Soumission de Michel Houellebecq
Catégorie(s) : Littérature => Francophone
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Un roman pour misogynes névrosés
C'est le premier roman de Michel Houellebecq que je lis. Et ce sera le dernier.
L'histoire d'abord pour ceux qui n'en auraient jamais entendu parler :
France, 2022. François est un professeur de lettres à La Sorbonne âgé d'environ quarante-cinq ans. Il est du genre blasé, lassé de tout, son travail semble l'ennuyer ; il ne parvient pas à garder une compagne plusieurs mois. Un soir, à Paris, une fusillade a lieu dehors alors qu'il se trouve chez des connaissances. Les élections présidentielles de mai arrivent et le premier tour annoncent des résultats inattendus : FN et Fédération musulmane seront au second tour. Cette dernière remportera les élections. À partir de ce moment, tout va changer : en deux ou trois mois, la France ne sera plus reconnaissable (application de la polygamie, obligation de se convertir à l'islam, repas hallal dans les trains, etc.).
Sur la forme :
Ce roman est composé de 5 parties, elles-mêmes divisées en courts chapitres. Il m'a semblé voir au début des points communs avec les romans de Balzac (je parle bien de la forme, pas du génie artistique). En effet, Michel Houellebecq semble aimer les grandes phrases de 15 ou 20 lignes, où les répétitions sont de mise. Des passages de description du personnage principal, de ses considérations sur l'environnement, sur la routine ; avec toujours des précisions qui ne servent à rien, sauf à alourdir.
« Je n'avais aucun projet, aucune destination précise ; juste la sensation, très vague, que j'avais intérêt à me diriger vers le Sud-Ouest ; que, si une guerre civile devait éclater en France, elle mettrait davantage de temps à atteindre le Sud-Ouest. Je ne connaissais à vrai dire à peu près rien du Sud-Ouest, sinon que c'est une région où l'on mange du confit de canard ; et le confit de canard me paraissait peu compatible avec la guerre civile. » (pp. 125-126)
Sur le fond :
Le roman s'intitule « Soumission ». La soumission de qui à qui, ou à quoi ? De la France à l'islam, me direz-vous. Eh bien, seulement à partir de la partie III. L'auteur dans la première partie ne parle que de lui, de ses relations avec les femmes. Et c'est bien dès le début qu'on se rend compte qu'en fait la soumission concerne également celle des femmes.
« Ca ne t'ennuie pas que je te dise que tu es un macho ?
_ Je ne sais pas, c'est peut-être vrai, je dois être une sorte de macho approximatif ; en réalité je n'ai jamais été persuadé que ce soit une si bonne idée que les femmes puissent voter, suivre les mêmes professions, etc. Enfin, on s'y est habitués, mais est-ce que c'est une bonne idée, au fond ? » (p. 41)
Tous les personnages féminins auront droit à leur lot de considérations misogynes :
> Aurélie, une ex : « je n'avais pas envie de la voir nue, j'aurais préféré éviter cela, cela se produisit pourtant, et ne fit que confirmer ce que je pressentais déjà : ce n'est pas seulement sur le plan émotionnel qu'elle avait morflé, son corps avait subi des dommages irréparables, ses fesses et ses seins n'étaient plus que des surfaces de chair amaigries, réduites, flasques et pendantes, elle ne pouvait plus, ne pourrait plus être considérée comme un objet de désir. » (p. 22)
> Myriam, sa compagne du moment, se fera « pénétrer » tranquillement par François alors qu'elle dormait (p. 105)
> « Mon père, lui, avait eu... ma mère, cette putain névrosée. » (p. 227)
De plus, dans la deuxième moitié du roman, où l'auteur parle vraiment du contexte politique suite aux élections, on se rend compte que les invraisemblances sont trop visibles pour laisser un soupçon de crédibilité. En effet, peu de temps après l'arrivée au pouvoir du nouveau président, musulman, tout change : la polygamie, le mariage dès 15 ans, etc. Ah bon ? Un président de la République peut changer les lois du jour au lendemain ? Houellebecq n'évoque pas la disparition de la démocratie ni le passage à une VIe République où il ne serait plus question de l'Assemblée nationale et du Sénat. Ce n'est pas en 7 ans, ni même en 20 ans, que tout ce qui fait notre pays disparaîtra, sa bureaucratie, son fort taux de fécondité (il explique à un moment qu'il n'y a plus beaucoup de naissances), etc.
François Bayrou, quant à lui, n'a rien de crédible en tant que Premier ministre qui décide certaines lois. Il fut dans la réalité agrégé de lettres classiques, il n'a donc rien d'un homme qui voudrait empêcher les femmes d'aller plus loin que l'école primaire, ceci dans le but qu'elles restent recluses à la maison.
L'islam et les nouvelles lois qui en découlent m'ont semblé donc être plus un contexte que le sujet principal de ce roman. Car c'est bien de lui, François, de ses problèmes sexuels, que le livre parle avant tout.
Conclusion :
Comme disait Jean-Pierre Coffe au sujet du jambon sous plastique : c'est de la m***** !
Les éditions
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Soumission
de Houellebecq, Michel
Flammarion
ISBN : 9782081354807 ; 20,90 € ; 07/01/2015 ; 300 p. ; Broché -
Soumission [Texte imprimé]
de Houellebecq, Michel
Ed. J'ai lu / Littérature générale
ISBN : 9782290113615 ; EUR 8,40 ; 04/01/2017 ; 320 p. ; Broché
Les livres liés
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Les critiques éclairs (32)
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Politique fiction ?
Critique de Frunny (PARIS, Inscrit le 28 décembre 2009, 59 ans) - 22 octobre 2023
Sa vie privée oscille entre ébats sexuels débridés (tarifés ou non) et longs moments de déprime.
Après 2 quinquennats de Gauche calamiteux (pléonasme), la France bascule véritablement à Droite.
La présidentielle de 2022 voient s’affronter l’extrême Droite à un parti islamique à la notoriété croissante.
A la surprise générale, le parti islamique l’emporte et une monarchie constitutionnelle islamique s’installe sur le modèle de l’Arabie Saoudite.
Pour occuper les postes de décision, la conversion à l’Islam est rendue obligatoire et la polygamie encouragée.
Les femmes sont reléguées au rang de femmes au foyer à qui on déconseille des tenues vestimentaires trop sexy.
Ce roman a suscité une large polémique à sa sortie, qualifié de brûlot anti islam par des journalistes qui ne l’avaient probablement pas lu…
Il s’agit principalement d’une critique véhémente contre le déclin croissant de nos sociétés occidentales et de ses valeurs. Des politiques et intellectuels qui retournent leurs vestes au gré des vents tournants.
Un roman de politique fiction mélancolique, désabusé, un zeste comique mais parfaitement lucide.
Mon premier Houellebecq dont je sors très déstabilisé.
Vulgaire et puéril
Critique de Ravenbac (Reims, Inscrit le 12 novembre 2010, 59 ans) - 21 septembre 2019
L'analyse politique n'est pas crédible. Et c'est mal écrit, vulgaire et puéril.
Pas si sulfureux que cela
Critique de Sundernono (Nice, Inscrit le 21 février 2011, 41 ans) - 6 mars 2019
Par contre je tiens à souligner l’humour bien plus présent que d’ordinaire. Parfois cynique, certes, mais honnêtement les débuts du roman m’ont vraiment accroché. Autre point positif, j’ai trouvé Soumission moins glauque que nombre de ses prédécesseurs. A vrai dire, celui-ci est mon préféré.
Petit avertissement, le point de vue Houellebecquien ressortant de cette lecture est particulièrement misogyne. Cela risque de faire grincer des dents. J’imagine une FEMEN avec ce livre entre les mains… Pour ma part, cela ne m’a pas trop gêné. Le fait d’être un homme doit y être pour beaucoup…
Bref, une lecture qui ne m’a pas déplu.
Conversion douce
Critique de Elko (Niort, Inscrit le 23 mars 2010, 48 ans) - 31 décembre 2018
En tant qu'objet littéraire on a bien affaire à du Houellebecq. Avec comme personnage principal François, un universitaire désabusé, qui glisse lentement en marge du monde des hommes. Mais les bouleversements politiques modifieront sa trajectoire vers l'effacement. J'ai tout de suite accroché au caractère et à l'humour décalé de François mais les considérations politiques un peu trop didactiques ont dilué ce contre point salutairement léger.
