Congo Inc : Le testament de Bismarck de In Koli Jean Bofane

Congo Inc : Le testament de Bismarck de In Koli Jean Bofane

Catégorie(s) : Littérature => Francophone

Critiqué par Rotko, le 2 décembre 2014 (Avrillé, Inscrit le 22 septembre 2002, 50 ans)
La note : 10 étoiles
Moyenne des notes : 8 étoiles (basée sur 9 avis)
Cote pondérée : 6 étoiles (3 561ème position).
Visites : 7 994 

De quoi le Congo est-il le nom.

"Congo Inc", un roman foisonnant ! On fait la connaissance du pays et de la ville de Kinshasa via Isookanga, un pygmée (dire Ekonda), las de vivre dans la forêt et passionné par Internet. C’est un amateur de jeux de combat, occupation qui convient bien à ce « mondialiste », et en tout point conforme à la réalité congolaise dans son ensemble, puisque le pays sert de plaque tournante aux intrigues internationales.

L’ONU y envoie ses casques bleus pour calmer les tensions politiques : le Rwanda tout proche souffre encore des luttes Hutus et Tutsi. Les Grandes Sociétés y placent leurs prospecteurs économiques, et la Chine dresse l’inventaire des ressources minières qu’elle entend s’accaparer.

Le récit mène à la façon d’un thriller des intrigues parallèles où l’on suit des personnages représentatifs qui nouent bientôt entre eux des relations d’affaires ou de « loisirs ». Stupre et Lucre.

Avec Isookanga, on pénètre dans les bas fonds de Kinshasa et à des mutineries urbaines, avec Shasha la Jactance, jeune prostituée, on fréquente Mirnas, un militaire de L’ONU soucieux de ses petits plaisirs et de fructueux trafics. Bizimungu, mercenaire avide de soldes et d’enrichissements faciles, trouve son compte dans les places et la corruption officielles. Zhang Xia tient lieu de Chinois de service, sans bien maîtriser les trafics qui l’ont engagé, pratiquement à son insu.

On voit donc la vocation internationale du Congo au cours de chapitres courts et très vivants, leurs appellations relèvent parfois de jeux vidéos (« game over ») et sont sous-titrés en Chinois !

Toutes les intrigues se croisent et s’entrecroisent par les personnages, dans un récit très maîtrisé dont on appréciera l’ironie caustique dans les dialogues «  langues de bois officielles » et des situations cocasses. La variété des tons inclut des scènes dignes de Chester Himes, avec l’Église de l’Abondance Céleste, ou les ébats mouvementés d’un Ekonda avec une Africaniste…. En fait tous les épisodes servent un plat très pimenté, pour mieux faire accepter des scènes effrayantes et un contexte atroce.

La convoitise nourrit les prédateurs divers du Congo, depuis Léopold II jusqu’à nos jours, et le lecteur se demande comment le pays va se tirer des griffes internationales qui l’épuisent.

A mes yeux, les différentes femmes du récit, exploitées et abusées, nous en donnent une idée. Trop longtemps soumises, elles savent reprendre la situation en mains, et avec quelle vigueur !

Je suis donc enchanté de cette lecture, content que le Grand Prix du Roman Métis 2014 ait récompensé son auteur pour son livre "Congo Inc. : Le testament de Bismark".

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Les affaires sont les affaires

7 étoiles

Critique de Fanou03 (*, Inscrit le 13 mars 2011, 49 ans) - 1 août 2017

Ce que j’ai beaucoup apprécié dans Congo Inc.: le testament de Bismarck est le foisonnement des personnages, qui tournent peu ou prou autour du protagoniste principal sans que leur épaisseur psychologique en soit sacrifiée. La vigueur de la langue quant à elle offre des passages pas piqués des vers. On pourrait citer, comme le souligne Monocle dans sa critique, la nuit d’amour entre Isookanga et Aude Martin, ou bien les discours formatés sur la mondialisation, qui sonnent complètement décalés dans la bouche du jeune pygmée.

