Bleu de Myriam Caron
Catégorie(s) : Littérature => Francophone
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La Mer, un maître à penser
« Celui qui n’avait jamais vu la mer » de J. M. G. Le Clézio se découvre à partir de son contact avec les flots pélagiques. Les milieux maritimes sont des maîtres à penser pour ceux qui sont en quête de sens. Comme le petit Daniel de la nouvelle de l’auteur français, Orane, l’héroïne de Myriam Caron, emprunte une voie salutaire en retournant vivre à Sept-îles. Sa ville natale est située le long de l’estuaire du fleuve Saint-Laurent, un fjord où viennent se reproduire les mammifères marins allant de la baleine au phoque.
Fatiguée d’habiter à Montréal comme une sardine en boite, elle s’emmène sur la Côte-Nord avec son fils Ilann et un conjoint, un « chien galeux », qui la parasite tel un rémora. Débarrassée de cette ventouse, elle peut s’adonner à des activités qui l’intéressent comme travailler à la création d’un parfum d’ambre et s’initier au surf d’hiver, sport qui lui attire des amis, en particulier Axel, un homme qu’elle verrait bien dans son lit. Contrairement à ses pairs, ce n’est pas un apollon narcissique, mais quelqu’un d’attentif aux autres. Orane a besoin d’empathie d’autant plus que, peu de temps après son arrivée à Sept-Îles, on lui découvre une tumeur au cerveau. Commencent alors de nombreuses navettes entre sa ville natale et la lointaine ville de Québec, où elle reçoit ses traitements de chimiothérapie.
Orane ne s’apitoie pas sur son sort. Elle puise sa force à même la mer qui l’inspire pour s’assumer. Pour elle, la mer, c’est un modèle à suivre. Elle lui enseigne à développer sa force de caractère à l’instar de Nietzsche afin de vaincre les démons qui pourraient la pousser au laisser-aller. Et la mer est fidèle, mais elle met surtout à son service tous les trésors qu’elle recèle pour le moins que l’on se donne la peine de les voir. C’est à quoi se livre Orane avec son fils en s’adonnant, entre autres, au surf au milieu de la faune marine. Une faune plutôt conviviale si l’on fait exception des requins. Un phoque l’a même prise en affection en la suivant partout. Chaque matin, il l’attend devant sa maison pour l’accompagner lorsque qu’elle fait son jogging le long d’un fleuve aux allures de mer. C’est son agent 007 qui semble veiller sur elle. Contrairement à Oceano nox de Victor Hugo, cette œuvre est un hommage à la mer que l’on malmène par contre suffisamment pour causer la mort des espèces marines, comme celle de son phoque protecteur, qui a péri à la suite d’un déversement de mazout dans le port de Sept-Îles. En fait, Myriam Caron démontre la force de la résilience devant l’adversité sans que le lecteur sache cependant si la mort sera finalement victorieuse. Comme le roman plonge ses racines dans la vie personnelle de l’auteure, on comprend que le dénouement soit ouvert. Il invite plutôt à l’espérance. À la foi en la vie.
Ce beau roman ressemble à un journal personnel. Le genre prête flanc aux redondances, qui sauront se manifester en cours de lecture. Même si cette histoire sait susciter l’empathie, le lecteur déplorera peut-être que la narration soit coupée par des passages où l’héroïne partage son vécu avec des êtres fantastiques comme si elle s’adressait à Dieu pour implorer son aide. Et la réponse divine lui vient de la mer sous forme de nouvelles du large. Ces digressions qui hachurent la diégèse peuvent déplaire. Dommage que la structure soutient trois volets qui ne s’enchevêtrent pas nécessairement. Mais il reste que ce chant d’amour à la mer est très réussi et rendu avec une sensualité qui fait de l’héroïne une amante des flots bleus. Des bleus de toutes les nuances pour étayer ses différentes facettes. Bleu mou, bleu charbonneux, bleu méduse… autant de bleus pour chapeauter chacun des nombreux chapitres.
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