La Nageuse au milieu du lac de Patrick Nicol

La Nageuse au milieu du lac de Patrick Nicol

Catégorie(s) : Littérature => Francophone

Critiqué par Libris québécis, le 17 avril 2015 (Montréal, Inscrit(e) le 22 novembre 2002, 82 ans)
La note : 8 étoiles
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Prof en deuil

Dans la vie, on choisit ses chaînes. « C’est pas l’enfer, c’est pas le paradis », chante Salvatore Adamo. Patrick Nicol l’a compris. Ses oeuvres s’attachent au destin d’un héros qui se cherche une voie mitoyenne entre le ciel et la géhenne. Son dernier roman met le focus sur un enseignant dont la mère s’éteint à petit feu. Comment réagit-il à la nouvelle donne qui l’oblige de mener sa génitrice d’un médecin à l’autre ?

On est ébranlé même si l’on n’est pas visé par la grande faucheuse, qui brandit son spectre vers un être cher. Sa mort prochaine n’est pas sans faire songer à son propre trépas. Et ce qui angoisse, c’est la fin d’un rite auquel on est habitué. Dans son essai Comment enseigner la mort à un robot, Bertrand Laverdure voit la mort comme la fin des répétitions qui vient mettre un terme à une existence basée sur un connu qui assure la sérénité. Les fins dernières mettent le cap sur un nouvel horizon. Si l’étranger de Camus accepte froidement la situation, le héros de La Nageuse au milieu du lac est loin de réagir de façon clinique.

En attendant la mort qui embête son existence à cause des soins qu’il doit prévoir pour sa mère, il doit toujours composer son existence avec sa fille, le copain de celle-ci, ses élèves, ses confrères. Curieusement, ses quatre soeurs et frères sont absents de l’œuvre sauf quand l’auteur mentionne leur existence dans une ligne. Le héros, cadet de la fratrie, porte sur ses épaules le sort qui attend sa mère. Cette dernière s’impose à la pensée du fils. Elle le suit dans son quotidien paternel et scolaire. Tout le renvoit à ce qu’il vit intimement sans compter l’histoire familiale qui refait surface : sa naissance au Saguenay, le mort de son père à deux ans… Il tourne les pages de l’album de photos qui lui offre l’occasion d’apprécier la part de sa génitrice dans sa vie et de jauger son existence. Acceptait-elle son sort comme Florentine de Bonheur d’occasion de Gabrielle Roy ou nageait-elle à contre-courant comme Madeleine de Poussières sur la ville d’André Langevin ?

Le dilemme se prête à l’introspection. Le héros ne manque pas de se prêter à ce jeu, qui ne peut que mieux le définir. Qui est-il comme père, comme enseignant, comme collègue, comme fils ? Chaque chapitre souligne un aspect sur lequel s’accrochent souvenirs et points de vue sociaux comme la tragédie de Lac-Mégantic. L’auteur plonge son personnage, en fait son alter ego, dans un quotidien qu’il doit examiner pour survivre aux tempêtes qui le secouent et surtout pour survivre à la mort d’une mère qui du cimetière veillera sur lui.

En 150 pages à peine, le roman suit le cheminement d’un homme vers la lumière, une lumière vacillante qui laisse deviner que la vie à son prix. On le note quand le héros visite le plus vieux cimetière de Philadelphie, où sont enterrés de nombreux Américains qui ont participé aux guerres de l’Indépendance ou de la Sécession. À leur image, le héros retombe sur ses pattes comme un chat afin de laisser une empreinte quelconque dans les sillons qui tracent notre existence. Et ce qui ne gâte pas la sauce, le roman porte la marque d’une écriture griffée, qui le range parmi les œuvres à recommander.

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