Sur le fond du roman il est amusant de constater que le front républicain qui se forme pour faire barrage au Front National, amène un nouveau parti (hors l'habituelle alternance droite-gauche) au pouvoir. Comme un écho (ou plutôt une intuition puisque finalement antérieure) aux dernières élections. Michel Houellebecq essaie d'écrire un scénario crédible mais semble cependant négliger l'attachement des français à la laïcité et au droit des femmes, qui passent à la trappe sans réelle opposition ni heurt.
Une lecture au final agréable, dont la polémique tient plus à l'auteur qu'à son sujet.
Le retour de mon obsédé préféré !
Critique de Lejak (Metz, Inscrit le 24 septembre 2007, 49 ans) - 4 mars 2018
J'étais resté sur ma faim avec "La possibilité d'une île" et surtout "La carte et le territoire" qui m'a littéralement mis le moral à zéro. On peut pas dire que les thématiques de Michel Houellebecq surfent sur le grand guignol, mais son regard décalé et cynique m'a souvent fait bien marrer.
Dans "Soumission", j'ai retrouvé ces petites scénettes sexuelles provocatrices à souhait et accessoirement enrichissantes ... j'imagine avec plaisir les coincés de tout bord jeter ce livre aux flammes (de l'enfer), totalement outrés et révoltés.
J'y ai également retrouvé le héros traditionnel Houellebecquien, le type dépressif, alcoolique et asocial. Son regard décalé sur son environnement est jubilatoire car attendu, parce que caricatural. "L'étranger" de Camus est une tragédie là où le roman de Houellebecq reste une farce !
Ça c'est pour le style. Quant à l'histoire, j'ai accroché direct. Elle m'a tenu en haleine jusqu'aux 2/3 du livre (ce pourquoi il n'aura pas 5 étoiles).
Tout d'abord, le contexte politique de l'histoire m'a tout de suite plu car j'aime suivre la vie politique à titre personnel. Je suis encore bluffé par la clairvoyance de l'auteur au regard des élections présidentielles de 2017 : la chute brutale des grands partis politiques traditionnels, le FN au second tour, le retour de Bayrou aux avants-postes ...
La dérive du roman vers un thriller politique m'a happé grâce à une tension grandissante jusqu'au second tour avec des événements gravissimes proche de la guerre civile.
Le fil rouge du roman est Huysmans, auteur du XIXème siècle (que j'avoue découvrir ici). Le personnage principal en a rédigé une thèse de 800 pages et vit désormais sur la notoriété qu'elle lui a conféré. Huysmans, d'abord naturaliste, écrit son roman le plus populaire, "A rebours", dans un tout autre style, décadent et cynique. A la suite de quoi, il se tourne vers la spiritualité chrétienne pour finalement se convertir...
Le personnage principal est totalement hanté par Hyusmans. Il se réfère continuellement à lui et son entourage professionnel ne l'envisage autrement que par son domaine d'expertise.
La fiction d'une république islamiste en France reste un pied de nez. Il ne l'envisage que comme une provocante hypothèse. Le maire de Londres est bien musulman ... Qui aurait parié sur Macron lorsqu'il lança son mouvement en 2016 ? ...
A travers cette histoire, je pense que Houellebecq cherche surtout à nous tendre un miroir. "Les Français sont des veaux" a dit un jour De Gaulle. "On a les hommes politiques que l'on mérite" dit le philosophe André Comte-Sponville. Je crois qu'en substance, c'est que tend à démontrer "Soumission".
L'élection de Macron aurait tendance à démontrer le contraire ... mais le risque d'une dérive dans un sens ou dans un autre était pourtant bien là.
J'aime Houellebecq pour sa lucidité cynique, son désenchantement poétique, son humour décalé et grinçant, sa perversion ...
Je trouve juste dommage que la tension qu'il a mise dans la première partie de son roman s'efface tout à coup. J'aurais aimé qu'il prolonge son roman sur une sorte de mai 68 tel qu'il le suggère au moment du 2nd tour des élections de 2022. La fin du livre est laconique mais sert sa vision de la France avec une redoutable efficacité.
Une sonnette d'alarme
Critique de Isis (Chaville, Inscrite le 7 novembre 2010, 79 ans) - 12 avril 2016
D’où le malaise insidieux que peut effectivement ressentir le lecteur en parcourant cette fiction qui, après tout, pourrait, un jour ou l’autre, devenir réalité…
En effet, rien à voir ici avec la dystopie de «2084 la fin du monde» décrite par Boualem Sansal (auquel Michel Houellebecq a d’ailleurs rendu hommage dans l’émission de télévision «on n’est pas couché») comme un totalitarisme islamique ; «Soumission» décrit, pour sa part, un «Etat musulman doux» qui viendrait juste combler le vide laissé par une politique atone «à l’issue des deux quinquennats calamiteux de François Hollande» (sic...) et, toujours dans le roman, par la tiédeur religieuse de François…son héros ; précisons que ce dernier se proclame agnostique, ayant raté sa conversion au catholicisme, tout comme d'ailleurs M.H. lui-même, si l'on se réfère à l'émission précitée…
Les deux ouvrages alimentent, certes, tous les deux, la peur de l’Occident face à la montée de l’Islam, modéré, ou pas ; une peur attisée, en ce qui concerne «Soumission» par sa parution malencontreuse, quasi simultanée avec l’attentat de Charlie Hebdo, cela expliquant la polémique générée par cette sortie et le manichéisme des critiques exprimées, ici et là.
Mais, dans un cas, comme dans l’autre, il ne s’agit nullement d’une prophétie à prendre au pied de la lettre, juste peut-être une sonnette d’alarme !
En tout état de cause, ce roman est très bien écrit et plein d’humour – souvent grinçant, il est vrai, notamment à l’égard de nos hommes politiques qui en prennent largement pour leur grade –Je ne me suis pas ennuyée une seconde, ce qui n’est déjà pas si mal, par les temps qui courent !
A lire attentivement
Critique de Vince92 (Zürich, Inscrit le 20 octobre 2008, 47 ans) - 28 mars 2016
L’immense notoriété de son auteur est sans aucun doute à l’origine du flot de commentaires qui est né de la sortie de ce livre : les dérapages publics de Houellebecq, ses démêlés avec la justice à cause notamment de ses propos sur l’Islam (Elle serait la religion la plus « con »du monde), font que chacune de ses sorties est scrutée avec la plus grande attention... tout le monde sait que le scandale fait vendre du papier, le « buzz » médiatique étant le fonds de commerce de Houellebecq, on pourrait craindre que son œuvre soit à la mesure de cette exposition médiatique : un produit d’appel pour le plus grand nombre, un objet de grande consommation, une série de best-sellers dont les ventes alimentent la machine consumériste.
Or, il n’en est rien : cet auteur a incontestablement beaucoup de talent, sa critique du monde moderne est pertinente, il est en quelque sorte le porte-étendard littéraire d’une génération qui se réclamerait de l’anti-modernisme. Comment aimer une époque en effet dans laquelle évoluent les personnages d’Extension du domaine de la lutte, de La carte ou le territoire ou des Particules élémentaires ? Prix Goncourt, son importance dans le paysage littéraire de ce début du XXIe siècle en France est désormais établie... Je pense que Houellebecq sera un classique de notre époque, et il sera lu encore longtemps, et partout dans le monde.
Le grand problème de cet écrivain est qu’il n’est pas consensuel, et Soumission est un titre qui risque de lui porter préjudice très longtemps. Dans ce roman, le personnage principal se soumet... il décide de se laisser porter par la vie telle qu’elle se présente, il s’est fait une raison : son corps déchoit, il a atteint le sommet de sa carrière universitaire et il ne peut que sombrer. C’est ainsi que je comprends le titre de l’ouvrage... car finalement, l’arrière-plan politique du roman n’est que cela... un arrière-plan... le narrateur le répète fréquemment, il ne s’est jamais intéressé à la politique, et finalement, les événements ne changent pas fondamentalement l’ordre des choses. Les hommes demeurent les mêmes animaux consommateurs, les débats universitaires, i.e les idées elles aussi continuent à circuler, seuls certains « détails » sont désormais visibles, la place de la femme au sein de la société est désormais moins visible, mais ça ne choque personne. De fait, ces changements conduisent en quelque sorte un retour à une situation ex-ante, avant la révolution des mœurs, avant l’entrée du post-modernisme.
