Victoria Libourne de Françoise Houdart

Victoria Libourne de Françoise Houdart

Catégorie(s) : Littérature => Francophone

Critiqué par Lucien, le 4 septembre 2014 (Inscrit le 13 mars 2001, 69 ans)
La note : 9 étoiles
Moyenne des notes : 9 étoiles (basée sur 2 avis)
Cote pondérée : 6 étoiles (13 272ème position).
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« Écrire le mal est comme une saignée. »

Depuis un quart de siècle, Françoise Houdart sonde les « profonds chemins » de son âme à la recherche d’un trésor secret, enfoui là depuis la nuit des temps. Depuis les sentiers de l’enfance.
Son outil ? La plume, aiguisée déjà par la pratique de la poésie, dont il reste, dans son écriture, plus que des traces : mots précis et rares, métaphores, musicalité. Une langue poétique et charnelle pour « mentir vrai ».
Le résultat : seize romans, déjà, où – car il est coutume d’imaginer de tels classements – elle explore deux axes, parfois bien distincts, parfois mêlés comme yin et yang : celui du réel et celui du rêve.
Axe du réel : "Tu signais Ernst K. ", "Les profonds Chemins"… Axe du rêve : "Bastida", "La Danse de l’abeille".
Son dernier roman, "Victoria Libourne", publié comme tous les autres aux éditions Luce Wilquin (bel exemple de fidélité), explore l’axe du rêve.
L’argument ? Clémence n’aime pas son prénom. Elle aurait préféré s’appeler Clémentine. Alors, elle l’abrège en « Clem ». Pour quelle faute ce nom de baptême appelle-t-il la mansuétude ? Celle d’une mère acariâtre jamais avare de compliments au vitriol (« Tu as les yeux de ton père. Il y a du mauvais dans ces yeux-là. ») ? Celle d’un père abandonnant mère et fille pour, censément, « compter les phoques au pôle Nord » (si vous ne connaissez pas la "Complainte du phoque en Alaska", écoutez-la sur Youtube avant de lire la page 129…) ? Celle de Clémence elle-même, jetant à la surface du globe le fils de nul père, Hugo, conçu au cours d’une nuit de beuverie, et qui pleure chaque nuit en espérant la neige blanche ou un rat blanc pour nettoyer ses idées noires ?
Au quotidien, rien de folichon. Elle travaille dans un journal. Dépose Hugo chez la gardienne, rejoint le bureau où elle retrouve Thérèse, la collègue et meilleure amie. Parfois, s’accorde une promenade au canal, près de la cantine des Italiens, où elle aime s’asseoir, toujours sur le même banc, à observer le manège des péniches dans l’écluse.
Et puis, l’élément perturbateur, forcément : un « clodo » sur « son » banc. Il est, comme elle, comme Brassens, « de la mauvaise herbe » (« C’est pas moi qu’on rumine et c’est pas moi qu’on met en gerbe… ») mais c’est un être humain. Un homme. Il parle. Lui dit son nom : Moïse. Elle revient. Il raconte. Elle écoute. Il a vécu loin, au bord d’une autre eau. Bordeaux… Clem cherche sur Google. Bordeaux. La Garonne. Un banc, sur une photo. Et sur ce banc, un homme, de dos. Moïse ? Elle le retrouve, lui dit la photo. Il parle encore. Il a connu une femme : Victoria. Il naviguait. Il revenait. Victoria l’attendait. Clem rêve. La photo. L’autre banc. Une femme s’assied près de l’homme. Victoria. Puis, la crise. Leur histoire se brise. À cause d’une autre femme, ailleurs, à l’escale du bateau.
Et puis : « On a repêché un homme dans le canal. » Commence alors une double enquête : celle du commissaire Callebaut. Et celle de Clem. Enquête ou quête : retrouver Victoria. Être, peut-être, Victoria. Voir s’écrouler les fragiles barrières entre rêve et réel, comme le Nerval d’Aurélia, et basculer dans la folie. Ou suivre le conseil du commissaire : « Ne vous laissez pas enfermer entre les murs d’une illusion. Ou alors écrivez-la. »
Écrire, oui, écrire, faute de pouvoir marcher sur l’eau. Écrire dans un cahier noir : « Je m’appelle Victoria. » Explorer « cette femme du dedans d’elle-même », « entre rêve et réalité ».
Pour Françoise Houdart comme pour Clem, « écrire le mal est comme une saignée. » Écriture catharsis qui nous tient en haleine jusqu’à la dernière page entre deux eaux, entre deux bancs, entre deux vies. Un roman en noir et blanc à découvrir dès le 19 septembre 2014.

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Un roman tout en nuances

9 étoiles

Critique de Ddh (Mouscron, Inscrit le 16 octobre 2005, 83 ans) - 4 mars 2016

Victoria est le prénom d’une amante nébuleuse, Libourne n’est pas loin de Bordeaux et la Garonne.
Victoria Libourne est le seizième roman de Françoise Houdart, dont certains primés comme ... Née, Pélagie D. (Prix de Thyssebaert 1997), Les profonds chemins (Prix de littérature Charles Plisnier 2014). L’auteure a fait publier des recueils de poésie dont Arythmies (Prix Gauchez Philippot 1989).
Clémence Delvillée, Clem pour son entourage, cajole son petit Hugo Delvillée ; eh oui, une fille mère. Elle n’est pas spécialement heureuse. Elle travaille mais Mme De Wilder, chef de service, est glaciale. Heureusement qu’elle peut compter sur Thérèse, sa collègue, sa confidente. Elle ne fréquente plus ses parents : sa mère manque de tendresse et son père est trop souvent sur les mers, dans des contrées inhospitalières où il milite avec son idéal écologique. Une rencontre avec un SDF couché sur un banc près de la rivière va transformer son quotidien.
Très bien écrit, ce roman où la touche poétique est bouleversante dans la description des bords de la rivière. Les caractères des personnages sont bien typés et profondément humains.

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