Jacob, Jacob de Valérie Zenatti
Catégorie(s) : Littérature => Francophone
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DES INDIGENES A L'ENVERS
Jacob Melki est un jeune juif de Constantine. Nous sommes en 1944 et la France a besoin de soldats pour achever la libération de la France en cette avant-dernière année de guerre. Jacob, pour sa part, rêve d’amour, en particulier avec Lucette qui lui rappelle qu’il va bientôt partir à l’armée. Il se souvient de ses premières impressions, de la séduction produite sur Lucette, dans les files d’attente des marchands de glace …
Nous sommes dans l’Algérie de la Seconde Guerre Mondiale, pays qui a retiré la citoyenneté française aux Juifs d’Algérie pendant le régime de Vichy, mais cherche à présent des recrues. A la caserne de recrutement de l’arme, Jacob aperçoit des camarades du lycée d’Aumale. Les recrues s’appellent Melki, Bonnin, Ouabedssalam, Attali, Haddad, représentants des différentes communautés de l’Algérie d’alors. Pourtant, la fraternité d’armes ne s’impose guère d’évidence, à tel point que l’un des enrôlés, Haddad, a sauté par-dessus bord, tandis que le navire qui les emmenait, sortait de la baie d’Alger …
Ils découvrent dans l’armée les premières humiliations, les premières peurs, l’inutilité ce que leur instituteur leur avait appris, leur sergent-chef préfère ainsi « les soldats qui truffent leurs phrases de fautes, sauf ceux qui sont musulmans et qu’il appelle des bougnoules, eux il les corrige en éclatant de rire, les affuble de surnoms qui le ravissent, Fatima, Bourricot, Bab El –Oued. »
Au cours des combats en France, durant la libération de l’Alsace, Jacob est initié à l’amour par Louise. Cette relation amoureuse lui apporte un soutien moral décisif durant cette guerre, durant laquelle il va être témoin de la mort de certains de ses compagnons d’armes, parmi lesquels Bonnin. Le personnage de Jacob ne se pose pas de questions, il est emporté par l’Histoire, par son arbitraire, sa cruauté. L’auteure indique à la fin du récit ses origines familiales : « Jacob avait dû la vie au mariage arrangé entre Rachel et Haïm, le 17 octobre 1906, dans l’arrondissement de Guemla, commune de Tébessa. » On y dévoile la consistance profonde de Jacob : « Jacob était fait de ces mots transmis de génération en génération, prières, bénédictions, exclamations, il était fait aussi des silences si nombreux autour de l’amour, de la mort. »
Beau roman, qui nous fait toucher du doigt la condition de ces gens simples décrits dans le récit, pris dans les méandres cruels de l’Histoire, dévoreuse de destins.
Les éditions
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Jacob, Jacob [Texte imprimé]
de Zenatti, Valérie
Editions de l'Olivier
ISBN : 9782823601657 ; 13,85 € ; 21/08/2014 ; 1 vol. (168 p.) p. ; Broché
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L'écho d'une vie
Critique de Romur (Viroflay, Inscrit le 9 février 2008, 51 ans) - 25 juillet 2015
Dans un appartement modeste de Constantine où cohabitent trois générations, sous la férule autoritaire des hommes et des aînés, Jacob avec sa douceur et son éducation fait figure d’ange et de bienfaiteur pour les femmes et les enfants du foyer.
Nous sommes en 1944, le débarquement en Provence s’approche et Jacob est appelé sous les drapeaux. Entrainement, débarquement, combats... Il laissera la vie dans le froid d’un petit village près de Mulhouse.
Des années plus tard, sa famille déracinée traversera à son tour la Méditerranée pour fuir la guerre d’Algérie...
Avec une langue riche et évocatrice, Valérie Zenatti nous livre un récit poétique, plein d’amour et de détresse, depuis le soleil de Constantine jusqu’à la neige sanglante d’Alsace.
Un de Constantine
Critique de Merrybelle (PACA, Inscrite le 6 novembre 2011, 62 ans) - 16 mai 2015
«Oh ! oui, c’était ainsi, la vie de cet enfant avait été ainsi, la vie avait été ainsi dans l’île pauvre du quartier, liée par la nécessité toute nue, au milieu d’une famille infirme et ignorante, avec son jeune sang grondant, un appétit dévorant de la vie, l’intelligence farouche et avide, et tout au long un délire de joie coupé par les brusques coups d’arrêt que lui infligeait un monde inconnu» Camus - Le Premier Homme
Jacob, c’est Jacob Melki, né à Constantine et mort pour la France à 19 ans 7 mois et 10 jours.
