Mailman de J. Robert Lennon
Catégorie(s) : Littérature => Anglophone
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"Road movie existentiel et méchamment drôle"
Les premières pages inaugurent en quelque sorte à la fois le vingt-et-unième siècle (on est en 2000) et une nouvelle journée dans la vie du facteur Albert Lippincott, dit Mailman.
Mailman, à cheval entre la cinquantaine et la soixantaine, nous entraîne d’emblée dans les rues de Nestor, ville dans l’état de New- York, dont il connaît chaque artère, chaque recoin, et dont il dit qu’elle est « considérée tout autant comme le joyau que le trou du cul du monde, selon votre interlocuteur et la moment où vous lui en parlez. Un cité arrogante mais qui se dégoûte elle-même, à la fois minable et magnifique », à l’image d’une Amérique perdue dans ses contradictions, « pétri[e] de violence et de tristesse partagée ».
Le ton est donné. Corrosif, férocement drôle, percutant, jubilatoire.
Et si la vie moderne et la société actuelle sont malmenées, la famille n’est guère épargnée :
« Les lettres de ses parents puent la classe moyenne supérieure fière de son rang social, du style Ta sœur sort avec un étudiant de Yale, le genre de trucs qui obsèdent tous ceux qui ont un peu de fric après en avoir toujours manqué. »
Le ton est donné, donc, et il ne se démentira pas, excepté à la toute fin, empreinte d’un mysticisme mélancolique qui clôt les aventures rocambolesques de notre héros, ou plutôt loser attachant.
Car il est rudement attachant, le petit facteur. Il provoque la sympathie tout autant qu’il déroute : accro à l’aspirine, il croque des cachets comme on croque des bonbons ; spécialiste des pétages de plomb mémorables ou encore de crises d’angoisse épouvantables, il connaît les psy (qui ne tournent pas forcément plus rond que lui) comme personne ; doté de capacités intellectuelles importantes qui le destinaient à un brillant avenir de physicien, il s’est sabordé lui-même ; proche de sa sœur, il a une relation plus que trouble et à la limite de l’inceste avec elle ; névrosé jusqu’à la moelle, il a l’habitude de lire toutes les lettres qu’il distribue (après les avoir décachetées à la vapeur pour pouvoir les refermer) et de les classer minutieusement.
C’est d’ailleurs une de ces lettres restituée trop tardivement qui va ébranler le fragile édifice sur lequel repose sa singulière vie, puis l’entraîner, et nous avec, dans un engrenage dont l’effet boule de neige donne parfois le tournis.
Alerte, vif, sans répit, le rythme et la construction de livre laissent peu souffler le lecteur, qui se demande à chaque minute comment ce pauvre mailman va se sortir des situations délicates dans lesquelles il a le don de se fourrer.
Grâce à l’alternance des moments au présent et des épisodes passés que Mailman revisite mentalement, on finit par tout savoir de la vie d’Albert Lippincott, de son enfance pas forcément idéale, en passant pas son mariage raté et son épique mutation au Kazakhstan.
A tel point qu’on a l’impression de le connaître. A tel point qu’on est pressé de le retrouver. A tel point qu’il nous manque cruellement quand vient le moment de le quitter.
Les éditions
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Mailman [Texte imprimé], roman J. Robert Lennon traduit de l'anglais (États-Unis) par Marie Chabin
de Lennon, J. Robert Chabin, Marie (Traducteur)
Monsieur Toussaint Louverture
ISBN : 9791090724082 ; 23,00 € ; 20/02/2014 ; 672 p. ; Broché -
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Un facteur à l’existence trouble
Critique de Mary-Juan (, Inscrite le 10 mai 2016, 105 ans) - 17 mai 2016
Notre facteur, Albert Lippincott, est une personnalité bizarre, (sous la douche il se savonne mais sur son sexe il ne fait que laisser couler de l’eau précise t-il…), décalée, inadapté, disons que c’est un type plutôt « à l’ouest..» à qui il arrive pas mal d’ennui. Qui ne s’est jamais dit rétrospectivement comme Albert :
« Mais, qu’est ce que je suis con ! »
L’accroche n’est pas terrible mais une fois que l’histoire est lancée, quel régal, quelle imagination, (autobiographie ??) l’écriture est fluide et agréable, les anecdotes, les évènements, les retours dans le passé et l’intimité de ce facteur s’enchaînent sans répit.
J’ai souri et parfois ri aux éclats bien que cette histoire est dramatique. Lippincott a le don de se mettre dans des situations invraisemblables, son activité professionnelle est chaotique, ses relations amoureuses sont improbables, sa vie familiale se délite… on souffre avec lui.
A la lecture de J.R. Lennon je ne peux m’empêcher de penser à l’œuvre de John Kennedy Toole « La conjuration des imbéciles »… on est dans le même registre de dégénérescence et le portrait d’Albert Lippincott, personnage hors normes est un bijou d’acidité, d’humour noir et de drôlerie.
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