Des mille et une façons de quitter la Moldavie de Vladimir Vladimirovič Lorčenkov

Des mille et une façons de quitter la Moldavie de Vladimir Vladimirovič Lorčenkov
(Vse tam budem)

Catégorie(s) : Littérature => Russe , Littérature => Européenne non-francophone

Critiqué par Débézed, le 11 octobre 2014 (Besançon, Inscrit le 10 février 2008, 77 ans)
La note : 7 étoiles
Moyenne des notes : 8 étoiles (basée sur 6 avis)
Cote pondérée : 6 étoiles (15 418ème position).
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Exode moldave

J’ai rencontré Vladimir Lortchenkov sur le salon littéraire de ma ville de province, Besançon, et, même si le titre ne m’attirait pas particulièrement, je lui ai acheté son livre car je ne connais aucun autre écrivain moldave et je ne sais rien de ce pays coincé entre l’ex empire stalinien et l’Union européenne qui cherche encore ses limites. J’aurais voulu croire que ce livre n’est que ce qu’il apparait de prime abord, ce qu’on découvre en lisant les premiers chapitres, un roman surréaliste, burlesque, satirique, peuplé de héros picaresques, mais, hélas, l’ironie, la dérision, l’humour, l’exagération,… occultent mal la tragédie qui sourd entre les lignes, le drame d’un peuple abandonné de tous, oppressé entre deux géants qui l’ignorent « républiquement » et « soviétiquement ». Après son indépendance, ce pays pauvre, très pauvre – son PIB était inférieur à celui du Bangladesh -, les populations n’avaient plus qu’une issue fuir pour survivre ailleurs.

« … Regarde-moi ça on est entouré par de la saleté, de la pauvreté, des immondices. Ah vraiment, on n’a pas mis longtemps à dégénérer, ça fait à peine vingt ans que l’URSS s’est effondrée.

On vivait pas bien non plus sous l’URSS, …. Toi, tu es trop jeune pour t’en souvenir. Mais moi, j’ai pas oublié : que ce soit la saleté, la pauvreté ou les immondices, y en a toujours eu, ici. »


Vladimir Lortchenkov raconte l’histoire de cet exode des temps modernes à travers les combines et inventions les plus audacieuses, les plus incroyables, les plus improbables, les plus farfelues, les plus fantaisistes imaginées par les habitants de Larga un petit village du nord du pays. Un habitant de ce village s’étant pris de passion pour tout ce qui est italien, il a créé un véritable mythe de l’Italie, paradis sur terre, destination qu’il faut impérativement prendre pour trouver le bonheur et la richesse qui permettront à ces pauvres ères de vivre leur rêve. « Rares étaient les villageois à ne pas rêver de l’Italie, et aucun n’avait le premier sou pour entreprendre le voyage ». S’ils n’avaient pas d’argent, ils avaient des idées et quelles idées ! Même celle d’organiser une croisade des temps modernes pour reconquérir les lieux saints romains accaparés par les mécréants, un véritable Exodus moldave !

On rit beaucoup en lisant ce livre drôle mais on rit aussi un peu jaune devant un tel dénuement et une telle malédiction, un tel acharnement de la misère. Sur les marges de l’Union soviétique, quasiment abandonné du pouvoir central, ce pays en récupérant sa souveraineté a perdu le minimum vital fourni par le pouvoir central et s’est enfoncé encore plus dans la pauvreté qui a alimenté le rêve italien. Ce livre est une forme d’appel au secours lancé par l’auteur pour alerter l’opinion internationale sur la situation désastreuse dans laquelle se débattent ses concitoyens. Il nous fait toucher du doigt ce fameux tropisme européen qui attire une bonne partie de la planète vers les contrées les plus nanties, là où il reste un peu d’espoir.

« Pays de l’absurde et de l’amour, pays dont un habitant sur quatre a émigré, pays organisant une croisade moderne vers l’Europe. Moldavie…

Si j’avais été François Villon, j’aurais composé La Ballade des pendus.

Comme je suis Vladimir Lortchenkov, j’ai écrit ce roman ».

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Fable douce-amère

6 étoiles

Critique de Elko (Niort, Inscrit le 23 mars 2010, 48 ans) - 6 septembre 2020

Dans cette fable moldave, l’Eldorado se nomme Italie. Tous les moyens sont bons pour quitter la Moldavie et ses terres misérables, stériles, corrompues, pour gagner ce pays où les femmes de ménage gagnent mille euros par mois. On peut payer un passeur, monter une équipe de Curling pour participer aux tournois internationaux, provoquer une guerre sainte ou encore fabriquer un avion ou un sous-marin.