Soumission n’est certainement pas le roman abject que décrivent certains observateurs et journalistes. Loin d’être un brûlot antimusulman, Soumission au contraire tend à dessiner un paysage pertinent dans le cadre beaucoup plus large du monde houellebecquien qui est celui du désespoir et de la perte d’illusions.
Je ne suis pas une poubelle
Critique de Pascale Ew. (, Inscrite le 8 septembre 2006, 57 ans) - 23 mars 2016
Politique fiction
Critique de Marvic (Normandie, Inscrite le 23 novembre 2008, 66 ans) - 9 octobre 2015
Mais j'ai été vite intriguée et séduite par cette fiction politique, par la pertinence des arguments développés.
La campagne électorale, l'élection d'un chef d'état musulman, et les transformations de la société française sont intelligemment présentées.
Le rôle, les discours de certains journalistes lors du premier tour des élections ont été pour moi un passage véritablement jubilatoire.
Et dans cette révolution sans violence, on suit le lent basculement du héros. Cet homme seul, hormis quelques relations professionnelles, une relation amoureuse, plus sexuelle que sentimentale, ni frère, ni sœur, une maman enterrée dans le carré des indigents faute de famille ; un homme capable d’attendrissements surprenants mais brefs ; comme pendant la rencontre avec la deuxième femme de son père qui vient de décéder, et que par son intermédiaire il découvre un homme qu'il ne connaissait pas :
"Chez cet homme âgé, ordinaire, elle avait su, la première, trouver quelque chose à aimer."
Étonné mais passif, persuadé que rien ne peut changer dans sa morne vie, on assiste avec intérêt à la conversion de cet athée, on assiste avec nostalgie la disparition d'une société, avec horreur l'acceptation de règles aberrantes.
"Je me promenais pendant un quart d'heure sous les arcades de poutrelles métalliques, un peu surpris par ma propre nostalgie, sans cesser d'être conscient que l'environnement était vraiment très moche, ces bâtiments hideux avaient été construits durant la pire période du modernisme, mais la nostalgie n'a rien d'un sentiment esthétique, elle n'est même pas liée non plus au souvenir d'un bonheur, on est nostalgique d'un endroit simplement parce qu'on y a vécu, bien ou mal peu importe, le passé est toujours beau, et le futur aussi d'ailleurs, il n'y a que le présent qui fasse mal, qu'on transporte avec soi comme un abcès de souffrance qui vous accompagne entre deux infinis de bonheur paisible."
Troisième livre de l'auteur que je lis, je partage avec lui sa vision cynique du monde politique, de l'opportunisme des hommes de pouvoir dans les hautes sphères de la société.
Et je retrouve un roman érudit, original et impressionnant.
Un bon Houellebecq
Critique de Free_s4 (Dans le Sud-Ouest, Inscrit le 18 février 2008, 50 ans) - 27 septembre 2015
J'ai passé un bon moment de lecture.
A vous de voir, malgré les polémiques que ce ROMAN a créées.
Mort du désir
Critique de Isad (, Inscrite le 3 avril 2011, - ans) - 1 septembre 2015
Des passages crus montrent que les femmes sont plus considérées contre des objets utiles que comme inspiratrices de sentiments tendres. À noter aussi que les plats, la nourriture et la boisson tiennent une place importante dans la vie du héros et sont abondamment décrits.
L'ensemble manque un peu de crédibilité car, à part les émeutes du début, personne ne se révolte contre la situation qui se profile. Tout se passe très (et trop) rapidement, faisant fi des lenteurs administratives, de l'ancrage laïque et des libertés.
IF-0815-4377
Le mérite d'exister
Critique de Seb (, Inscrit le 24 août 2010, 47 ans) - 26 juillet 2015
Pas le feu!
Critique de Hamilcar (PARIS, Inscrit le 1 septembre 2010, 69 ans) - 19 mai 2015
Intéressant et emmerdifiant!
Critique de Henri Cachia (LILLE, Inscrit le 22 octobre 2008, 62 ans) - 7 mai 2015
Michel Houellebecq me fait penser à quelqu'un que je connais bien, qui n'attendrait plus personne, un suicidé pas pressé.
Qui penserait que nous les humains, n'aurions que des besoins bien connus : boire, manger, se reproduire pour certains. Baffrer, s'alcooliser, baiser pour d'autres, et faire la guerre dans diverses configurations, justifiées par toutes sortes de théories plus ou moins convaincantes.
Ensuite que faire pour remplir le vide de nos vies ? Après la Nature, la Culture bien sûr sous différentes formes, remises au goût du jour, au fil des siècles.
Le summum, les religions.
Chrétiens, juifs, musulmans, athées, agnostiques et bien d'autres encore, nous voguons tous dans la même effroyable galère et formidable aventure de la Vie.
Je ne pense pas avoir raté la lecture d'un livre de Michel Houellebecq. Toujours la même impression que ses personnages regardent passer la vie et leurs contemporains, un peu comme une vache (j'aime beaucoup les vaches) regarde passer chaque train avec une impression de déjà vu, comme si c'était à chaque fois le même tout en étant un peu différent. S'en étonne quelque peu et retourne à son activité principale : ruminer.
Finalement, on ne sait jamais à quel point on projette de soi dans une lecture et ce que l'auteur a réellement (le sait-il vraiment lui-même) voulu dire.
Ce qui est intéressant, c'est sans doute ce qui se passe entre...
Entre les lignes de Soumission, un petit chapitre, peu relevé et remarqué, pourrait peut-être éclairer la personnalité du « héros ». Celui consacré à ses ascendants. Il me semble que dans toute l’œuvre de Michel Houellebecq, la filiation directe (notamment celle avec le Père) est toujours malheureuse, fortement imprégnée d'un manque d'amour patent et douloureux. Pourtant, elle n'est très souvent qu'esquissée. A peine une dizaine de pages noyées dans 300. Par pudeur ? Par culpabilité ?
Et si l'essentiel était caché dans les détails ?...
Soumission, un tournant mitigé dans l'oeuvre de Houellebecq
Critique de Anonyme8 (, Inscrit le 21 avril 2015, 36 ans) - 22 avril 2015
Ensuite, arrivent des élections présidentielles. Les deux partis favoris sont inexpérimentés. Autres partis autres promesses mais la nouveauté est que cette fois-ci on y croit. En tout cas le narrateur envisagera les réformes possibles et il modifiera ses habitudes. Il discutera avec ses collègues. Il participera à des soirées pour ne parler à personne et bâfrer aux buffets. Il quittera Paris. Il conduira des véhicules motorisés. Il observera chez autrui des comportements immémoriaux reproduits dans des contextes changeants et imaginera ces comportements dans un futur hypothétique. Enfin, il lira Huysmans : il aura bien besoin de réconfort après tout ça. Subséquemment aux élections, quelques variations s'opèrent : ce sont là les grandes lignes de l'histoire de Soumission.
Trois récits sont mis en parallèle : les pensées sur Huysmans, la vie du narrateur, le contexte politique vu par les médias et un panel hétéroclite de personnes.
Le milieu professionnel du narrateur est décrit, ainsi que sa vie à côté. Ses joies résident dans la lecture, le tabac, l'alcool. Il voit rarement ses semblables et a une vie sentimentale morne. Ses amours durent moins d'une année scolaire, à force il n'en espère plus rien : il vieillit. En plusieurs moments de sa vie, il sent que quelque chose en lui se termine, ce sont ses périodes. L'ensemble constitue un panorama cohérent du narrateur.