Jacob, petit dernier d’une fratrie, fils de Rachel et de Haïm, cordonnier, Jacob qui doit son prénom à un frère mort à 3 ans.
Jacob, qui récite Hugo, Rimbaud, Baudelaire, étudie le latin, qui chante Piaf ou Cheikh Raymond et à qui on refusera l’école en 41 pendant deux ans car il sera considéré comme indigène. Trois ans plus tard, avec le matricule 45 93 0010 73 il embarquera pour défendre la Patrie, des plages de Provence aux neiges d’Alsace.
«C’est nous les Africains, Qui arrivons de loin, Venant des colonies, pour sauver la Patrie, Nous avons tout quitté, Parents, gourbis, foyers, Et nous avons au coeur, Une invincible ardeur, Car nous voulons porter haut et fier, Le beau drapeau de notre France entière,....»
Jacob, être de douceur et de gentillesse, qui aime la musique et l’eau, lumière d’une famille pauvre où les coups et les cris pleuvent, où la promiscuité règne, où le seul amour est celui de sa mère, excessif mais indéfectible, elle qui quittera pour la première fois le domicile pour chercher son fils dans les villes de garnison.
Voici un roman profond consacré à Jacob, à sa découverte de la vie, de la mort, de la peur, de la douleur.
Mais à travers son histoire, Valérie Zenatti décrit une époque, un pays, Constantine. Elle décrit aussi le statut des femmes, soumises à un mari, rabaissées au statut de bonne, mais qui se révéleront être des battantes.
C’est le récit de la douleur infinie d’une mère, de l’absence, de la perte, celle d’un compagnon d’armes, d’un fils, d’un enfant.
C’est l’Histoire, celle de la guerre, de ces hommes de l’armée B et celle d’un monde qui se termine, l’exil, l’arrachement à une terre, de la rupture - avec la mort de Cheikh Raymond, des fractures,
C’est l’histoire du temps qui passe, du temps qui fut et qui ne sera plus,
C’est une histoire familiale.
Jacob dont le souvenir, le sourire perdureront, Jacob, prénom répété dans un souffle, infiniment.
L’écriture de Valérie Zenatti est limpide, précise, descriptive, dénuée de tout pathos.
Les phrases sont ponctuées de virgules, on y sent le souffle, les odeurs de cannelle, d’eau de fleurs d’oranger et des épices, les émotions, le goût des sfériètes, le chant des ortolans.
«...., le 20 novembre 1961, la cage était posée à l’arrière d’une calèche sur les matelas roulés dans les plis desquels Madeleine, Camille et Fanny avaient fourré leurs vêtements….». Tout est dit.
Vous aurez compris combien j’ai aimé ce texte.
Oui mais non !
Critique de Monocle (tournai, Inscrit le 19 février 2010, 64 ans) - 6 avril 2015
Les acteurs sont attachants, les descriptions sont poétiques mais l'assemblage m'a semblé touffu.
Sans contester les qualités de cet ouvrage je ne m'y suis pas plu.
Récit poétique
Critique de LaVillatte (, Inscrite le 11 juillet 2012, 49 ans) - 22 mars 2015
Tout ne nous est pas précisé mais l'humanité et la précision de chaque chapitre nous permettent d'être dans un cœur à cœur avec les personnages et de saisir la place que Jacob a pu tenir dans la vie des gens simples qui l'entourent. Petit dernier d'une famille de cordonniers juifs de Constantine, il est celui qui parle comme un français de France, celui qui chante Edith Piaf, Cheikh Raymond et même des chansons américaines, celui qui sait trouver des gestes doux quand sa petite nièce se réveille la nuit, celui qui illumine par sa seule présence la vie de ceux qui l'entourent.
Bien que l'histoire racontée soit dure, le style poétique de ce livre nous happe et ne nous relâche qu'à la dernière page qui arrive presque trop vite.
pas logique; c'est exactement ça la guerre
Critique de Joanna80 (Amiens, Inscrite le 19 décembre 2011, 68 ans) - 22 décembre 2014
Jacob, un jeune juif doit partir pour libérer la France et le voilà "à des milliers de kilomètres de là ou il est né, détaché des siens, défenseur d'une Europe qui avait tué ou laissé mourir ses juifs mais qui l'avait bien voulu, lui, 19 ans, pour la délivrer, alors que 3 ans avant on ne l'avait pas jugé suffisamment français pour l'autoriser à franchir les portes du lycée.
Ce morceau de texte trotte dans ma tête depuis quelques jours déjà, et montre bien que les mots "logique" et "guerre" ne riment pas.
Un beau livre, bien écrit, aucune longueur, à lire tout simplement.
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