Toxic, tome 3: Calavera de Charles Burns

Toxic, tome 3: Calavera de Charles Burns
(Sugar skull)

Catégorie(s) : Bande dessinée => Sci-fi & fantastique

Critiqué par Antihuman, le 27 mars 2015 (Paris, Inscrit le 5 octobre 2011, 41 ans)
La note : 5 étoiles
Moyenne des notes : 7 étoiles (basée sur 2 avis)
Cote pondérée : 5 étoiles (41 803ème position).
Visites : 3 458 

"Je ne suis même pas là."

Un exemple d'absurde qui laisse sans voix: par définition, quand il est par trop présent il n'y a pas grand chose à ajouter. Pourtant cette BD m'avait semblée au début pas sans intérêt, avec ce nerd qui rejoint une copine qui se cache dans un passage secret qui débute dans des toilettes publiques...

Mais le reste se poursuit sur ce même thème, ajoutant page après page de ces doses d'extravagance et de saugrenu sans jamais ajouter une seule once de réalisme - telle qu'on la signifie au sens propre: pourquoi faire ?

Cependant c'est plutôt dommage, car le grand Charles Burns nous avait habitué à être coupable de beaucoup mieux. Mais hélas c'est tout le problème des auteurs célèbres, ils réécrivent toujours le même bouquin comme chacun sait, ou bien, et c'est le cas de "Calavera" l'insensé suprême devient leur but unique et l'occasion de prouver leur talent qui ne nécessite pas de développement explicatif, sinon juste une case illustrative. Tout le problème de la célébrité, puisque le marché de l'art commercial comme celui qui est élitiste est en réalité basé sur qui-a-fait-a-quoi et qui-est-qui (à part peut-être pour les innocents très optimistes.)

Donc je ne pense pas que l'intrigue de cet album laissera des marques sans nom dans le siècle, mais en tout cas il apparaît clairement que cette histoire de rocker médiocre n'a pas pour autre atout pour Burns de distribuer des piques ça et là, et en particulier à ces élèves d'école d'art qui se pensent très vite géniaux. Et du fait que "Calavera" est un roman choral, on perd très vite le fil qui ne suit, bien entendu, aucune ligne crédible de base sinon uniquement la sienne.

Tout cela n'est donc au final qu'une bulle de plus d'irrationnel pour accros, aficionados variés, ou simples habitués de la BD, ce qui n'est déja pas mal mais ça ne va pas plus loin.

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Voyage au bout de l’enfer

9 étoiles

Critique de Blue Boy (Saint-Denis, Inscrit le 28 janvier 2008, - ans) - 27 juillet 2015

Dernier volet de la trilogie hallucinée et hallucinante de Monsieur Burns qui nous entraîne dans le dédale de ses obsessions, par le biais de ce personnage tourmenté, Doug, double de lui-même, dont on ne sait si l’empâtement physique au fil de l’histoire est dû à l’âge, à l’inactivité ou aux tranquillisants, vraisemblablement un peu des trois. Un drôle de périple où narrations et identités tour à tour fusionnent et se dédoublent, à coups de flashbacks, de mises en abyme et de basculements vers une dimension onirique et terrifiante. Il faudra avoir les nerfs bien accrochés pour suivre ce récit complexe sans haut-le-cœur, un récit à la poésie maladive où reviennent les mêmes leitmotiv : angoisse de la paternité, quête illusoire d’un père absent, dégoût de la procréation, crise identitaire, crainte de la rupture amoureuse, terreurs métaphysiques liées à notre humaine finitude, autant de thèmes qui se font écho les uns aux autres.

Comme dans « Black Hole », Charles Burns ausculte à sa manière l’envers du rêve américain, et par extension du "rêve occidental", avec sa ligne claire scalpellienne dévoilant l’âme de ses personnages, une ligne claire que l’on dirait conçue pour mieux faire avaler la pilule d’une vérité trop âpre, et qui dans la forme évoque plutôt l’univers avenant d’Hergé. Un véritable trompe-l’œil qui ne fait qu’accentuer le trouble. Il suffit de regarder les trois couvertures qui mettent en scène Doug (ou son double tintinesque pour le premier tome), dans une attitude de perplexité, de malaise ou d’angoisse face à ce que ses yeux viennent de lui révéler, qui un champignon géant, qui une créature mi-humaine mi-porcine, qui un squelette de fœtus également hybride, et toujours dans des lieux sinistres et mortifères, égouts, souterrains, ruines… Et cet univers étrange regorge de symboles, l’auteur recourant à une allégorie qui lui est propre et qu’une seule lecture de l’œuvre ne suffira pas pour en faire le recensement complet.

Ce dernier tome nous conduit vers une issue aussi déconcertante qu’effrayante, où en quelque sorte la fin rejoint le début, où une boucle se boucle sans se boucler, comme un cycle infernal qui se répéterait continuellement, un cauchemar dont on ne se réveillerait jamais… Si l’on devait établir une comparaison avec « Black Hole », autre œuvre remarquable du même auteur, celui-ci était en noir et blanc avec une note d’espoir en conclusion, alors que la trilogie Toxic, agrémentée de couleurs neutres et vives, se termine paradoxalement de façon plus désespérée. Dans les deux cas, des œuvres hypnotisantes, dérangeantes, extraordinaires.

Pour terminer, on ne manquera pas de saluer Cornélius pour le tirage soigné avec une bande de tissu recouvrant le dos de l’ouvrage, autre clin d’œil de l’éditeur aux premières éditions des « Aventures de Tintin ».

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