Concernant la thématique politique du livre, l'auteur s'appuie sur de nombreux faits existants ou ayant existé, et est en ce sens crédible. L'inconvénient est que la répétition d'idées empruntées ailleurs ennuie. Sont également regrettables quelques longueurs. Par exemple, le second tour des présidentielles est raconté, mais sans rien en dire d'intéressant. Aucun suspense ne s'instaure ; aucune surprise n'arrive : un seul des deux partis en lice est décrit, le lecteur attend qu'il soit élu. Une fois le gouvernement établi, il démarre des réformes et là la facilité de leur acceptation déconcerte: la société se voit transformée en profondeur sans réaction. Le pourquoi de ces réformes est donné par quelques personnages avec ce qu'il faut d'informations : les problèmes qu'elles soulèvent sont omis. L'auteur ne fait pas l'erreur répandue de vouloir justifier ces réformes sur la base d'aucun argument et évite ainsi des explications sans consistances : tout est fait pour donner une illusion de réalisme.
En parallèle de ces deux récits les références à Huysmans confrontent passé et situation présente. Elles constituent une pause bienvenue dans le récit en ajoutant des considérations plus humaines au sein du tohu-bohu ambiant. Ces pensées du narrateur évoluent au fil des circonstances : on le comprend mieux de la sorte, cela donne un point de vue différent des événements.
Enfin, moult informations sans lien avec le sujet sont insérées. Certaines instaurent une ambiance, informent sur les personnages ; d'autres ne desservent pas le récit -faits historiques, descriptions inopinées. Ce choix narratif a deux effets : brouiller la lecture du fond et retranscrire l'exposition quotidienne de l'homme à un surplus d'informations. Ici prévaut l’identification du lecteur sur la lisibilité du fond. L'effet est d'immerger mieux le lecteur dans le texte, de le rapprocher des situations. Tout est raconté avec détachement, quelques excès de lyrisme ou choix syntaxiques changeants donnent du relief à certaines situations.
Pour résumer, si on liste les points marquants et les déceptions de Soumission on note que le contexte -moins réussi- est là avant tout pour justifier le reste : la narration se focalise sur les personnages et sur le rapport des lecteurs avec les livres et leurs auteurs. Le travail du narrateur sur Huysmans illustre cette forme de communion. De nombreuses œuvres sont aussi mentionnées pour décrire la personnalité ou l'état d'esprit de leur auteur et la sympathie qu'elles peuvent exciter. Soumission est avant tout une apologie de la lecture, .
Je recommande ce livre pour cet aspect malgré ses écueils.
Pour ceux qui ont lu d'autres romans de Michel Houellebecq, le plus simple pour en parler est d'analyser Soumission après lecture en tant que composante d'une œuvre d'ensemble et non comme roman à part entière.
Si l'on résume grossièrement les différents romans de Michel Houellebecq, Extension du domaine de la lutte et Les particules élémentaires sont deux livres construits en quasi-totalité pour traiter du sujet de la sexualité dans notre société. Plateforme reprend ce thème en se focalisation davantage sur quelques personnages et situations. La possibilité d'une île également en abordant de nouveaux thèmes variés. Chacun de ces romans apporte aux autres de nouvelles informations sur un même thème, il est donc justifié d'aborder ce thème à nouveau. Rien de neuf n'est dit à ce sujet par la suite. L'auteur semble avoir fait le tour de cette question -il en parle toujours, mais n'ajoute rien à qu'il a déjà dit.
Or, lorsqu'un auteur a mis en musique l'essentiel de ses idées sur ses sujets de prédilection, s'il n'aborde pas de sujet nouveau, il peut parfaire son style ou jouer davantage avec les sujets qu'il maîtrise- agencer ses idées pour créer des situations narratives ou stylistiques intéressantes.
La carte et le territoire semble correspondre à un tournant de cette nature dans la volonté de l'auteur. Le livre est plus axé autour des personnages que des idées. L'effet créé par Plateforme – se placer près d'un individu- plus marqué que dans ses autres romans, est ici répliqué et mieux réussi. L'auteur s'amuse à se mettre en scène et à évoquer dans de drôles situations des contemporains connus. Il s'essaie également à conter une enquête policière. Le personnage de l'artiste permet d'apporter des réponses aux questions : qu'est-ce au juste qu'un artiste, comment évolue-t-il, comment modifie-t-il ses techniques d'expressions, quels sujets traite-t-il, pourquoi. Si ces interrogations, que l'on supposera être celles de l'auteur, permettent de justifier la nature du personnage principal de La carte et le territoire, il est intéressant de continuer à raisonner suivant cette idée : Michel Houellebecq -en rade- s'interrogerait sur la nature de l'artiste et de son œuvre. Après avoir parlé de l'artiste, il reste à parler de l’œuvre.
En ce qui concerne l'art du roman, la première question qu'on peut se poser est : qu'est-ce qui fait un bon roman, qu'est-ce qui fait qu'on y revient. A cela plusieurs réponses : le style pour les poètes, les idées pour les curieux, etc... il suffit qu'un critère soit préféré aux autres.
Au début de Soumission, Michel Houellebecq développe cette idée de Frédéric Beigbeder : « Dans un roman, l'histoire est un prétexte, un canevas ; l'important, c'est l'homme qu'on sent derrière, la personne qui nous parle. A ce jour, je n'ai pas trouvé de meilleure définition de ce qu'apporte la littérature : entendre une voix humaine ». Non seulement Soumission semble être structurée pour faire entendre une voix humaine, mais c'est également le sujet du roman : l'histoire d'un personnage à l'écoute de voix d'auteurs, dont un plus spécialement.
Il est logique qu'un personnage féru de lettres les étudie, et, s'il affectionne un écrivain particulier, qu'il lui consacre une thèse. Le fruit de ce travail est mieux valorisé dans l'éducation que dans la critique : un poste d'enseignant est le meilleur que la société puisse lui proposer. Admettons donc que ce personnage devienne professeur en faculté dans la continuité de son doctorat.
Sa prise de fonction doit marquer la transition d'un travail choisi à un emploi contraint sans évolutions possibles. Pour que ce personnage change dans le cadre de sa spécialité (qu'il se produise quelque chose), il faut que ses conditions de travail soient altérées significativement. Or, en France, le chamboulement le plus récent qu'il y ait eut dans l'éducation est l'instauration de l'enseignement laïque, subséquente aux révolutions qui sortirent l'Eglise catholique des cercles du pouvoir.
Potentiellement le retour d'un régime théologique modifierait les conditions d'enseignements. D'autres faits le pourraient aussi – privatisation de l'école, guerre, propagande – mais ce sont des circonstances éculées qui sollicitent des cordes plus banales du cœur humain : il est plus prudent d'opter pour un retour à la religion. C'est en parfaite adéquation avec le choix de Huysmans en tant qu'écrivain phare et présente une certaine souplesse dans la mesure où ça peut affecter beaucoup certaines gens et aucunement d'autres. Vient la question de la crédibilité d'une telle situation.
Une analyse simple consiste à dire que, au vu de l'absence totale de crédibilité de l'actuelle situation politique, rien ne paraît incroyable dans ce domaine. Il n'est pas exclu qu'un jour un homme politique talentueux se produise, il n'est pas exclu qu'il défende des opinions religieuses et qu'il ait des armes pour y parvenir. Admettons, admettons que la religion reprenne un rôle politique majeur et que l'éducation en soit affectée.
Quelles en seraient les conséquences pour notre personnage ? Il pourrait avoir à quitter son travail -ce qu'il pouvait déjà faire- ou à censurer ses cours. Vu qu'ils ne revêtent pas d'importance particulière pour lui, un incident de ce type serait sans grande conséquence. Raconter ce chamboulement dans son travail met ainsi en lumière l'indépendance de son attachement à un écrivain d'avec tout le reste. Quand il le souhaite il le retrouve, l'interroge, l'écoute ; il partage ses plaisirs et ses peurs, goûte l'illusion d'une compagnie. Cette transition politique, en soulevant des questionnements, pousse à renouer ce dialogue avec des livres, à renforcer la relation du narrateur à l'écrivain. En fin de compte, si rien ne change dans l'emploi du narrateur, lui évolue, sa relation lecteur-écrivain évolue. Il reste à découvrir la fin de cette relation lecteur-écrivain. Elle ne peut survenir qu'au décès ou avec le sentiment que cette relation a été épuisée, qu'il n'y ait plus rien à en espérer, -lorsque tout en a été compris.
