Accident nocturne de Patrick Modiano
Catégorie(s) : Littérature => Francophone
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Qui cherche trouve, mais pas ce qu'il pensait...
Un soir, place des Pyramides à Paris, notre narrateur se fait accrocher par une voiture. Celle-ci le blesse légèrement et, dans son embardée pour tenter de l'éviter, termine sa course contre une borne. Une jeune femme en sort et ils se retrouveront tous les deux dans une clinique.
Elle est légèrement blessée au visage et lui au pied, à la jambe et à la main. Dans l’ambulance, couchée à côté de lui, elle lui prend le poignet et lui sourit. Un homme vêtu d'un manteau marron est venu la rejoindre.
Il est emmené dans une salle et se réveillera dans une chambre après avoir été endormi et soigné. Commence alors pour lui une quête longue et difficile : retrouver sa propre vie et, surtout, cette femme qu'il est convaincu d’avoir connu en d'autres temps. Il est convaincu qu'elle est un lien entre une vie passée qu’il ne connaît pas, dont il n'a qu’une vague idée, et sa vie future. Au moment des faits, il n’a pas tout à fait vingt et un an.
Commence alors un vrai livre de Modiano, un de ces livres dont il a le secret. Un narrateur qui sait qu'il a une mère, mais qu’il n'a jamais connu. Il a un père, mais celui-ci a un jour fait appeler police secours pour se débarrasser de lui. Depuis, il ne le voit que très vaguement et seulement lors de courts rendez-vous dans des cafés.
Il va errer dans Paris à la recherche de cette femme et les rues et les quartiers qu’il va parcourir lui feront chaque fois penser à quelque chose. Cette histoire avance donc de petits quelques choses en petits quelques choses. Tout est flou. Il prend cet accident comme une chance : celle de se retrouver.
« …oui, aussi loin que je remontais dans mes souvenirs, j'avais toujours marché avec une seule chaussure. »
Que sait-il de lui-même ? Il sait qu'il est né à Biarritz, mais tous les nombreux endroits de passage de sa vie ne sont que très vaguement ancrés en sa mémoire. « Depuis longtemps, je m’étais efforcé d’oublier mon enfance, sans jamais avoir éprouvé pour elle beaucoup de nostalgie. Je ne possédais aucune photo, aucune trace matérielle de cette époque, sauf un vieux carnet de vaccination. »
Pour finir, c'est un vaccin, le cachet d’un médecin et le nom d'un village qui vont l'aider à avancer : Fossombronne-la-Forêt dans la Loire.
Mais cette femme ? Il doit la retrouver car il est convaincu qu'elle est la clef de tout l’édifice,
Suite à l’accident, elle lui a donné son nom et il sait qu'elle a une Fiat de couleur vert d'eau. Il ne sait rien de plus. Il ne peut continuer à vivre sur une seule chaussure !
« J’aurais voulu me fondre dans le paysage. Déjà, à cette époque, j’avais le sentiment qu’un homme sans paysage est bien démuni. Une sorte d'infirme. Je m'en étais aperçu très jeune, quand mon chien était mort et que je ne savais pas où l'enterrer. Aucune prairie. Aucun village. Pas de terroir. »
Il lui faut retrouver sa vie antérieure, ou une nouvelle.
Patrick Modiano est passé maître dans la description de vies qui ne tiennent quasiment à rien, sans attaches, sans buts, sans passé, presque sans avenir si elles ne trouvent rien à quoi se raccrocher. Ici, il se livre à nouveau à cet exercice, mais, à mes yeux, avec peut-être davantage de bonheur que dans d'autres de ses romans.
J’ai vraiment été accroché par ce narrateur et son histoire, ou plutôt son absence d'histoire qu'il essaye de combler.
Un très bon Modiano !
