Cette nuit, je l'ai vue de Drago Jančar
(To noč sem jo videl)
Catégorie(s) : Littérature => Européenne non-francophone
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un récit puissant et poignant
Drago Jancar, cette nuit, je l’ai vue, chez Phébus.
Dans un contexte de guerre contre l’Allemagne nazie, au temps de la résistance communiste en faveur de Tito, le roman de Drago Jancar tourne autour de la figure de Véronica, jeune femme non-conformiste, et de son destin qu’on pressent dramatique.
L’originalité première : nous ne voyons jamais Véronica directement, mais par le biais de 8 personnages, plus ou moins proches d’elle qui évoquent cette femme séduisante et singulière, à la fois par leurs souvenirs et les intrusions qu’elle fait dans leurs rêves, - parfois des cauchemars, car leurs récits sont imprégnés de regrets, voire d’un plus ou moins grand sentiment de culpabilité à son égard.
Chacun des narrateurs a sa façon de parler et d’évoquer Véronica, miroirs infidèles et incomplets, puisque chacun la voit à des périodes différentes, et sous des angles divers. Ces narrateurs figurent souvent dans le récit des autres protagonistes, mentionnés incidemment, ou acteurs plus présents, ou silhouettes brièvement entrevues.
Miroirs authentiques, car chacun a sa façon de parler, ses redites, ses chansons, ses propres souvenirs, et une vision personnelle, déformée par le désir, la nostalgie, l’inquiétude, la mauvaise foi ou l’incompréhension. Au lecteur de repérer les mauvaises interprétations, ou les jugements erronés, les visions partielles - et partiales.
Au final, le roman est une fresque poignante sur l’histoire de cette femme attachante, on la suit d’épisode en épisode, de regard en regard, avec un puzzle qui se complète et nourrit notre envie de savoir la suite, et la fin.
Une telle construction, très claire et qui fait intervenir notre jugement, relève d’une grande virtuosité, mais aussi d’une forte densité humaine, car les acteurs/narrateurs suivent leurs logiques et leurs sentiments, avec ce souci inquiet nourri par l’incertitude sur la fin de Véronica.
Celui qui aura le dernier mot, ne sera pas le plus proche, il comprendra par des conversations entendues ce qui est arrivé à Veronica dans cette guerre. Peut-être en est-il bouleversé, mais bien moins que le lecteur attentif à ces récits poignants, sortes de monologues obsédants qu’ils poursuivent aux quotidiens et dans leurs songes.
Le titre, « cette nuit, je l’ai vue » indique assez que la figure de Veronica, vient les hanter, comme des regrets et des remords.
J’ai adoré ce livre qui m’a fait une très forte impression, on parle de lui attribuer, le 23 novembre, le prix de littérature européenne, déjà obtenu par Drago Jancar pour Ethiopiques, magnifique recueil de nouvelles.
Je ne saurais trop recommander cet auteur !
Les éditions
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Cette nuit, je l'ai vue [Texte imprimé], roman Drago Jančar traduit du slovène par Andrée Lück-Gaye
de Jančar, Drago Lück-Gaye, Andrée (Traducteur)
Phébus / Littérature étrangère
ISBN : 9782752909695 ; 33,06 € ; 09/01/2014 ; 240 p. ; Broché
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