Le principe de Jérôme Ferrari

Le principe de Jérôme Ferrari

Catégorie(s) : Littérature => Francophone

Critiqué par Ngc111, le 30 mars 2015 (Inscrit le 9 mai 2008, 38 ans)
La note : 7 étoiles
Moyenne des notes : 8 étoiles (basée sur 4 avis)
Cote pondérée : 6 étoiles (24 418ème position).
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Par dessus l'épaule de Dieu

Après Le Sermon sur la chute de Rome, Jérôme Ferrari délivre un court roman à l'allure d'essai qui s'intéresse à un physicien allemand de la première moitié du 20e siècle. L'auteur, à travers les mots d'un narrateur au parcours de philosophe, nous parle de la vie d'Heisenberg ; pour un récit mélangeant éléments biographiques et réflexions personnelles.

La première partie parlera plus de physique quantique, science complexe et semblant inabordable, traitée en l'espèce avec une vision quasi poétique et artistique. Grâce à une plume qui fait merveilleusement effet à l'instar de ce que l'on pouvait apprécier dans son livre précédent, Jérôme Ferrari nous parle comme à travers un rêve des motivations, des causes et conséquences et des luttes qui ont pu jalonner le parcours d'Heisenberg. Il relie tout cela à la beauté du monde que l'on essaie peut-être vainement de comprendre, d'expliquer d'une façon mécanique ; il nous parle de l'homme qui essaie de "regarder par dessus l'épaule de Dieu". La finesse de son écriture et la mélancolie qui se dégage non seulement du style mais aussi des thèmes abordés et de l'analyse qui est faite, donnent à cette première partie un cachet littéraire absolument remarquable. Au fond peu importe que l'on connaisse ou non ce physicien, peu importe que cette science nous semble presque inhumaine, le sujet devient merveilleusement beau entre les mains d'un écrivain doué, et s'accompagne d'un angle de réflexion original.

Par la suite le récit retombe un peu peu plus dans un classicisme pas forcément regrettable mais qui nous surprend moins et nous séduit moins, l'auteur préférant parler des enjeux de la recherche scientifique relatifs à la guerre, des tourments que ceux-ci peuvent engendrer dans la communauté internationale scientifique et des positions affichées par les chercheurs, qu'elles soient officielles ou officieuses. On nous parle alors de la vie d'une poignée de physiciens allemands qui se trouvaient sous garde anglaise et dont on essayait de déterminer la culpabilité ou non tout en les "protégeant" d'une possible fuite vers le camp russe. La vision de l'intérieur de ce petit groupe d'hommes est intéressante et arrive à individualiser ce qui aurait pu être perçu comme une communauté isolée et hermétique au commun des mortels.

Le récit s'achève et l'on se dit que l'on aurait aimé encore plus de belles phrases ciselées, philosophiques et poétiques sur le pouvoir de l'Homme, ses motivations et ses incertitudes. Sa désuétude aussi. Peut-être aurait-il fallu mettre un peu plus en avant le narrateur mais cela aurait été risquer d'éclipser le sujet principal. Un peu court dans sa première moitié, juste comme il faut dans la seconde, Le Principe est un traitement relativement original et surtout bien écrit d'un sujet obscur, qui se dévoile ici non par ses caractéristiques techniques et scientifiques mais par sa portée philosophique et universelle.

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Les souffrances de Werner

8 étoiles

Critique de Elko (Niort, Inscrit le 23 mars 2010, 48 ans) - 27 septembre 2015

Il n'y a que les poètes et les scientifiques pour décrire notre monde. Les uns utilisent des métaphores quand les autres établissent des formules. Approximations de cette vérité indicible pour les hommes, car nommer est déjà une forme de mensonge.
Werner Heisenberg fait partie de ces physiciens, pères de la mécanique quantique, qui a la suite de fulgurances parvient à approcher cette vérité. Mais ses travaux se déroulent sous le IIIème Reich et il faut choisir : rester au service du nazisme ou s'exiler. Werner choisira sa patrie pour y préserver dit-il "un îlot de stabilité", pour pouvoir reconstruire la recherche allemande après la défaite. Commencera alors la course au nucléaire et la polémique sur ses véritables motivations.
Jérôme Ferrari offre une biographie subtile, mélancolique, teintée de poésie et de réflexions entre philosophie pure et épistémologie. Sur notamment les déviances de la science dont la finance avide de croissance serait le dernier fléau. Il offre également l'occasion de s'immerger dans la communauté prestigieuse des physiciens de cette époque.
Un très beau récit.