Les éditions
-
Accident nocturne [Texte imprimé], roman Patrick Modiano
de Modiano, Patrick
Gallimard / NRF
ISBN : 9782070734559 ; 17,50 € ; 02/10/2003 ; 148 p. ; Broché -
Accident nocturne [Texte imprimé] Patrick Modiano
de Modiano, Patrick
Gallimard / Collection Folio
ISBN : 9782070306381 ; 6,90 € ; 14/04/2005 ; 177 p. ; Broché
Les livres liés
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Les critiques éclairs (19)
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Une longue quête via une introspection mémorielle
Critique de Veneziano (Paris, Inscrit le 4 mai 2005, 46 ans) - 8 décembre 2013
Rien n'est jamais comme avant, comme dans les souvenirs, rien ne se déroule comme on l'escompte, le résultat semble se dérober dès qu'il paraît proche, et finit par éclore, à sa manière.
Ce roman est une belle réussite, le suspense est bien traité, l'environnement de mystère tient bien en haleine. Même si l'aspect familier, voire éculé, de ces éléments si souvent réitérés dans les romans de cet auteur, la trame, la dynamique de celui-ci tranche avec une narration, une action plus molle de ceux moins bien réussis. Celui-ci est porteur de quelque chose, cohérent et bien conçu, dans une atmosphère que j'aime, qui peut plaire à tous les nostalgiques et les amateurs de Paris, comme moi.
Mémoire et souvenirs
Critique de Cyrus (Courbevoie, Inscrit le 3 novembre 2008, 47 ans) - 14 mai 2009
Mis à part cet aspect, je dois reconnaître que je ne suis pas emballé par la lecture de mon premier Modiano. Le style est agréable et fluide mais le récit est vraiment beaucoup trop décousu, trop vague voire parfois confus et, même si c'est une volonté de l'auteur, cela m'a gêné. L'histoire en elle-même ne m'a pas non plus beaucoup intéressé.
Modiano copie Modiano
Critique de Pistil (, Inscrite le 14 janvier 2006, 50 ans) - 15 janvier 2006
Le charme de Modiano
Critique de Dirlandaise (Québec, Inscrite le 28 août 2004, 69 ans) - 19 décembre 2005
Accident nocture
Critique de Bleue (, Inscrite le 15 août 2005, 54 ans) - 15 août 2005
L'éternel retour
Critique de Clarabel (, Inscrite le 25 février 2004, 48 ans) - 19 mai 2005
"Accident nocturne" trace à nouveau la quête d'une harmonie perdue. Le narrateur va courir les rues de Paris pour retrouver cette Jacqueline Beausergent. Et au cours de cette investigation, il part aussi sur les traces d'une Hélène Navachine, d'une Geneviève Dalame, d'un docteur Bouvière.
C'est confus, c'est un puzzle morcelé qui s'imbrique progressivement. Le résultat est vague et alambiqué. Les mots de Modiano sont autant de résonances répétitives, ici s'ajoutent la perte de mémoire, la confusion des souvenirs et des sentiments. Ce n'est pas le meilleur de l'auteur, qui parfois semble s'emmêler les pinceaux, mais cela reste une lecture classique, digne de nous pondre des perles comme "un fond solide sous les sables mouvants".
Bribes du passé
Critique de Kreen78 (Limours, Inscrite le 11 septembre 2004, 46 ans) - 10 mai 2005
Ce qui m'a surprise, c'est que lorsque je l'ai eu terminé, j'ai repris le livre au commencement et j'ai relu les 30 premières pages. Et encore, je me suis mis le hola, sinon peut-être l'aurais-je relu entièrement...
Ce n'est pas une histoire passionnante, mais le style de l'écrivain joue beaucoup dans la facilité de lecture. Agréable et (malheureusement) très vite lu.
Correct
Critique de Aaro-Benjamin G. (Montréal, Inscrit le 11 décembre 2003, 55 ans) - 22 février 2005
Impressionnant!
Critique de Palorel (, Inscrit le 25 décembre 2004, 44 ans) - 9 janvier 2005
errances dans nos mémoires..
Critique de Donatien (vilvorde, Inscrit le 14 août 2004, 81 ans) - 9 septembre 2004
Il est vrai qu'avec le temps, il nous arrive parfois de croire rencontrer des hommes et des femmes faisant partie de notre traversée de la vie, mais dans la confusion, comme dans les rêves.