Le roman brasse ainsi beaucoup d’éléments, des péripéties plus ou moins drôlatiques aux descriptions glauques des massacres, convoquant tour à tour les conséquences de la colonisation, le génocide rwandais, l’écologie, les maux de la globalisation, l'argent tout puissant. Il était risqué de marier autant de thèmes, d’ambiances. Je trouve personnellement que l’auteur s’en tire plutôt avec les honneurs : c’est toute l’agitation fébrile de Kinshasa en particulier que l'on ressent ainsi que la complexité de cette région de l'Afrique. Quant à Isookanga, voilà un magnifique personnage principal, à la fois débrouillard, ivre de modernité, sympathique et effrayant car ne doutant jamais de ses choix. Cette ambiguïté ne nous renvoie-t-elle pas finalement à nos propres comportements, pris au piège que nous sommes par la société de consommation ?

La fascination de la modernité

8 étoiles

Critique de Dirlandaise (Québec, Inscrite le 28 août 2004, 69 ans) - 4 juillet 2017

Isookanga, un jeune pygmée, habite un village situé au cœur de la forêt équatoriale. Fasciné par la modernité et les ordinateurs, désirant à tout prix échapper à l’emprise familiale étouffante, il décide de partir tenter sa chance dans la capitale congolaise Kinshasa. Hélas, sans connaissances ni contacts, Isookanga doit rejoindre une bande de jeunes des rues et partager leur existence précaire. Il fait la rencontre d’un autre jeune homme d’origine chinoise vendant des sachets d’eau Suisse et commence alors une association d’affaires pour le jeune pygmée qui rêve de faire fortune. Mais les problèmes de toutes sortes ne tardent pas à jalonner la route d’Isookanga qui voit bientôt ses illusions fondre comme neige au soleil face à la corruption et aux troubles sociaux multiples affectant son entourage immédiat.

Roman foisonnant d’une richesse indéniable axé sur le contraste entre la vie paisible d’un village et l’agitation continue régnant en ville. De nombreux personnages incarnent ce qu’on peut trouver de pire dans ce pays affecté par de nombreux événements cauchemardesques comme les génocides au Rwanda.

Cependant, j’ai trouvé fastidieux certains passages dont entre autres le récit des affrontements mis en scène dans le jeu vidéo préféré d’Isookanga. Le récit des massacres et la description des atrocités au Rwanda sont aussi assez pénibles à lire.

Un bon roman où l’humour côtoie l’horreur et la violence dans un pays miné par la corruption et l’absence de morale.

Le testament de Bismarck

7 étoiles

Critique de Tistou (, Inscrit le 10 mai 2004, 68 ans) - 9 juin 2017

Congo Inc. Jean Bofane In Koli 3,5* Roman 9782330058876
Titre : Le testament de Bismarck

« Le testament de Bismarck », c’est le sous-titre de l’ouvrage, qui ne s’imposait pas particulièrement. Pour ma part, j’aurais pu donner comme titre à cette critique : « Promesses de vies fracassées ».
Jean Bofane In Koli est citoyen congolais, congolais du RDC (République démocratique du Congo) ex-Zaïre, à ne pas confondre avec la République Populaire du Congo, sur l’autre rive du fleuve du même nom. C’est peu dire que l’instabilité règne dans ce pays, de même que l’absence d’un véritable dessein qui aurait pour but de sortir le pays, aux richesses potentielles énormes, du sous-développement chronique auquel semblent voués l’ensemble des pays d’Afrique noire peu ou prou. Paradoxalement, les richesses minières du pays font aussi son malheur, proie idéale des arrivistes, spéculateurs, trafiquants, pour qui la seule raison de vivre consiste à écarter de leurs routes tout ce qui peut – et ceux qui peuvent – les gêner. De même le voisinage immédiat d’un pays comme le Rwanda, dont les massacres ethniques Hutus/Tutsis ont durablement déstabilisé le sous-ensemble géographique de l’Afrique Centrale.
Isookanga, lui, est Batwa, c’est-à-dire pygmée, c’est-à-dire encore unanimement méprisé aussi bien des Hutus que des Tutsis, et de tous les autres. Isookanga est un jeune homme qui vit mal sa condition d’homme de la forêt alors qu’il vient de découvrir les promesses et merveilles de la « mondialisation » et qu’il s’y initie assidûment via un jeu vidéo pratiqué sur un ordinateur portable volé. Malgré le destin de chef de village qui lui est promis, lui n’a qu’une envie : gagner Kinshasa et ses promesses miraculeuses.
Jean Bofane In Koli fait donc partir Isookanga à Kin où, bien entendu, la misère est rude pour un enfant des rues, où la prévarication, la violence, gangrènent tout. Il en profite pour démonter le système infernal qui fait cohabiter trafiquants, seigneurs de guerre, organisations mondiales parasites et règle du chacun pour soi. En cela « Congo Inc. » est presque un ouvrage politique qui met à jour les relations perverses entre ces différents éléments et qui font que, quoi qu’il arrive, c’est vers la violence et le chacun pour soi que les choses évoluent.
Et Jean Bofane In Koli ne montre pas une once d’optimisme. Malheur aux petits, ils seront vaincus, écrasés. Promesses de vies fracassées …