La rédaction de la thèse constituait déjà une plongée approfondie et globale dans l’œuvre de l'auteur. Le plus difficile à exercer lors de cette plongée est un regard d'ensemble. Le vieillissement de cette relation et l'oubli partiel de cette analyse favorisent la prise de recul. Il suffit qu'il y ait une raison de reprendre cette analyse pour y ajouter le recul qui manquait originellement.
Dans le monde des lettres, la réédition des œuvres complète d'un auteur est l'occasion idéale pour refaire le tour de cette relation, en finir. Voilà ce qu'aura à faire le narrateur, voilà comment pourra s'achever cette relation.
Tels sont les ingrédients de Soumission, telles sont les déductions qui ont pu mener à les regrouper. Ils découlent naturellement de l'idée à la source du roman et s'agencent logiquement dans le récit. Sont ajoutés des rencontres où est mise en avant l'humanité des personnes, des références à des œuvres où transpire la personnalité de leurs auteurs. On sort ici des sujets premiers de Michel Houellebecq qui a vraisemblablement essayé quelque chose de neuf. Il se peut que le fil conducteur du récit disparaisse dans les digressions et les partis pris narratifs.
Personnellement, j'ai trouvé dans Soumission plus d'émotion que dans les autres romans de l'auteur. J'y ai trouvé aussi plus de maladresses, mais, à la réflexion, il me semble naturel que Soumission ait exigé un surcroît d'effort pour son auteur, il me semble naturel que l'énergie consacrée aux passages clés ait fait défaut parfois dans le liant de l'histoire ; il me semble louable d'avoir tenté quelque chose au risque de trébucher. Mieux valent des balbutiements que la diction atone d'une histoire sue par cœur. J'aimerais voir cet effort renouvelé.
Houellebecq est mort
Critique de ARL (Montréal, Inscrit le 6 septembre 2014, 38 ans) - 28 mars 2015
Son plus récent livre, "Soumission", confirme que Houellebecq est un auteur à peu près fini. Il est triste de constater qu'il a mis cinq ans pour pondre une oeuvre aussi dénuée d'intérêt. Dans la foulée des événements de Charlie Hebdo, cette histoire d'une France dominée par l'Islam allait évidemment faire couler beaucoup d'encre. Niveau publicité c'est un timing parfait pour Houellebecq qui fracasse des records de vente avec un roman de faible qualité.
Encore une fois, l'écrivain français nous sert un personnage de quinquagénaire névrosé qui aime s'écouter penser. Évidemment, comme tout bon protagoniste houellebecquien, il couche avec une panoplie de femmes, toutes plus jeunes les unes que les autres. Ces scènes de sexe sont décrites en long et en large de manière interminable et témoignent souvent d'une misogynie fatigante que Houellebecq n'arrive plus à faire passer pour un discours vaguement intellectuel. Il est arrivé au bout de son rouleau sur ce plan depuis "Plateforme" et 14 ans plus tard c'est simplement malaisant.
"Soumission" n'est pas vraiment politique, pas vraiment spirituel non plus. Des pages et des pages d'élucubrations sur Huysmans entremêlées de fantasmes de polygamie et de gloire intellectuelle. S'il y a "soumission" dans ce roman, ce n'est pas de la France à l'Islam comme l'ont fait croire les journalistes pour vendre du papier. C'est plutôt de la femme à l'homme. Houellebecq présente une France qui, au lendemain des élections d'un parti musulman, est déjà "islamisée" au point que toutes les femmes cessent de porter des jupes, que la polygamie entre en vigueur, que les salaires des hommes triplent grâce aux pétro-dollars et que les intellectuels sont glorifiés et maîtres d'un harem de fillettes soumises de 15 ans. De dire que c'est ridicule serait presque un compliment.
Au final, "Soumission" est un roman qui erre sans but, qui n'atteint aucune cible, un ramassis de clichés houellebecquiens usés à la corde qui prouvent bel et bien que les meilleurs jours de cet auteur phare de notre siècle sont tristement derrière lui.
Et pourtant...
Critique de Cecezi (Bourg-en-Bresse, Inscrit le 3 mars 2010, 44 ans) - 27 mars 2015
C'est une très bonne surprise pour ce "roman" très original, dans le sens où il propose une vision d'un futur plus que proche, basée selon un mode réaliste. Il s'agit donc d'un bouquin qui forcément vieillira probablement très vite, puisqu'il repose sur des prémices comme la réélection de François Hollande en 2017, la chute de l'UMP, etc...
La vision proposée est très intéressante, modérée, analytique, et jouissive (se projeter dans quelques données en s'appuyant sur des données supposées plausibles).
Parallèlement à cela, c'est univers décadent de Huysmans qui est posé, et le parallèle entre sa vision du monde est celle du narrateur houellebecquien est évident.
Évidemment, il va un peu vite sur certaines questions (polygamie, enseignement religieux), mais il fallait bien aussi faire avancer le monde créé sur des points attendus. Le parti-pris étant une observation sociale d'une société proche, la lente mise en place de l'évolution sociale a été un peu précipitée..
Bref, un roman atypique, étonnant ; une projection intéressante à ne pas prendre bien sûr comme vision prophétique.
Hommage à la littérature
Critique de Alceste (Liège, Inscrit le 20 février 2015, 63 ans) - 20 mars 2015
Mais le passage qui m’a le plus touché est celui où Houellebecq rend hommage à la littérature, à la lecture, hommage que tout membre de Critiques libres, me semble-t-il, devrait faire sien :
« La spécificité de la littérature, art majeur d’un Occident qui sous nos yeux se termine, n’est pourtant pas bien difficile à définir. Autant que la littérature, la musique peut déterminer un bouleversement, un renversement émotif, une tristesse ou une extase absolue ; autant que la littérature, la peinture peut générer un émerveillement, un regard neuf porté sur le monde. Mais seule la littérature peut vous donner cette sensation de contact avec un autre esprit humain, avec l’intégralité de cet esprit, ses faiblesses et ses grandeurs, ses limitations, ses petitesses, ses idées fixes, ses croyances ; avec tout ce qui l’émeut, l’intéresse, l’excite ou lui répugne. Seule la littérature peut vous permettre d’entrer en contact avec l’esprit d’un mort, de manière plus directe, plus complète et plus profonde que ne le ferait la conversation avec un ami – aussi profonde et durable que soit cette amitié, jamais on ne se livre , dans une conversation, aussi complètement qu’on ne le fait devant une feuille vide, s’adressant à un destinataire inconnu. »
Houellebecq imagine le monde qui vient : terrifiant.
Critique de Chene (Tours, Inscrit le 8 juillet 2009, 54 ans) - 15 mars 2015
Au début dérangeant et effrayant, Houellebecq appelant même à la guerre civile dès demain et sans attendre 2050 lorsqu’il sera trop tard, petit à petit, le récit devient amusant et ironique. Houellebecq se moque de tout le monde : les universitaires, les politiques, les journalistes, les religieux et le monde médiatique en général….
Il n’empêche qu’il pose une question : et si ce qui se passe aujourd’hui avec l’Islam n’était pas autre chose que ce qui s’était passé avec le monde antique et l’apparition du christianisme ?
Pour Houellebecq, l’Occident est foutu. Ses valeurs ; liberté, individualisme, démocratie sont en déclin au profit d’un nouvel ordre fondé sur l’Islam, religion plus simple, promouvant le sexe (la polygamie) et le gain (salaire des fonctionnaires x 3), bref une religion pour les masses, basée sur le patriarcat et la soumission.
Je note du moins que Houellebecq force parfois un peu le trait :
lors des élections présidentielles, afin de contrer le front national, il me semble improbable que les partis traditionnels, PS, UMP et UDI fassent alliance avec le parti « fraternité musulmane » dont le programme est de faire sortir les femmes du marché du travail et de les empêcher de faire des études supérieures…
Les femmes d’aujourd’hui ne l’accepteraient jamais (ni de nombreux hommes, dont moi le premier) ?
Enfin un tel gouvernement, rassemblant tous les partis, serait-il viable à long terme ?