L’auteur écrit un réquisitoire en forme de conte loufoque avec cette morale que l’Eldorado n'est pas un ailleurs mais à construire "en" et "chez" soi.

Amusant mais non sans gravité.

Pas pour moi

3 étoiles

Critique de Ludmilla (Chaville, Inscrite le 21 octobre 2007, 69 ans) - 27 décembre 2018

Les critiques de ce livre évoquent le burlesque, le picaresque, le satirique, le loufoque…

«- Je vais me pendre, Vassili […]
-T’avise surtout pas de grimper au noyer […] Tu vas casser les branches du bas, là où la récolte est la plus abondante.
- Eh ben je me pendrai à l’acacia […]
- Alors là d’accord […] Et restes-y jusqu’à la saint-glinglin.
Connaissant le cœur charitable de son époux, Maria se dirigea vers l’arbre en question, y fixa une corde et grimpa sur le tabouret qu’elle avait placé sous le nœud coulant. Elle ne distingua toutefois aucun regard en provenance de la maison. « Il s’est planqué derrière la porte », se dit-elle avant de remarquer que des gens l’observaient depuis les fermes voisines. Il y aurait donc quelqu’un pour la décrocher… Rassérénée par cette pensée, elle sauta. Son corps se balança, d’abord poussé par son élan. Puis par le vent.
Maria continua de tanguer dans l’acacia pendant toute la semaine suivante.
[…]
- La nuit, je fais sécher des colliers d’ail sur elle, confessa-t-il d’un doigt dressé.
- Mais pourquoi tu fais pas ça dans la cave ? demanda bêtement Tudor.
- Parce que là-dedans, l’air circule pas, alors que dehors il y a un petit vent, expliqua Vassili. Quand le corps tourne, ça aère l’ail, et c’est justement ce qu’il lui faut pour sécher… »

Je n’ai jamais été sensible à l’humour au douzième degré. J’ai renoncé après ce passage.

une fable humaine

10 étoiles

Critique de Deinos (, Inscrit le 14 février 2009, 62 ans) - 25 juillet 2016

Par hasard, je me suis saisi de ce livre, histoire de lire autre chose que de la fantasy... Et ce livre s'est révélé être une œuvre admirable, tendre et cruelle, teintée d'un humour noir... très noir... et où derrière cet univers loufoque, surréaliste, où l'on s'envole vers l'Italie en tracteur... l'auteur porte un regard sur sa nation, un regard critique tant sur le peuple que sur les politiques... ainsi que sur le monde où l'on oublie si vite la misère qui règne ailleurs... où l'auteur crie à son peuple " Comprenez, malheureux, que nous cherchons ailleurs quelque chose que nous pourrions avoir ici. Ici même, en Moldavie ! Nous pouvons nettoyer nous-mêmes nos maisons, refaire nous-mêmes nos routes..." où le paradis rêvé n'est pas ailleurs qu'en nous-mêmes...
A lire absolument...

Une super fable

9 étoiles

Critique de Lectrice passion (Auch, Inscrite le 16 octobre 2014, 46 ans) - 16 octobre 2014

Une fable loufoque et très sympa avec pour fond "des mille et une façon de quitter la Moldavie". Livre que je recommande.

Une fable loufoque à portée existentielle

10 étoiles

Critique de Reginalda (lyon, Inscrite le 6 juin 2006, 57 ans) - 13 octobre 2014

Quel bonheur que ce livre ! On en lit peu de ce type en France : une fable loufoque à portée existentielle. Les habitants du petit village de Larga en Moldavie n'aspirent qu'à une chose : quitter leur pays pour l'Italie, et ils ne lésinent pas sur les moyens. Quand le plus évident – s'endetter jusqu'au cou pour se payer un passage illégal – les conduit dans une impasse, ils iront vers le délirant. Et le lecteur se tient les côtes devant un sens aussi aigu de l'absurde. Vladimir Lortchenkov est un maître pour déceler l'aberration logique qui conduit à une réalité loufoque. Cependant, et c'est ce qui donne de la profondeur à ce roman, il sait aussi constater le lyrique et le poétique quand ils se présentent, ce qui fait "Des mille et une façon de quitter la Moldavie" bien plus qu'une satire de ce pays, mais un coup de projecteur plus ambitieux sur une humanité dont le grotesque (au versant sublime bien rare) apparaît comme le maître mot.

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