Vive la mondialisation...

5 étoiles

Critique de Marvic (Normandie, Inscrite le 23 novembre 2008, 66 ans) - 28 mars 2017

Isookanga est un jeune homme de 26 ans, pygmée qui ne rêve que de quitter son village Ekanga et de mondialisation. L'arrivée d'internet et la possession (illicite) d'un ordinateur permettent au jeune homme d'envisager une autre vie que celle de successeur de chef du village.
Il quitte donc le village pour aller à Kinshasa, où il se fond dans la masse des enfants des rues, se retrouvant, grâce à son âge, leader pendant des négociations entre l'armée et les enfants.
Il se liera d'amitié avec un chinois abusé Zhang Xia qui lui permettra d'appliquer ses théories de commerce et de mondialisation sur la vente de sachets d'eau fraîche.
Il rencontrera Kiro Bizimungu, président de l'Office de préservation du parc national de la Salonga, ancien militaire, beaucoup plus intéressé par les richesses du sous-sol que par la sauvegarde de la forêt.
D'autres personnages ahurissants apparaissent comme le révérend Jonas Monkaya, ancien catcheur devenu prêcheur de l’Église de la Multiplication divine.
Ainsi que des personnages plus ou moins recommandables, humanitaires, ou chercheurs comme Aude Martin :"Confrontée sans cesse depuis son enfance aux mystères, à la violence, à la mise à genoux du continent africain – et particulièrement du Congo ex-belge - , elle espérait en venant ici partager, et soulager un tant soit peu, la douleur d'un peuple qui avait été si longtemps la proie de sa race – sans que cela semble cesser".

Ce ne sont pas seulement les descriptions des atrocités qui m'ont empêchée d'aimer ce livre. L'abondance de données scientifiques, historiques, de sigles, les longs passages décrivant le jeu virtuel, tout cela a pris le pas sur le sort de toutes les personnes impliquées dans cette exploitation programmée du pays, dont le sort dépend de nombreuses instances internationales, et malgré de rares bonnes volontés, du pouvoir de l'argent et de la mondialisation... n'en déplaise à Isookanga.

Un roman pessimiste sur la nature humaine, malgré quelques rares pointes d'humour, que j'ai surtout eu le tort de lire à la suite de "Notre quelque part".

L'héritage de Bismarck

8 étoiles

Critique de Elko (Niort, Inscrit le 23 mars 2010, 48 ans) - 11 février 2017

C'est l'histoire d'un Pygmée mondialiste qui sort de sa forêt primaire pour tenter sa chance dans la capitale armée de son ordinateur connecté.
C'est l'histoire du Congo dont la richesse souterraine est une malédiction, déchainant les appétits les plus sordides.
C'est l'histoire des destins croisés des bourreaux et des victimes d'un système corrompu.
C'est une histoire sombre, violente et cynique. Le triomphe des instincts primaires. Une immersion intense dans un chaos institutionnalisé.

La terre est riche de nos morts.

9 étoiles

Critique de Monocle (tournai, Inscrit le 19 février 2010, 64 ans) - 22 juin 2016

La terre est riche de nos morts.