Les salaires des enseignants, qui devront être tous de confession musulmane, seraient triplés et l’argent proviendraient des pays du Golfe (Arabie Saoudite et Qatar). Qui pourrait accepter que les fonctionnaires de son pays soient rémunérés par des puissances étrangères ? Quelle souveraineté aurait un tel pays ?
Et comment les autres nations d’Europe, notamment l’Allemagne et l’Italie, mais aussi les pays scandinaves et d’Europe de l’Est, pourraient accepter un tel bouleversement à leurs portes ?
En 2022, n’aurions-nous le choix qu’entre deux fascismes, le FN ou le FM ?
Allez !….Ce n’est qu’une fiction.
"Soumission" est la traduction littérale du mot "Islam"
Critique de Gnome (Paris, Inscrit le 4 décembre 2010, 53 ans) - 22 février 2015
Bien qu'il ne fasse pas selon moi partie de ses meilleurs livres, Soumission est bien une pure production de l'auteur dans laquelle évolue le personnage principal typiquement houellebecquien. Ni héros, ni anti-héros, il est campé ici par un universitaire fatigué avant d'être vieux, lassé par son époque, usé par son célibat jalonné de petits coups de ci de là et, à ce qu'il m'a paru, las de savoir qu'un spécialiste de Huysmans ne sert pas à grand chose dans une France post-moderne. Un héros usé, donc, et conscient de sa médiocrité. C'est d'ailleurs cette conscience, cette lucidité que j'aime chez les personnages de Houellebecq.
L'immense partie des médias et beaucoup de ceux qui n'ont pas lu Soumission (titre qui n'est rien de plus que la traduction littérale du mot Islam) y on vu le parfait brûlot réactionnaire islamophobe et raciste qu'ils attendaient pour alimenter leurs pseudo débats humanistes et anti-islamophobes. Pas de chance pour eux, ce Houellebecq prend (comme à son habitude) ses lecteurs à revers en leur offrant non pas une satyre de l'Islam, mais avant tout un terrible miroir de notre société, vide de tout espoir, de toute rigueur, qui n'en peu plus de se détester à force d'adorer tout ce qui n'est pas elle.
Le semblant de discipline et d'ordre moral que Fraternité Musulmane - ce parti islamique modéré (on appréciera cette tournure de style qui tient de l'oxymore) - reçoit donc un écho très favorable de la part de cette France lobotomisée par des années de haine de soi, au point de réussir à faire élire son candidat dès la première tentative. C'est autour de cet événement que Houellebecq dépeint assez finement notre société en quête d'ordre et de sens, prête à adhérer au courant qui répondra à ses besoins structurellement vitaux. Cet ordre est ici campé par le seul qui peut désormais l'incarner dans nos sociétés occidentales : l'autre. Cet autre que notre société nous a interdit de critiquer, d'assimiler ou de rejeter. Cet autre qui a plus de légitimité à revendiquer ses origines et ses croyances que n'en a l'autochtone. Et si cet autre souhaite ouvertement imposer le code civil intrinsèque à sa religion, qu'il en soit remercié car c'est bien là une preuve de notre indéfectible ouverture de nous soumettre à son dieu. Qui donc d'autre que cet autre pour incarner un pouvoir que l'on ne peut remettre en question ?
Dans cet ouvrage, Houellebecq indique que l'Islam est malheureusement (à mes yeux comme à ceux de beaucoup d'autres) la religion qui convient le mieux à nos contemporains. Matérialiste et facile d'accès, l'Islam est des trois monothéismes celui qui permet de combler le plus rapidement le vide spirituel du quidam. A ce titre, dans ce roman, les français qui se soumettent à ce nouvel ordre moral rassurant sont prêts à bien des concessions, dans la juste continuité d'années de propagande anti-raciste : femmes voilées, conversion des professeurs et des personnes à postes clés dans l'Etat, polygamie, etc. Il est très amusant de comparer cette fiction - qui n'en n'est finalement pas vraiment une - aux allégeances que font déjà certains partis (Front de Gauche, PS et EELV en tête) à beaucoup de revendications islamiques.
Parmi nos médias et politiques, les plus réfractaires à la réalité d'entre eux ont adoré détester ce livre en le qualifiant des pires noms, dont celui d'irréaliste. Je m'amuse de voir qu'à peine un mois suivant la parution de Soumission, ces médias durent se faire (timidement, certes) l'écho de la création de l'Union des Démocrates Musulmans de France. On imagine ce que cela a dû leur coûter.
Tout comme beaucoup d'autres livres dont il ne fait pas bon évoquer les titres sous peine d'être traité de facho, Soumission est donc plus qu'une fiction. C'est une histoire au potentiel fortement éventuel.
Sujet brûlant d'actualité
Critique de Psychééé (, Inscrite le 16 avril 2012, 36 ans) - 9 février 2015
Il imagine ici un parti musulman triomphant aux élections présidentielles françaises de 2022 et les conséquences que cela impliquerait au quotidien dans un pays laïc tel que le nôtre.
Il scrute l’islam et ses principales caractéristiques, à la manière d’un caricaturiste grossier, tel que nous le percevons, nous Occidentaux, dans ses grandes lignes. Il ne fait d’ailleurs pas que décortiquer cette religion ; le christianisme et autres valeurs occidentales sont également pointés du doigt et vivement analysés.
Le sujet est certes dérangeant, comme le souhaite l’auteur, mais rappelons-le, il s’agit d’une pure fiction, d’« une saisissante fable politique et morale » et nous sommes dans une période qui prône plus que jamais la liberté d’expression. Une histoire au cœur de l’actualité qui intrigue et offre un style cru, sans ambages. Une belle découverte.
Excellent roman
Critique de Anna Rose (, Inscrite le 3 octobre 2006, 52 ans) - 4 février 2015
C'est une politique fiction où transparaît le dégoût de l'auteur sur nos hommes politiques d'aujourd'hui. L'islam est un prétexte à dénoncer la compromission des élus et des élites et l'inertie du peuple quand il ne sent pas en danger.
Il me fait penser aux romans dénonçant le stalinisme dans les années 50.
Il s'agit ni plus ni moins qu'une satire, à lire ne serait-ce que pour réfléchir.
Au moins ce livre porte à la réflexion
Critique de Philippe (, Inscrit le 15 avril 2011, 45 ans) - 27 janvier 2015
J'ai attaqué soumission juste après avoir fini "La Carte et le Territoire". Premier point intéressant, les narrateurs sont tous deux "successful" dans leur métier, ce qui ne les empêche pas, tout au contraire, d'être malheureux et solitaires. Si certains ont lu dans la Carte et le Territoire une apologie de la France des provinces, artisanales, Soumission se révèle plus dérangeant.
Je ne crois pas que le sujet de Soumission soit l'Islam et l'ensevelissement de la culture européenne sous celui-ci. Pour le narrateur, celle-ci est déjà exsangue, tellement exsangue que Huysmans nous rappelle que celle-ci était déjà décadente tant bien que l'Europe était à son apogée, ce que l'auteur ne se manque pas de nous rappeler.
Je pense que le sujet de l'auteur est beaucoup plus celui de la soumission de l'individu à un système. Ce qui choque finalement, c'est que la France change, que des mesures que nous considérons comme impossible: le voile obligatoire, le concubinage etc sont acceptées par le narrateur et par la société sans aucune résistance. Voila pour moi le vrai sujet de Soumission, celui qui est débattu a la fin du roman, comment l'Occident balayé par le libéralisme, nettoyé de toutes ses valeurs se retrouve prêt à être cueilli par n'importe quelle idéologie. Ici c'est l'Islam bien sûr, car on sent à chaque ligne, à chaque pique, la jubilation de Houellebecq à provoquer son lecteur.
C'est le troisième roman de Houellebecq, et je trouve chez lui ce que j'ai lu aussi chez Zweig ou Kundera, un désenchantement de l'artiste face a la société post-aristocratique, la société démocratique devenue médiocre et laide, comme l'avait si bien envisagé Tocqueville.
