Survivre ! Survivre ! de Michel Tremblay
Catégorie(s) : Littérature => Francophone
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Le Petit Monde de Michel Tremblay
Avec Survivre ! Survivre ! Michel Tremblay marche dans le même sentier que Gabrielle Roy dans Bonheur d’occasion. Cette dernière œuvre se limite à la famille restreinte des Lacasse du quartier Saint-Henri de Montréal. Le roman de Michel Tremblay embrase la famille dans toute son étendue. Oncles, tantes, cousins, bref, tous les Desrosiers sont réunis dans cet ouvrage, qui ancre ses assises dans le Plateau Mont-Royal, devenu aujourd’hui le quartier branché de Montréal. Mais en 1935, l’année à laquelle s’attache le roman, l’arrondissement est habité par ceux qui composent la réserve du cheap labor.
Dépourvus de moyens d’évasion, les Desrosiers se contentent d’emplois peu rémunérés. Édouard œuvre dans une boutique de souliers, un autre est concierge, alors que d'aucuns s’érigent en piliers de taverne, établissement réservé aux hommes qui s’enivrent le plus tôt possible pour oublier leur sort peu enviable. Tous meublent l’existence de chimères pour survivre au lot qui est le leur. Les Québécois sont nés pour un petit pain, dit l’adage. Tremblay le confirme à travers ce roman. Mais on ne peut pas affirmer que ses personnages se résignent malgré la résilience dont ils font preuve. Chacun a atteint l’année charnière qu’il voudrait faire basculer en sa faveur. L’unijambiste Ti-Lou, une ancienne guidoune d’Ottawa (prostituée), se procure une jambe de bois qu’elle chausse de souliers quétaines (kitsch) pour faire oublier son handicap. Maria et Fulgence se rendent à Québec en train pour visiter la ville, Édouard parvient, en travesti, à divertir les clients du Paradise, le timide Télesphore réussit à intéresser une collègue de travail qui l’initie à la sexualité. Et pour plusieurs, le cinéma Saint-Denis représente le meilleur moyen d’oublier ses conditions sans compter les parties de cartes. C’est tout un petit peuple qui se dévoile sous nos yeux. Chacun cherche des occasions de bonheur, faute de connaître la paix de l’âme. Mais on est à l’heure des confessions et des projets pour se départir de ses malheureux oripeaux.
On sent l’amour de l’auteur pour le petit monde dont il est issu. Il décrit le peuple de la « Grande Noirceur », peuple incapable de prendre son destin en main. Il faudra attendre la Révolution tranquille (années 1960) avant qu’il ne se décide à se donner les outils nécessaires à son épanouissement comme la création, par exemple, du ministère de l’Éducation en 1964. Son roman exploite la situation des Montréalais des années 1930. Mais on peut facilement la généraliser à l’ensemble du Québec.
Michel Tremblay flirte avec les atmosphères qui frôlent le misérabilisme. Ses œuvres n’ont rien de triomphant. Elles dégagent des odeurs de mort de l’âme que l’auteur camoufle avec le clinquant de l’univers homosexuel. Les couleurs occupent une place importante dans Survivre ! Survivre ! Vêtements et décors sentent le glamour défraîchi. Les parfums mettent aussi un peu de baume sur les plaies. Ses personnages se contentent de chimères. Ça reflète bien une époque où l’on n’osait pas s’affirmer.
C’est un bon roman, le huitième d'une série qui profiterait de la lecture des tomes antérieurs pour mieux débrousailler l'oeuvre. Tout de même, on peut suivre cette chronique d’autant plus qu’elle est soutenue par le don exceptionnel de Michel Tremblay pour la narration. Bref, ce dernier exploite la culture d’un peuple sans personnages principaux contrairement au Petit Monde de Don Camillo.
Les éditions
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Survivre ! Survivre !
de Tremblay, Michel
Actes Sud
ISBN : 9782330043872 ; 20,00 € ; 06/05/2015 ; 248 p. ; Broché
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Critique de Dirlandaise (Québec, Inscrite le 28 août 2004, 69 ans) - 14 février 2015
Replonger dans l’univers de Michel Tremblay est toujours pour moi un plaisir. Son talent de raconteur, son écriture toute simple et lumineuse, le regard compatissant qu’il pose sur ses personnages et leur vie pathétique contribuent à bâtir une œuvre de tout premier plan dans le paysage littéraire québécois. C’est vivant, coloré et tellement, tellement humain.
Conseil : lisez toute la saga afin de mieux situer chacun des personnages. Pour ma part, ce sont de vieilles connaissances que j’aime bien retrouver et dont je suis les péripéties avec avidité. Encore une fois, merci monsieur Tremblay pour ces instants de bonheur.
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Survivre | 2 | Dirlandaise | 17 février 2015 @ 11:49 |