La claire fontaine de David Bosc

La claire fontaine de David Bosc

Catégorie(s) : Littérature => Francophone

Critiqué par Sissi, le 10 octobre 2014 (Besançon, Inscrite le 29 novembre 2010, 53 ans)
La note : 8 étoiles
Moyenne des notes : 8 étoiles (basée sur 2 avis)
Cote pondérée : 5 étoiles (39 856ème position).
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Fais ce que tu veux...

« Au mur de son atelier, à Paris, Courbet avait affiché une liste de règles :

1. Ne fais pas ce que je fais.
2. Ne fais pas ce que les autres font.
3. Si tu faisais ce que faisait Raphaël,
tu n’aurais pas d’existence propre. Suicide.
4. Fais ce que tu vois et ce que tu ressens,
fais ce que tu veux.
»

Et c’est bien ce Courbet-là, libre et émancipé, qu’on découvre, qu’on perçoit et qu’on devine.
Exilé à la Tour-de-Peilz en Suisse suite aux événement de la Commune de Paris, il y passera les quatre dernières années de son existence et ce sont elles qui sont relatées ici.
Enfin...relatées, pas vraiment. Il ne s’agit en aucun cas d’une biographie traditionnelle mais d’un texte tout en alternance, alternance entre le récit, les réflexions, l’analyse de tableaux, les anecdotes, les extraits de documents officiels (comme le rapport de police du 25 août 1873, où il est stipulé que Courbet se « met à l’abri pour le futur procès de la Colonne »), les petits moments de vie précis (écrits au présent) et les passages d’une grande poésie qui résonnent comme un hommage.

Il incombe alors au lecteur de rassembler, de trier, d’organiser à sa guise tous les éléments qui sont mis à sa disposition afin de composer son propre portrait du grand peintre.
Je retiendrai pour ma part l’excessive excessivité de cet homme, cet homme au corps massif et imposant qui aime chanter, boire, se jeter nu dans les rivières, faire l’amour et les forêts. A outrance.
Un homme profondément amoureux de la nature, du corps féminin, des cascades, de sa ville natale et de la peinture.
Une espèce de géant, de monstre sacré qui est resté résolument libre, envers et contre tout, envers et contre tous, envers et contre lui-même.

Un petit passage poétique :

« Courbet, lui, aimait les fleurs, les fruits, les femmes, les peaux de bête, les peaux de fruits, les peaux de femmes, les arbres immenses et la broussaille, le sang dans les plumes, le sang dans les poils, la poudre et le plomb, la terre odorante, la boue, la pluie, l’eau, la brume, l’eau, les vagues, l’eau, les flaques, l’eau, les lacs, l’eau, et comme Baudelaire, il aimait les chevelures – feu liquide des rousses, des blondes, flammes mouillées des brunes, flots des noyades fines… »

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Les éditions

  • La claire fontaine [Texte imprimé], roman David Bosc
    de Bosc, David
    Verdier
    ISBN : 9782864327264 ; 14,00 € ; 22/08/2013 ; 128 p. ; Broché
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Ah le petit vin blanc !

7 étoiles

Critique de Débézed (Besançon, Inscrit le 10 février 2008, 76 ans) - 24 novembre 2014

Un beau matin de juillet 1873, Courbet quitte sa maison et s’engage, à gauche, dans la rue de la Froidière, là où, quand j’étais jeune, j’ai beaucoup festoyé, il chemine jusqu’au vieux pont de Nahin pour franchir sa rivière, la Loue, et rejoindre la route qui le mènera vers la Suisse en passant par la côte de Mouthiers, La Vrine et Pontarlier. Il quitte la France pour éviter les poursuites judiciaires engagées contre sa personne après la détérioration, pendant la Commune, de la colonne Vendôme. Il s‘installe définitivement à la Tour-de-Peilz, sur les rives du Léman, où il terminera sa vie. C’est cet épisode, le dernier, de l’existence du célèbre peintre que David Bosc met en scène dans cet ouvrage.

Le maître d’Ornans a quitté la France avec son élève Marcel Ordinaire qui gagnera une petite notoriété avec ce qu’il a appris à ses côtés, Cherubino Pata, l’homme de l’intendance qui assure les relations avec la famille, les amis, les clients, les Morel qui le rejoindront plus tard pour assurer l’intendance de sa maison qu’il ne sait pas gérer. « C’est un enfant, une femme faible plutôt, qu’il faut conduire par la main ; sa force est toute concentrée dans son talent, quant à l’homme, c’est la faiblesse incarnée ». Il continue de peindre, de peindre beaucoup, sa notoriété n’a pas faibli, il n’a pas perdu une once de son talent.

Il n’a perdu que sa hargne révolutionnaire, il se détache des biens de ce monde, se comporte comme un pauvre, se satisfait de son sort et désespère son entourage par son désintéressement. « Les pauvres avaient au moins le tact d’avoir envie de toutes les choses dont ils étaient privées. Tandis que celui-là vous gâchait le plaisir par son indifférence, par ce ni chaud ni froid que lui faisait toute marchandise ». Il se complaît dans les petits plaisirs d’une vie simple, de bains dans le lac Léman, l’eau était son élément, sa « claire fontaine », des visites de sa famille et de ses amis, des répétitions et concerts avec la chorale de Vevey… mais surtout dans l’ivresse que le petit vin blanc du pays, ingurgité en quantité de plus en plus inquiétante, lui procure. « Courbet se plaisait en la compagnie des petits-bourgeois, pour lesquels il était une sorte d’homme-cabaret, un type très fort, très rigolo et simple ! Et célèbre ! »

Daniel Bosc n’a pas choisi la période la plus exaltante de la vie de l’artiste pour en dresser le portrait. Pour ma part, j’ai eu une drôle d‘impression en lisant ce livre : je n’ai pas toujours vu un écrivain observant les faits et gestes, sondant les états d’âme, d’un artiste, j’ai parfois plus eu le sentiment de voir un peintre observer, derrière son « déci » de fendant, un auteur essayant de trouver les formules les plus adéquates, le style le plus adapté, pour le faire vivre dans sa désescalade progressive. L’auteur m’a semblé parfois donner la priorité à l’objet de son livre, l’exercice littéraire, au détriment de son sujet, la vie du peintre. Ceci n’est qu’une impression et nullement un reproche car l’auteur a atteint son objectif le texte est de qualité et le sujet n’en manque pas. Mais je n’oublie pas ce que le peintre avait affiché dans son atelier :

« Ne fais pas ce que je fais.
Ne fais pas ce que les autres font ».

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