la Deuxième Guerre mondiale, s’installe après les hostilités dans une auberge lui appartenant sur une île sise devant la Nouvelle-Angleterre. Espère-t-il y vivre en paix le reste de ses jours ! La vie s’accorde mal avec la sérénité. Le passé rattrape celui qui a vécu l’horreur belligérante. Elle laisse une marque indélébile empreinte de remords qui suit le militaire incarné en tueur patenté au service de l’État. La situation s’envenime davantage pour Phil Anderson qui a épousé Alice Joppek, une juive honteuse de ses origines polonaises. Elle vivait en France lorsqu’il l’a connue. Pour contrecarrer son destin, elle a usurpé l’identité de son amie Marianne Dupin qu’elle a dénoncée auprès des autorités comme étant une juive. Emmenée dans un camp de la mort, dans un train destiné aux bestiaux, elle fut abattue quand elle a jeté sa fille Éva sur la voie ferrée lors d’un ralentissement du convoi.

Cette trame suppose d’indicibles rebondissements quand on pourchasse le silence. La maxime le glorifie, mais, en réalité, il empoisonne l’existence si la duperie camouffle la réalité. D’après de menus indices, Éva joint cette amie de sa mère, qui a fait d’elle une orpheline. Grâce à son métier d’artiste peintre, elle s’introduit auprès de Phil Anderson, qui lui commande de brosser le portrait de sa femme. Quand William Anderson hérite de l’auberge de son père, il est très intrigué par cette toile qui orne le hall. Il veut en connaître l’auteure qu’il débusque finalement à cause de sa perspicacité.

Cette rencontre amorce un dénouement qui s’aligne sur le pardon, gage d’un bonheur possible. Pardonner à un père sévère et tourmenté qui a occulté la vérité à son fils, pardonner à une femme qui a voulu échapper aux mains des nazis. Un couple phagocyté par le mal de la belligérance. Dans une île isolée, il croyait se redonner une virginité. Quand l’innocence est consumée, le présent est impuissant à la restituer. Pire, les enfants sont tirés par cette spirale infernale. Que de résilience et d’amour d’autrui il faut pour s’offrir la tranquillité de l’âme !

Fuir la prison dorée que l’on s’est construite pour sauver les apparences n’est pas une mince tâche. L’auteure l’illustre avec brio. Son écriture est haletante. Et avec économie, elle réussit en 120 pages à circonscrire toute la dynamique du sujet qu’elle incarne dans un décor insulaire qui enseigne que l'insularité n'est pas la panacée aux maux de l'âme.

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