Souvent ces rencontres provoquent des situations cocasses ou absurdes parce différents éléments de temps et de lieux sont mêlés dans l'incohérence.
Qui n'a pas remis en scène certains épisodes heureux ou malheureux?Quel est celui qui n'a fait revivre par l'image, par la voix, par l'odeur, des êtres disparus? J'aime la ténacité du personnage à la recherche du sens de ce qu'il vit ou a vécu.
Patric Modiano nous fait sans doute explorer à chaque fois le même monde, mais l'on en redemande pourvu qu'il nous enchante ou incite à faire de même.
Une escale sur le chemin de l'errance
Critique de Sahkti (Genève, Inscrite le 17 avril 2004, 50 ans) - 28 avril 2004
Modiano part à la recherche de Jacqueline de Beausergent, pas uniquement pour la remercier, mais aussi pour évoluer davantage dans son chemin de vie qui se dessine aujourd'hui à travers ses errances.
Encore une histoire de recherche et d'errance pourrait-on dire. Oui, c'est vrai, mais c'est ainsi que l'auteur se trouve, qu'il se construit, qu'il se découvre et ça se fait par étapes, lentement, ce qui nous permet d'avancer en même temps que lui et d'apprendre à le connaître davantage à chaque bouquin. La fin est belle, ce sont des retrouvailles, mais elle ouvre la voie à une continuation. Jacqueline de Beausergent est là, mais cela règle-t-il vraiment tous les problèmes, toutes les questions ont-elles trouvé leurs réponses? Non. Ce qui signifie qu'une autre errance prendra bientôt place. A l'image de celle du "spectateur nocturne", par lequel Modiano a expliqué à la presse qu'il évoque Restif de la Bretonne et ses promenades de quartier en quartier racontées dans "Les Nuits de Paris".
On sent que Modiano a encore des noeuds à défaire, en particulier avec son père, qui l'a fait embarquer par la police.
"Vous jugez-vous comme un bon fils ?
- Je n'ai jamais été un fils" (page 117).
A une question de Jérôme Garcin pour le Nouvel Obs' (02-10-2003) lui demandant pourquoi il éparpillait les souvenirs sur son père et ne regroupait pas le tout sous la forme d'un livre, Patrick Modiano a répondu : "La scène du panier à salade passerait pour banale dans un livre de souvenirs, c'est la fiction qui lui donne son sens. Et puis si mon père est présent ici et là, c'est que je ne cesse de recoller des morceaux à la réalité et que sans doute, je n'arrive toujours pas à l'aborder de face, frontalement. Je tourne autour de lui, j'écris en rond."
Accident nocturne et Modiano
Critique de Janotusdebragmardo (, Inscrit le 5 avril 2004, 68 ans) - 18 avril 2004
Cette recherche se passe dans un Paris souvent nocturne et fantomatique dans lequel brillent ça et là les lumières de bistrots ou d'hôtels rappelant un peu un tableau, "Le café, le soir", l'un des nocturnes de Van Gogh.
Modiano se répète-il? ou plutôt creuse-t-il inlassablement le même sillon, semblable en cela à bien d'autres écrivains, et non des moindres? Et n'avons-nous pas tous, nous retournant sur notre vie et notre passé, des zones d'ombre, de questionnements (même si moins tragiques)?
Visite de Paris, un peu coûteuse...
Critique de Lézard (Genval, Inscrit le 29 janvier 2004, 40 ans) - 15 mars 2004
Seule l'ambiance énigmatique oserait l'audace d'inciter le lecteur à s'enfoncer au fil des pages. L'attente n'est néanmoins pas trop longue, il est trop inconfortable de tricoter un pull avec une toile d'araignée...
La mienne s'est baladée 148 pages durant sur le plafond de mon intérêt : séduisant a priori, figé en fin de compte.
déception
Critique de Virginie (, Inscrite le 24 février 2004, 63 ans) - 5 mars 2004
La vie kaléidoscope.