UNE INTRODUCTION A L'UNIVERS DU "PRINCIPE"

8 étoiles

Critique de TRIEB (BOULOGNE-BILLANCOURT, Inscrit le 18 avril 2012, 73 ans) - 25 mai 2015

Le titre du récit de Jérôme Ferrari renvoie au principe d’incertitude, défini par le physicien Werner Heisenberg comme l’impossibilité de connaître en même temps la position et la vitesse d’une particule élémentaire. Il est question, dans ce livre, de l’évocation du parcours intellectuel et scientifique du professeur Werner Heisenberg depuis ses jeunes années jusqu'à la période immédiatement postérieure à la deuxième guerre mondiale. Il est ainsi reçu dans les années 20 par Ferdinand von Lindemann à l’Université de Munich, puis par Niels Bohr à l’Université de Göttingen, haut lieu de la science allemande alors .Ce dernier lui révèle le double caractère de sa vocation, celle d’un physicien, et aussi celle d’un poète. L’auteur de l'apostrophe, un jeune philosophe, le met en garde contre l’expression métaphorique des choses : « Mais voyez ce qu’il en est : à s’exprimer par métaphores, on se condamne à l'inexactitude et si l’on se refuse à l’avouer, on prend encore le risque du mensonge. »

Autre constat : la difficulté pour le langage humain d’illustrer des formules et équations mathématiques : « Le principe consista d’abord dans votre conviction que nous n'atteindrons jamais le fond des choses (…) parce que les choses n’ont pas de fond. »

On trouve également dans le texte de Jérôme Ferrari quelques indications sur les querelles et débats entre les physiciens : pourquoi Schrödinger se trompe, pourquoi les propositions d’Einstein méritent d’être prises en considération .Il y a également une réflexion sur la statut du scientifique, son pouvoir, sa légitimité, son degré de conscience de participer à une découverte lourde de conséquences .C’est bien sûr le cas de la nombre nucléaire, à la découverte de laquelle ont été mêlés, de près ou de plus loin, ces savants parmi lesquels Werner Heisenberg .L’un des passages du récit est frappant : en apprenant la mise au point par les Américains de cette arme terrible, les savants, confinés dans un chalet, prisonniers des Alliés, se mettent à pleurer .On ignore la cause de leur chagrin : tristesse véritable ou vanité blessée de n'avoir pas eux-mêmes pu fabriquer cette arme ?

La forme du texte est très réussie :c’est une apostrophe continue, faite d'abord à la première personne du pluriel, puis à la troisième personne de ce même pluriel, pour désigner cette fois le groupe de savants fréquenté par Werner Heisenberg .Il pose de très pertinentes questions sur la science, son pouvoir, sur les intellectuels, leur environnement. L’écriture est très élégante, le style très beau, épuré .Jérôme Ferrari nous introduit brillamment dans l’univers de ce « principe ».

Le mystère Heisenberg

8 étoiles

Critique de Tanneguy (Paris, Inscrit le 21 septembre 2006, 85 ans) - 6 avril 2015

C'est le titre d'un des livres consacrés à ce savant allemand, que J. Ferrari a consultés pour composer ce court essai. En effet pourquoi ce brillant sujet, génial inventeur du "principe" qui porte son nom, "nobellisé" à trente ans, a-t-il choisi de rester en Allemagne nazie, quitte à cautionner le régime. Pourtant ses pairs le poussent à s'exiler en Grande-Bretagne ou aux USA. Ce sera le cas de Niels Bohr son maître et "père" à qui il tentera sans succès d'expliquer ses motivations. Une pièce remarquable a d'ailleurs été tirée de cet épisode dramatique ( Copenhague avec Pierre Vaneck et Niels Arestrup ).

L'auteur choisit de retracer le parcours de Heisenberg depuis ses études jusqu'à l'écroulement de l'Allemagne nazie et l'explosion de la première bombe atomique sur Hiroshima en 1945 alors que les savants restés en Allemagne et rassemblés en Grande-Bretagne après la victoire alliée en découvrent les effets avec stupeur.

Le récit historique, assez connu, est intéressant ; j'ai moins aimé le parti pris poético-philosophique mêlant le parcours personnel du narrateur, sans grand intérêt, à la réalité historique. Le livre, assez bref se lit d'une traite et avec plaisir.

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