Retour à Casaquemada de Neil Bissoondath

Retour à Casaquemada de Neil Bissoondath

Catégorie(s) : Littérature => Anglophone

Critiqué par Tistou, le 6 février 2015 (Inscrit le 10 mai 2004, 68 ans)
La note : 8 étoiles
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De nulle part …

- « Alors regarde, dit-il. Une dernière fois.
Comme pour souligner ses mots, il me serre plus fort, et nous faisons volte-face ensemble, lentement, jusqu’à avoir les yeux tournés vers l’endroit d’où nous venons.
Devant nous, la brume crépusculaire, blême et définitive, étend son ombre sur le monde. Des voitures sont disséminées sur le parking étrangement désert, que les projecteurs entourent de lueurs verdâtres, encore inefficaces, perdues au sommet des poteaux métalliques. Le grillage est un filet cendré qui, vu d’ici, semble s’effacer ; au-delà, de l’autre côté de l’étroite route asphaltée qui contourne l’aéroport, s’étende une masse de canne à sucre, tache noire sur le ciel du soir, ombre immense embrassant le sol, tranche détachée de la nuit tombante qui lourdement s’affale sur l’horizon. »

Pas de doutes. C’est bien écrit. Et probablement, je dirais bien traduit aussi (Jean-Pierre Ricard). Je suis étonné que Neil Bissoondath, Canadien anglophone arrivé à 18 ans de Trinidad et Tobago mais en réalité d’origine indienne, n’ait pas davantage de notoriété. « Retour à Casaquemada » est le second de ses ouvrages que je lis et l’intérêt est là dans deux cas. Pas de pédanterie, pas d’esbrouffe, mais une écriture à la qualité certaine et un propos des plus consistant.
Cette fois-ci, c’est un peu (de) son histoire qu’il met en scène. Celle d’un Antillais – de l’île de Casaquemada donc – qui est parti à 18 ans faire des études de médecine à Toronto et qui est resté là-bas, s’est marié avec une Canadienne anglophone et a pris la nationalité. Ca ressemble pas mal à son histoire, non ?!
Mais il ne s’agit pas que de ça, puisque Raj décide à un moment de revenir à Casaquemada, avec sa femme et son enfant, avec des motivations plus ou moins conscientes, mais surtout dans un contexte compliqué puisque Casaquemada est en train d’entrer dans une phase de récession économique déstabilisante après des années d’euphorie économique. Récession économique, troubles sociaux, insécurité, …
Pas le bon moment donc. Mais je crois qu’en fait Neil Bissoondath tâche de nous faire comprendre qu’il n’y a plus de « bon moment » pour revenir quand vous êtes ainsi parti. Raj ne se sent pas vraiment canadien et il ne se sent plus casaquemadain. Il est de nulle part. (sans compter que ses vraies racines par ailleurs sont indiennes !)
Neil Bissoondath raconte cette vie débutante – Raj n’a pas encore quarante ans quand il fuit à nouveau Casaquemada pour rentrer (rentrer ?) au Canada – avec foultitude d’aller-retours et c’est extrêmement bien raconté, avec une solide histoire bien dans la tradition anglo-saxonne (j’ai pensé à V.S. Naipaul et à Russell Banks).
Oui, vraiment, c’est étonnant que la notoriété de Neil Bissoondath ne soit pas davantage établie …
Un beau roman sur le déracinement, l’exil, l’impossibilité ou la difficulté d’une greffe en terre étrangère, la difficulté ou l’impossibilité du retour.

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