Catégorie(s) : Bande dessinée => Divers
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De l'ombre aux Lumières
En 1731, une enfant sauvage est capturée à proximité du cimetière de Songy, en Champagne. Recueillie par les institutions religieuses, celle qui se souvenait avoir été appelée « Marie-Angélique » finira par rédiger ses souvenirs après quelques déconvenues. Le succès que rencontra son livre dans le monde entier lui assura un soutien financier jusqu'à la fin de ses jours. Ce roman graphique retrace le destin extraordinaire de cette Amérindienne qui connut aussi bien la vie à l’état primitif que les salons littéraires à l’époque des Lumières.
Qui aujourd’hui en France se souvient de Marie-Angélique Leblanc, cette femme qui eut une vie - devrait-on dire plusieurs ? – absolument incroyable. On connaît l’histoire de Victor de l’Aveyron mise en scène par François Truffaut, beaucoup moins celle de cette gamine qui fut abandonnée très jeune aux Français par sa mère esquimaude et apprit à survivre toute son enfance dans une forêt champenoise. Saluons donc l’heureuse initiative des auteurs de redonner à cette femme une légitime visibilité.
Avant tout, il faut reconnaître ce mérite à Aurélie Bévière et JD Morvan d’avoir su synthétiser en 216 pages la vie extraordinairement variée et tumultueuse de Marie-Angélique. S’appuyant sur les écrits de Serge Aroles, ils ont produit un récit doté d’une narration fluide, épaulé par le dessin sobre de Gaëlle Hersent. Mélange de réalisme et de stylisation, son trait, plus à l’aise dans le mouvement, semble toutefois moins affirmé dans la reproduction des visages, généralement assez peu expressifs. La mise en couleur, elle, est assez convenue mais semble se bonifier dans les quelques scènes nocturnes quasi oniriques où la jeune Marie-Angélique est en totale communion avec la nature.
Dans l’ensemble, « Sauvage » procure un bon moment de lecture, même si on aurait voulu en savoir plus sur la façon dont la jeune femme en est arrivée à ce niveau d’érudition, elle qui ne s’exprimait que par cris et onomatopées, alors qu’elle n’était qu’une enfant livrée à elle-même dans les forêts françaises. De même, je regrette d’avoir été au final assez peu transporté par le destin de Marie-Angélique, qui pourtant se prêtait à de beaux moments d’émotion. Véritable force de la nature, elle se relevait à chaque fois de tous les coups durs (et il y en eut !), expérimentant une nouvelle renaissance qui l’amenait dans un contexte différent du précédent. Pour être plus exact, je dirais que je n’ai pas été ému, seulement touché.
Les éditions
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Sauvage [Texte imprimé], biographie de Marie-Angélique le blanc 1712-1775
de Morvan, Jean-David Hersent, Gaëlle Bévière, Aurélie
Delcourt
ISBN : 9782756035512 ; 24,95 € ; 28/01/2015 ; 216 p. ; Album
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Un destin hors du commun !
Critique de Bafie (, Inscrite le 19 juillet 2004, 63 ans) - 5 mai 2016
La peur est au cœur du récit : peur de perdre la vie, de perdre sa liberté, peur de l’autre qui trop souvent agresse.
Tout est vrai ou presque dans ce récit, l’histoire de cette enfant qui semble vivre plusieurs existences différentes, successives et qui se trouve au centre de querelles idéologiques à certains moments de son existence.
Le récit n’est pas linéaire, chronologique, on assiste à des allers-retours dans la vie de Marie-Angélique en fonction des faits qui la heurtent et ressuscitent d’autres aspects de son existence dans sa mémoire défaillante.
Le graphisme est varié, s’attachant à rendre l’atmosphère, de chacun des lieux de chacune des époques de la vie de Marie-Angélique, Gaëlle Hersent excelle à créer ainsi diverses ambiances.
Le récit, le graphisme font preuve d’un grand respect pour ce destin, exceptionnel et rendent hommage à cette enfant sauvage et à la femme qu’elle est devenue.
La fin lyrique et poétique constitue un message d’espoir pour le lecteur.
J'ai beaucoup aimé...
Critique de Shelton (Chalon-sur-Saône, Inscrit le 15 février 2005, 68 ans) - 28 mars 2015
Gaëlle Hersent, jeune illustratrice sortie des Beaux-Arts d’Angoulême et de l’Ecole des Métiers du Cinéma d’Animation, n’a qu’une seule envie dans la vie : raconter des histoires ! Le support n’est pas le plus important, ce qui compte c’est de toucher les lecteurs ou spectateurs, avec une bonne histoire, des personnages solides, des techniques entièrement au service du récit… Un jour, un documentaire lui fait « rencontrer » Marie-Angélique Le Blanc et c’est le coup de foudre. Voilà l’histoire qu’elle aimerait raconter !
Les données initiales sont légères et c’est avec ce peu d’éléments qu’elle va convaincre un éditeur et des co-auteurs de se mettre au travail. Jean-David Morvan et Aurélie Bévière sont venus prêter main-forte à Gaëlle, ils ont trouvé un exemplaire du livre de Serge Aroles, seul biographe de Marie-Angélique Le Blanc. Il y aura même une rencontre entre ce spécialiste et les auteurs de la bande dessinée, et ainsi, petit à petit, la vie de cet enfant sauvage de Songy (ville où elle a été capturée), va devenir réalité. Les auteurs vont même établir des éléments qui n’avaient pas encore été connus de cette vie ô combien étonnante…
Imaginez… On découvre une enfant sauvage et on arrive à l’éduquer, en faire une religieuse, une femme qui se retrouvera dans des salons du siècle des Lumières à discuter avec de grands philosophes… Inimaginable !
La bande dessinée va s’emparer de cette vie et vous la raconter comme si vous suiviez Marie-Angélique de près… Le résultat est saisissant et passionnant. Il s’agit d’un roman graphique, d’une bio-graphique comme disent certains, avec des éléments validés historiquement, des faits comme dit Jean-David Morvan, et des parties où les auteurs ont reconstruit le personnage de Marie-Angélique, de façon très crédible, même s’il n’y a pas de certitudes absolues. Entre histoire et roman, entre bande dessinée d’aventures et roman graphique psychologique, nous sommes transportés par ces trois auteurs qui se sont donné le mot : nous faire revivre Marie-Angélique et nous faire revisiter rapidement le dix-huitième siècle avec ses paradoxes…
Oui, ses paradoxes car nous sommes à une période charnière : la religiosité est encore très présente tandis que les Lumières poussent l’humanité vers plus d’indépendance vis-à-vis du clergé, de l’Eglise, voire même de Dieu…
La narration graphique portée par Gaëlle Hersent est efficace, simple, douce, poétique, esthétique et quand on referme l’ouvrage, on n’a qu’une seule envie, le rouvrir pour ne pas quitter si vite un tel univers… Magie du dessin, tout simplement. Cette raconteuse d’histoire qui n’a encore que fort peu d’expérience montre qu’il va falloir compter avec elle dans les années à venir. Qu’on se le dise !
Bien sûr, vous l’aurez compris, c’est à lire et faire lire !
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