Je vis en Asie du Sud-Est et quand je pense à la beauté de nos villes façonnées jusqu'au 19e siècle avec la laideur des villes du 21e, cela porte à réflexion sur les concepts de progrès, de modernité et du désopilant, "nous sommes en 2015"
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Déjà vieillot
Critique de Poet75 (Paris, Inscrit le 13 janvier 2006, 68 ans) - 25 janvier 2015
J'ai lu et, je dois le dire, j'ai commencé par être séduit. Le narrateur de ce roman étant un professeur de lettres et, qui plus est, un spécialiste de Huysmans, avait tout pour me plaire. L'évocation non seulement de l'auteur d'"A rebours", mais de son "ennemi" Léon Bloy et de bien d'autres écrivains de la fin du XIXe siècle, cela me convenait parfaitement. Ayant moi-même beaucoup fréquenté ces écrivains-là, les ayant lu et relu, je me réjouissais de les voir cités et estimés (positivement ou négativement, peu importe) dans un livre.
Mais, assez rapidement, j'ai été pris de doutes et de gêne: l'évocation de Huysmans et de sa conversion au christianisme n'était-elle pas uniquement illustrative, une façon comme une autre de démontrer qu'aujourd'hui, le christianisme n'étant plus de mise, il convient de se convertir à ceux qui sont ou qui veulent être les maîtres de notre temps, autrement dit les Musulmans! C'est le Huysmans moderne, c'est le Durtal d'aujourd'hui qui se soumet non plus au catholicisme mais à l'Islam! Trois rounds ponctuent le roman: l'affrontement dans les urnes et la montée en puissance du candidat de la Fédération Musulmane face au Front National, la fuite du narrateur dans le Quercy, son retour à Paris et son abdication, sa soumission à l'ordre nouveau.
Est-ce un roman islamophobe? Non pas, à proprement parler. Mais, en mettant en scène un candidat soi-disant modéré dont le premier cheval de bataille est de réformer le système scolaire et d'inciter les femmes à se retirer de la vie publique, ce livre répand une peur diffuse dont on se passerait volontiers, surtout dans le contexte actuel de notre pays et, plus encore, après les récents et dramatiques événements de Charlie Hebdo et du magasin Hyper Casher.
Mais il s'agit surtout et avant tout un roman médiocre, écrit d'une écriture très banale, pétri de misogynie, de dégoût et de haine pour l'époque où nous sommes. "Suicide et décadence de l'Europe", "l'Eglise incapable de s'opposer à la décadence des moeurs" et que sais-je encore?... Le pauvre Houellebecq ne sait-il rien d'autre que d'aligner tous ces poncifs? Faire de l'Islam la nouvelle et plus grande force religieuse d'aujourd'hui face à un christianisme qui, ayant connu son âge d'or et son apogée au cours du Moyen Âge, ne cesserait depuis lors de décliner, c'est faire l'aveu de son ignorance et de son étroitesse d'esprit ! C'est méconnaître que le christianisme s'est répandu sur tous les continents et que, s'il semble en effet être en déclin en Europe, il est au contraire très florissant ailleurs dans le monde. Houellebecq ne pense qu'Europe et ne voit ou ne sait voir que la prétendue décadence de ce continent. C'est dans l'air du temps, semble-t-il, chez un certain nombre de supposés penseurs et intellectuels d'aujourd'hui, que de faire ce constat-là. Et qu'a donc à nous proposer Houellebecq ? La soumission ! « … le sommet du bonheur humain réside dans la soumission la plus absolue », affirme Rediger, l'un des personnages du roman. Mon Dieu ! Où sont passés les écrivains de la révolte ?
Ce qui est sûr et qui est en somme consolant, c'est que ce roman vieillira très vite et paraîtra très vite désuet. Qui aura encore l'idée de lire ces élucubrations dans cinquante ans ? Elles ne seront plus que les vaticinations absurdes d'un écrivain aigri en mal d'imagination et qui se croyait malin en pensant la victoire électorale d'un parti appelé « Fédération Musulmane ». Quant aux nombreux noms de people (comme on dit) qui sont cités dans ce roman, qui les connaîtra encore ? Qui connaîtra encore David Pujadas, Stéphane Bern, François Bayrou ou Jean-François Copé, pour ne citer que quelques-uns des noms qu'on trouve dans ce livre ? Un roman déjà daté, je vous dis, déjà vieillot, alors même qu'il vient seulement d'être édité !
Allah Akbar... Vraiment !
Critique de Hexagone (, Inscrit le 22 juillet 2006, 53 ans) - 24 janvier 2015
Quelle belle image de cette décadence européenne avec ces intellos vendus, féminisés, pleutres et dociles.
Ces politicards soumis et ce peuple veule.
Ceci est un roman, oui, comme 1984 !!!
Michel, ton roman a des vertus et des faiblesses, tu prends un certain parti et c'est ton droit de romancier.
Tu es l'un des seuls écrivains contemporains à semer du poil à gratter parmi les toutous.
Tu as des tics , des manies de vieux garçon, ton style est planté et me plaît.
L'actualité t'a servi une promotion sur un plateau, d'ailleurs tu es en tête des ventes.
Une question, les Charlie - Charlots font- ils partie de tes lecteurs ou détracteurs ?
Bravo pour ce livre que tout le monde critique mais qui fait parler, faire réveiller est une autre histoire....
Un bon Houellebecq...
Critique de Tanneguy (Paris, Inscrit le 21 septembre 2006, 85 ans) - 23 janvier 2015
Pourtant c'est très agréable à lire même si les passages scatologiques habituels me paraissent superflus. Le sujet principal, la prise de pouvoir hypothétique en France d'un parti islamique "modéré" grâce à l'appui des partis traditionnels qui ne supportent l'idée d'une victoire du Front National, est intéressant et original ; cela ne relève pas uniquement de la fiction, relisons le Camp des Saints de Jean Raspail il y a plus de quarante ans...
Mais il ne faut pas réduire ce roman à cette seule intrigue. L'auteur fait preuve d'un remarquable don d'observation des acteurs politiques et médiatiques avec humour pour notre plus grand plaisir. Cela explique peut-être leur accueil négatif. Par ailleurs il analyse avec pertinence la place des religions dans nos sociétés modernes en s'appuyant notamment sur les expériences d'un J.K. Huysmans au XIXème siècle (il m'a donné l'envie de me replonger dans les écrits de grand auteur, un peu difficile à aborder...).
Bref ne nous laissons pas intimider par tous ces avis relayés à l'envie par les médias.
Intéressant mais pas le meilleur...
Critique de CC.RIDER (, Inscrit le 31 octobre 2005, 66 ans) - 21 janvier 2015
« Soumission », traduction française du mot « islam », est un livre qui laisse une impression mitigée mais qui ne méritait certainement pas les honneurs ou les infamies de la polémique à laquelle nous avons assisté ces derniers temps. Houellebecq en bon adepte de l'anticipation nous imagine une simple évolution du libéralisme athée et consumériste vers un islam assumé et pacifique, ce qui peut paraître un tantinet surréaliste dans un délai aussi proche mais pas si improbable que cela à moyen ou long terme, au train où vont les choses. Le lecteur peut regretter néanmoins plusieurs invraisemblances dans l'intrigue. Si ce régime est aussi pacifique, comment se fait-il que les juifs de France quittent massivement le pays pour se réfugier en Israël ? Devant un tel bouleversement des coutumes et des mœurs, quid des réactions des patriotes, des identitaires, des féministes et autres défenseurs acharnés de la laïcité républicaine ? Soumission et toujours soumission ! Pour l'auteur, la France est morte et l'Europe en pleine décadence. L'islam sera leur dernière chance et l'espoir d'un nouvel âge d'or. Chacun appréciera. Que penser de l'intrigue elle-même ? Assez peu de bien. Il ne se passe pas grand chose en dehors des états d'âme du médiocre personnage principal, homme sans conviction ni principe qui semble flotter au fil de l'eau et est destiné de longue date lui aussi à la soumission au dominant. Vu la mollesse du bonhomme, il ne peut faire d'autre fin que celle-ci. Le lecteur la devine d'ailleurs dès les dix premières pages. Sinon cette histoire n'est qu'une longue suite d'errances et d'allers et retours entre Paris et quelques lieux de la province profonde comme Martel, Rocamadour ou Ligugé. Le lecteur devra suivre l'auteur qui met ses pas à un siècle de distance dans ceux de Huysmans, de Fontevrault à Bruxelles, se torture la cervelle autour de questions existentielles ou métaphysiques, rate ses retraites dans des monastères ou des abbayes, perd son temps dans des cocktails où il boit et cause énormément et en appelle souvent à Nietzsche et à quelques autres. Autant dire que tout cela manque un peu de rythme et de dynamisme. Si on y ajoute que le style reste assez plat, l'ensemble ne semble pas vraiment relever du chef d'oeuvre. Alors pourquoi tant de passion autour de cet ouvrage ? Provocation et transgression sont encore et toujours les clés du buzz médiatique. En général bon écrivain, Houellebecq est aussi quelqu'un qui sent bien les tendances, c'est un observateur madré qui ne manque ni de finesse ni d'intelligence conceptuelle. Dommage qu'il se montre aussi piètre sociologue, historien et politologue. Pas son meilleur titre. Pouvait mieux faire, surtout avec un sujet aussi porteur.
