Les fous de Bassan de Anne Hébert
Catégorie(s) : Littérature => Francophone
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"Dans toute cette histoire, il faut tenir compte du vent"
Eté 1936. Après cinq années d'absence, Stevens Brown revient de Floride confronter ses vingt ans et ses démons au village qui l'a vu naître et grandir : Griffin Creek, entre cap Sec et cap Sauvagine, quelque part sur les rives du golfe du St Laurent. Griffin Creek, fondée quelques 150 ans auparavant par quatre familles. Tout le monde y est donc aujourd'hui plus ou moins cousin. Un village de pêcheurs et de paysans, dont les âmes sont surveillées par le révérend Nicolas Jones. Un village qui ne s'ouvre et respire que ces quelques mois d'été et s'enferme sur lui-même, à l'abri du vent, le reste de l'année. Un été qui ressemble à un printemps. Leur printemps, les filles de Griffin Creek doivent en profiter : elles n'en auront qu'un. Aussitôt mariée, aussitôt mères, aussitôt cloîtrées. Et ce printemps, dans lequel sont arrivées les cousines Olivia et Nora Atkins (15 et 17 ans), nombreux sont les hommes qui le guettent.
De la violence des sentiments et des ressentiments, des frustrations passées et pressenties, naîtra en cet été 1936 un drame que l'auteure nous fera vivre par les yeux et les voix des différents protagonistes, chacun dans un registre particulier : mode épistolaire pour Stevens; poétique pour Olivia Atkins; tumultueux et confus comme la pensée de Perceval, le frère idiot de Stevens, plus "classique" à d'autres moments;…
Un roman riche et foisonnant, pas toujours facile, mais qui m'a suffisamment impressionné pour me donner envie de le partager au repas annuel des Céliens à Bruxelles.
Quelques citations:
Stevens : "Je crois que cette femme est heureuse de nourrir un homme et d'être commandée par lui."
Nora : "Mes seins sur mes côtes viennent de se poser comme deux colombes. (…) La promesse de dix ou douze enfants (…) se niche au creux de mon ventre."
Révérend N. Jones : "J'ai beau (…) mettre Nora et Olivia en garde contre le séducteur couvert de peaux de brebis, (…) du loup dans la bergerie, de l'étranger de passage qui… Je n'en finis pas de me demander laquelle des deux je préfère."
Les éditions
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Les fous de Bassan [Texte imprimé], roman Anne Hébert
de Hébert, Anne
Seuil / Points (Paris)
ISBN : 9782020336482 ; 7,00 € ; 02/03/1998 ; 248 p. ; Poche
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La Mer que l'on voit danser
Critique de Libris québécis (Montréal, Inscrit(e) le 22 novembre 2002, 82 ans) - 2 mars 2015
La trame se compose de six récits ancrés sur les mêmes journées et les mêmes scènes. Trois sont datés de 1936 et deux de 1982. Le décalage assure le sens de l’œuvre par de multiples échos tout en lui conférant une aura poétique. Décalage qui permet de joindre le passé à la sensibilité du lecteur afin de l’intéresser au suicide de la femme du pasteur Jones et à la disparition des cousines Atkins.
La singularité des personnages est nouée à la fonction et à la signification du rivage. Chacun évolue dans un décor typé, annonciateur d’un milieu tragique survolé par de sombres anges ailés et soumis aux intempéries de la mer. Un décor semblable à celui d’un Faulkner boréal, empreint d’une fureur masquée par les mots qui évoquent des images à donner des frissons. Aucun ne peut échapper aux terreurs qui couvent dans un huis clos limité aux quelques insulaires de Griffin Creek. Les crimes de guerre, la religion et une sexualité morbide frappent le destin de ses habitants. Il est intéressant de voir comment Anne Hébert soumet tout un chacun aux furies des cœurs comme à celles de la mer qui détruit le rivage en causant l’érosion d’une île appelée dans des milliers d’année à disparaître comme le fameux rocher Percé pour lequel on prévoit 6000 ans d’existence. Finalement, on assiste au rite fatal de la mort.
Ce roman envoûtant s’adresse à un lectorat sensible au destin des âmes prises dans un milieu fermé, susceptible de passions dévastatrices. Comme l’a écrit l’auteure : « L’abîme de la mer nous contient tous, nous possède tous et nous résorbe à mesure, dans son grand mouvement sonore. »
Contrairement à ce que croit Charles Trenet, la mer ne berce pas les coeurs pour la vie.
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