L'absent ou le milliard invisible de Nicolas Daguerman

L'absent ou le milliard invisible de Nicolas Daguerman

Catégorie(s) : Sciences humaines et exactes => Economie, politique, sociologie et actualités , Sciences humaines et exactes => Critiques et histoire littéraire

Critiqué par Galimero, le 5 novembre 2014 (Inscrit le 5 novembre 2014, 54 ans)
La note : 10 étoiles
Moyenne des notes : 10 étoiles (basée sur 2 avis)
Cote pondérée : 7 étoiles (2 203ème position).
Visites : 3 927 

Brillant

Voici dits, expliqués et dénoncés, les ressorts d'une censure bien de notre époque.
Servi par la plume efficace que j'avais découvert dans son premier roman, l'auteur livre ici un essai érudit sur un sujet casse-gueule, dont il a su éviter les chausse-trappes au terme d'un travail d'investigation et d'une analyse à froid. Analyse sans concession mais qui s'en tient à son argumentaire et le développe tranquillement jusqu'à son terme, avec une grande rigueur.
Cette lecture apprend beaucoup sur un sujet étouffé, au détour d'exemples et de références nombreuses. S'il y a des brûlots, scientifically correct, politically incorrect, qui secouent à temps l'opinion, en voici un.
Brillant.

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Jubilatoire et politiquement incorrect

10 étoiles

Critique de Pierre Ier de Serbie (, Inscrit le 9 janvier 2014, 50 ans) - 21 novembre 2014

Cet essai brillant part d’un constat : en quelques années, sous prétexte de lutte contre la pédophilie confondant l’enfance et l’adolescence, il s’est installé une forme de censure puis d’autocensure artistique aboutissant à l’élimination de toute représentation de l’adolescence dans l’art. Cette évolution aboutit à une « élimination ciblée » peut être illustrée par le film La petite de Louis Malle avec Brooke Shields. Cette oeuvre n’avait pas provoqué d’émoi particulier lors de sa sortie en 1978 mais lorsqu’une exposition du Tate Modern Museum en 2009 à Londres reprit une unique photo extraite du film, la galerie dut faire détruire tous ses catalogues sous la pression de sourcilleux gardiens de l’ordre moral.

Que s’est-il passé dans ces trente années entre l’atmosphère libertaire post-1968 qui permettait jusque dans les années 80 à des Cohn-Bendit et des Finkelkraut de prôner l’amour à tout âge et la chape de plomb moral née dans les années 90 ?

Dans une langue brillante et précise, à travers de nombreux exemples aussi jubilatoires que Batman et Robin ou Bart Simpson, Nicolas Daguerman analyse le véritable mécanisme de panique qui, à partir des années 90, exige l’élimination de toute représentation artistique de l’adolescence, ce milliard absent. Une mutilation de la création malgré les traditions grecques, perses ou japonaises. Le monde qu'il dessine ressemble à un 1984 avec ses Big Brother associatifs du prêt-à-penser auxquels même la communauté homosexuelle a dû se soumettre dans son désir de normalisation. Il évoque aussi les rares artistes, souvent originaires d’un monde non-occidental, qui résistent à cette mise à l’index qui tue les œuvres avant même qu’elles ne naissent.

Un ouvrage de résistance et de lucidité bourré d’érudition qui va à contre-courant de la pensée dominante imposée par les médias et le mainstream. Au delà de cet exemple, l’auteur nous interpelle sur la manipulation morale dont nous sommes les victimes consentantes, celle qui modèle nos goûts, nos interdits, nos autodafés.

Si l’auteur avait eu un nom connu, cet ouvrage aurait pu être publié chez des éditeurs tels qu'Odile Jacob. Je ne doute pas alors qu’il aurait déjà déclenché des polémiques aussi rafraichissantes que ce texte.

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