La liberté de quoi ?
Critique de Bernard2 (DAX, Inscrit le 13 mai 2004, 75 ans) - 18 janvier 2015
- Aux élections présidentielles françaises de 2022, le parti de la « Fraternité musulmane » arrive au pouvoir, battant le Front national. Tractations entre les deux tours, premiers effets de la mise en place du nouveau régime constituent l'essentiel de ce premier thème. C'est de la fiction pure, et ce qui est écrit n'est pas absurde. On peut trouver cela intéressant, même si les développements restent très superficiels.
- Un interminable développement sur Huysmans, d'un total inintérêt, sauf à être un passionné, auquel cas il y a certainement des ouvrages plus appropriés.
- Et enfin, ce qui m'a paru le plus long, un ramassis de pornographie de mauvais goût (pléonasme), qui n'a vraiment rien à faire ici.
Hasard du calendrier, l'ouvrage est sorti au moment des tueries à Charlie Hebdo et au magasin casher de la Porte de Vincennes. Sans doute a-t-on vu dans ce livre une défense de la liberté d'expression. Personnellement, j'y ai plutôt vu la liberté d'écrire n'importe quoi...
Bien essayé
Critique de Capucine33 (, Inscrit le 10 août 2014, 36 ans) - 17 janvier 2015
Il ne faut donc pas s'attendre à une description du quotidien dans la France musulmane de 2022. Tout le récit reste centré sur l'auteur et son tempérament "blasé de tout" qui se compare à Huysmans à qui il a voué une part de sa vie en tant qu'universitaire et qui sert de fil conducteur. Les références littéraires sont nombreuses, et on en vient à croire qu'on a connu Huysmans tant il est cité. Ce fil conducteur est là aussi un moyen de disserter, de comparer, de comprendre.
Le style est très simple, facile à lire. Quelques phrases trop longues avec des parenthèses élastiques. Quelques passages sexes pour faire un roman acceptable.
A noter des traits d'humour qui parsèment le récit.
Une fin bien trouvée qui permet de terminer sans tomber dans l'ornière.
Pour conclure, c'est plutôt brillant, mais terriblement risqué, et à ne pas lire à l'éclairage de notre actualité de début d'année.
Tout ça pour ça
Critique de Ndeprez (, Inscrit le 22 décembre 2011, 48 ans) - 13 janvier 2015
Certes , sa publication tombe mal , si mal que le romancier est contraint de renoncer à en faire sa promotion. Catinus a bien résumé l'histoire , alors qu'en reste t-il de ce Soumission ?
A mes yeux , ce n'est qu'une fiction bien moins effrayante que le Fatherland de R Harris. Le parti musulman présenté est plutôt modéré sauf pour l'enseignement (ce qui est le principal j'en conviens), la France n'est pas à feu et à sang , les églises ne sont pas transformées en Mosquées et les libertés individuelles ne sont pas bafouées.On retrouve bien entendu les questions existentielles chères à Houellebecq (l'ennui , la sexualité, la passivité).
Le seul procès que l'on pourrait intenter est à l'encontre de son attaché de presse ayant voulu faire monter la sauce 1 mois avant la publication de ce roman et se retrouvant dans la mouise face à une actualité tragique.
Soumission ne m'a pas terrorisé , bien au contraire.
Mr Ali Baddou de Canal + j'aimerais savoir ce qui "vous fout la gerbe "dans ce livre.
Ceci est une fiction !
Critique de Catinus (Liège, Inscrit le 28 février 2003, 73 ans) - 11 janvier 2015
Nous sommes en France, en 2022. François est un célibataire de 44 ans. Il est chargé de cours à l’université de Paris III. C’est un spécialiste de l’écrivain J.K. Huysmans. Il vit seul dans un appartement de l’Avenue de Choisy, se désintéresse de ses parents et sa copine Myriam (22 ans) va partir avec sa famille pour Israël. En mai ont lieu les élections présidentielles. En tête, le Front National suivi de près par le Parti Musulman. Les socialistes, l’UMP et les centristes sont les grands perdants. Une alliance va se créer entre ces derniers et le parti musulman. Et il va falloir faire de sérieuses concessions. A suivre …
Dans ce roman remarquable – digne d’être remarqué - il est davantage question de Huysmans, de Nietzsche, de Dieu, de l’univers, de philosophie, de l’état de l’homme, … que de politique et de religions. Et bien heureusement !
Extraits :
- Je ne m’attendais évidemment pas à avoir une fin de vie heureuse. Il n’y avait aucun raison que je sois épargné par le deuil, l’infirmité et la souffrance ; mais je pouvais jusqu’alors espérer quitter ce monde sans violence exagérée.
- Je n’avais pas d’amis, c’est certain, mais en avais-je jamais eu ? Et à quoi bon, si l’on voulait bien y réfléchir, des amis ?
- (…) Nietzche avait vu juste, avec son flair de vieille pétasse, le christianisme était au fond une religion féminine.
- Quand je parle de Dieu aux gens, je commence en général par leur prêter un livre d’astronomie.
- N’y a-t-il pas au fond quelque chose d’un peu ridicule à voir cette créature chétive, vivant sur une planète anonyme d’un bras écarté d’une galaxie ordinaire, se dresser sur ses petites pattes pour proclamer : « Dieu n’existe pas » ?
Où est passé Michel Houellebecq?
Critique de Falgo (Lentilly, Inscrit le 30 mai 2008, 85 ans) - 10 janvier 2015
"Soumission" commence bien, dans la tradition de l'auteur. La description critique du milieu universitaire et des jeux professoraux est assez bien venue, faisant parfois penser à David Lodge. Son héros, François, 44 ans, spécialiste de Huysmans, promène un regard désenvoûté sur l'institution. Ce même regard se porte également sur la scène politique du pays où un parti musulman, la Fraternité Musulmane, s'impose peu à peu aux dépens des partis traditionnels. Ce remue-ménage conduit à priver François de son poste de professeur et le pousse à s'éloigner en province. Il y rencontre un ancien de la Direction Générale de la Sûreté Intérieure qui explique à longueur de pages en quoi et comment et avec quelles conséquences ce nouveau pouvoir va s'installer dans le pays.
Et c'est là que, littérairement, le roman bascule. J'ai l'impression que Houellebecq a ouvert les vannes de son imagination, puis il s'est mis sur le côté et regarde passer le fleuve qu'il a déclenché, sans s'impliquer, sans engagement de sa part. Ce qui conduit le héros, de retour à Paris, à se convertir à l'islam pour retrouver un poste de professeur.
Il est clair que cet ouvrage construit une hypothèse et non une thèse sur le sujet. En tant que telle, elle est admissible et la connaître et la comprendre sont probablement salutaires. Ou plutôt le seraient, si Houellebecq avait pris la peine de se compromettre dans son récit, d'y mettre des barrières et des résistances, de lui donner un poids qu'il n'a pas. J'ai souvent eu l'impression d'un faible bavardage qui, en définitive, rate son but. Et ce n'est pas le déploiement fréquent de misogynie qui améliore les choses.
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Le scandale bien rodé autour de Houellebecq | 18 | AmauryWatremez | 28 janvier 2015 @ 14:33 |