Congo Inc traite d'un sujet vaste : le Congo.
Ce livre est un rude fourbi, un sacré touillage (expressions bien de mon coin) bref des histoires colorées qui s'entrecroisent et qui mènent exactement où l'auteur en a décidé.
Le Congo est vaste.
Il est le mélange de plus de quatre cents ethnies, donc finalement tout le monde est l'étranger de quelqu'un.
Le Congo est riche. Son sol regorge de richesses : le bois, l'eau et les minéraux stratégiques dont traite le fameux testament du Bismarck.
Mais le Congo fut, est et sera l'objet de toutes les convoitises, de tous les pillages et au final le pays est pauvre car les riches se sont servis et les autres, ma foi, attendent la pluie !
Alors dans la brousse l'antenne GSM a-t-elle tué le grand léopard ?
Ce directeur de la sécurité là-bas en Chine retrouvera-t-il le sourire de Gong Li ?


Si le roman devait ne pas trop plaire, ne partez surtout pas sans avoir lu l'extraordinaire paragraphe qui relate la nuit d'amour entre notre héros Isookanga (un pygmée fraichement débarqué à Kinshasa) et Aude Martin (une "blanche" qui passe sa dernière nuit africaine avant son retour chez elle). Pour info page 188 à 198.
Le python le plus obtus de la création - celui qui n'a qu'un oeil - ruminait depuis pas mal de temps son animosité face à la condescendance de l'africanisme. Il prendra ici une curieuse revanche. J'en ris encore.

J'ai trouvé de troublantes similitudes avec "Là où la terre est rouge de Thomas Dietrich" notamment les passages sur le temple évangéliste, mais il doit s'agir de coïncidences ou d'une vue de l'esprit !

Un très bon roman !

Congo : pays riche et population misérable

8 étoiles

Critique de Ddh (Mouscron, Inscrit le 16 octobre 2005, 83 ans) - 25 janvier 2016

Congo = RDC (République Démocratique du Congo). Inc. fait penser à l’industrie, le business, la corruption. Une image du Congo d’aujourd’hui ?
Isookanga, de la tribu pygmée Ekonda, rêve depuis sa case à une vie « mondialiste » ; il veut sortir de son trou au sein de la forêt équatoriale pour vivre le 21ème siècle à la capitale Kinshasa, même plus loin si opportunité. Arrivé à Kin’, tout se bouscule : la corruption, les récits de massacres, la sexualité débridée. Autant de causes de catastrophes… Même les organismes internationaux ne sont pas à l’abri ni certaines Eglises qui prônent la Bonne Nouvelle mais aussi certaines dérives…
La précision des descriptions nous fait mieux découvrir l’horreur qui abrite ce pays vertigineux qu’est le Congo. L’auteur a-t-il exagéré ? On ne peut que le souhaiter pour les autochtones !

Une terrible réalité africaine

7 étoiles

Critique de Pacmann (Tamise, Inscrit le 2 février 2012, 59 ans) - 24 mars 2015

Le charme de l’écriture des auteurs africains est la découverte d’un autre vocabulaire, d’autres tournures de phrase, et le besoin d’user de mots ne se retrouvant pas dans le petit Larousse pour exprimer une réalité fleurie et fort éloignée de ce qu’on peut imaginer à travers notre prisme d’occidental.

Ce qui m’a plu dans ce bon roman :

- La vision du héros, certes éduqué, qui restait sur sa faim dans son village et qui espère naïvement que le monde va s’ouvrir à lui une fois arrivé dans la capitale congolaise, à l’image des œuvres picturales qu’on peut voir sur les murs de Kinshasa ;
- Un échantillon de toutes les tragédies de ce Congo décrites avec un détachement fataliste assez caractéristique et pourtant parfois coloré d’un humour typique ;
- Une œuvre qui mérite une véritable attention vu le contexte politique de la RDC à la veille d’échéances électorales pleines de tensions.


Maintenant, de là en faire un chef d’œuvre, c’est sans doute excessif, mais les personnes ayant une tendresse pour le continent noir ne pourront être déçues.

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