La Chouette aveugle de Sadegh Hedayat
(Bouf-e-Kour)
Catégorie(s) : Littérature => Asiatique
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Pessimisme exacerbé
J’ai relu ce livre et il m’a bien moins impressionnée qu’il y a quelques années. Certaines idées m’ont même énervée. Sur la 4ème de couverture, on découvre qu’André Breton, Adamov et Ionesco le considèrent comme un des plus grands écrivains de ce siècle.
Sadeq Hedâyat est un écrivain iranien, issu de l’aristocratie, né au début du siècle. Il s’est suicidé à Paris en 1951.
Pourquoi ce titre « la chouette aveugle » ? « Mon ombre sur le mur était exactement celle d’une chouette, elle se penchait pour lire ce que j’écrivais ».
Le livre fait 189 pages et se divise en 2 parties. La première partie est la plus intéressante à mon avis. Elle compte 76 pages. Elle nous conte l’histoire d’un homme seul, enfermé chez lui, retiré du monde, empreint d’un pessimisme exacerbé.
« Mes journées s’écoulaient, elles s’écoulent encore entre les quatre murs de ma chambre. Ma vie entière s’est écoulée entre quatre murs. »
« J’étais un cadavre ambulant »
L’auteur est en proie à des visions, fume de l’opium et ne discerne plus la vérité du rêve. Il voit une femme, belle qui entre chez lui, se couche sur son lit pour mourir. Pour se débarrasser du cadavre, il la coupe en morceaux, la dépose dans une malle et va la déposer à Chah Abd-ol-Azim, un lieu de pèlerinage populaire situé près de Téhéran.
Dans la seconde partie, sa haine du monde et de sa femme s’accentue.
« Une seule chose me faisait peur : l’idée que les atomes de ma chair se mêleraient ensuite à ceux de la canaille » . Quand il parle de sa femme, il l’appelle « la garce ».
Il est tellement mal dans sa peau qu’il fait de la projection. Le monde est mauvais. Tout le monde sent mauvais, tout le monde est laid, tout le monde est vieux, toutes les maisons sont sales. Plus pessimiste que lui, ça n’existe pas. Seule la mort peut le délivrer de ce mal de vivre. Mais avant cela, il lui faudra tuer sa femme, cette garce qui se donne à tout le monde, sauf à lui.
Tout au long du livre, il promène un regard désespéré sur le monde. L’existence terrestre est baignée d’une sinistre lumière. Le visage des gens ressemble à un trognon de concombre.
« Il est des plaies qui, pareilles à la lèpre, rongent l’âme, lentement, dans la solitude »
« Je n’ai qu’une crainte, mourir demain, avant de m’être connu moi-même »,
« Si maintenant, je me suis décidé à écrire, c’est uniquement pour me faire connaître de mon ombre – mon ombre qui se penche sur le mur, et qui semble dévorer les lignes que je trace. C’est pour elle que je tente cette expérience, pour voir si nous pouvons mieux nous connaître l’un l’autre »
« J’avais tellement pensé au trépas, à la décomposition des cellules de mon corps que non seulement cela avait cessé de m’effrayer, mais que je désirais réellement disparaître et m’anéantir ».
« Seule la mort ne ment pas »
Quelques belles trouvailles quand même :
« La nuit s’en allait à pas de loup, comme si elle s’était suffisamment reposée de ses fatigues »
« J’ai toujours pensé que rien ne vaut le silence et qu’on ne peut faire mieux que d’imiter les butors qui passent leur temps, au bord de la mer, à s’étirer les ailes dans leur solitude »
A lire pour l’écriture.
Les éditions
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La Chouette aveugle
de Hedayat, Sadegh Lescot, Roger (Traducteur)
J. Corti
ISBN : 9782714302533 ; 18,00 € ; 01/01/2000 ; 195 p. ; Broché
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Quand les yeux ne savent plus voir la lumière
Critique de SpaceCadet (Ici ou Là, Inscrit(e) le 16 novembre 2008, - ans) - 17 juillet 2018
Techniquement c'est un ouvrage remarquable, taillé avec une imperceptible précision et exhibant un bel équilibre entre forme et contenu. Au surplus, soignée sans être sophistiquée, mais en phase avec l'esprit et la voix du narrateur, la prose m'a semblé bien contribuer à la crédibilité de la narration.
Portrait d'un homme torturé, récit d'une sombre désespérance dans lequel la nuit prédomine sur le jour, la laideur fait ombre à la beauté, la souffrance anéanti le bonheur et où, la matérialité de l'existence humaine appelle sans cesse à la nature libératrice de la mort, "La chouette aveugle" laisse également entrevoir les marques d'une douloureuse lucidité.
Nonobstant l'esprit existentialiste dans lequel il baigne, c'est un roman qui, tant par ses qualités intrinsèques que par la réflexion qu'il pourra susciter, tient assez bien le poids des années, tandis que comportant un juste dosage de psychologie, de philosophie et de surréalisme, il possède indéniablement un caractère universel. En deux mots, un classique!
Note: Ce compte-rendu fait référence à la version traduite du persan vers l'anglais par P.D. Costello
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