Critique de Lucien (, Inscrit le 13 mars 2001, 68 ans) - 14 décembre 2003
Le narrateur est arrivé, comme moi, «à l’âge où la vie se referme peu à peu sur elle-même». Et l’accident va éveiller en lui un très ancien souvenir, tendre un fil à travers les années, car «la vie est un éternel retour». Quel secret porte-t-il en lui ? Quel passé trouble soudain remué par cette vieille qui l’agresse en pleine rue, cette mauvaise comédienne, cette épave «aussi lourde que mes souvenirs d’enfance», dira-t-il ? Une dimension psychanalytique, en somme : retrouver, suite à un choc, la trace d’un choc plus ancien, d’une «scène initiale». Une dimension psychanalytique tournée en dérision, d’ailleurs, à travers cet énigmatique docteur Bouvière, côtoyé un moment par le narrateur et surtout fréquenté par une petite cour de fidèles ou de zélotes, ce maître à penser à cravate rose dans lequel on n’a aucune peine à reconnaître une caricature de Jacques Lacan.
Oui, le narrateur cache un secret au fond de lui, et se le cache peut-être à lui-même, comme nous tous. Et «les hommes meurent avec leur secret». Un secret qui, parfois, voudrait sortir, peut-être, en certaines circonstances, à certaines heures, en certains lieux : «on peut glisser à certaines heures de la nuit dans un monde parallèle». Dans certaines rues de Paris, portes de la quatrième dimension, devant certains «visages surpris un instant et qui brilleront dans votre mémoire d’un scintillement d’étoile lointaine, avant de s’éteindre le jour de votre mort, sans avoir livré leur secret.» Tout est là, toute la vérité s’offre à nous qui ne savons pas la saisir, et «l’oubli finit par ronger des pans entiers de notre vie.»
Et nous errons dans notre vie comme ces personnages de Modiano à travers les mystères de Paris, sans savoir si nous sommes les jouets du hasard ou du destin. Et nous savons au fond de nous que «le hasard ne produit qu’un nombre assez limité de rencontres. Les mêmes situations, les mêmes visages reviennent, et l’on dirait les fragments de verre coloriés des kaléidoscopes, avec ce jeu de miroirs qui donne l’illusion que les combinaisons peuvent varier jusqu’à l’infini. Mais elles sont plutôt limitées, les combinaisons.»
Les romanciers l’ont compris. Les romanciers comme Modiano savent que les combinaisons sont singulièrement limitées. Leur art consiste alors à faire naître malgré tout, de situations usées jusqu’à la corde, le petit frisson, le fugace émoi, la brève émotion que nous cherchons dans la lecture pour échapper, un peu, au Temps…
Un bon Modiano mais rien de nouveau
Critique de Tophiv (Reignier (Fr), Inscrit le 13 juillet 2001, 49 ans) - 17 novembre 2003
et j’attends encore quelque chose de plus de ce grand auteur.
Etonnant !
Critique de Jules (Bruxelles, Inscrit le 1 décembre 2000, 80 ans) - 3 novembre 2003
Ce n'est pas tellement anormal que tu ne connaisses pas "Accident nocturne" puisqu'il n'est sorti qu'il y a un mois.
en parlant de coïncidences
Critique de Folfaerie (, Inscrite le 4 novembre 2002, 55 ans) - 3 novembre 2003
Coïncidences
Critique de Jules (Bruxelles, Inscrit le 1 décembre 2000, 80 ans) - 3 novembre 2003
Quinze jours plus tard, je lis "La mort de Jim Loney" de James Welch, publié en anglais en 1979 et traduit en 1993. J'y trouve un héros qui n'a pas connu sa mère, que son père a abandonné quand il avait dix ans et qui, lui aussi, n'a que des flashs de sa vie de jeune. Lui aussi fout sa vie présente en l'air parce qu'il veut à tout prix recomposé sa vie d'enfant. Il est aussi "à côté de ses chaussures"
Bon, Jim Loney, en plus, est métis et n'a jamais quitté son Montana, mais quand même !...
Je ne peux penser à un plagiat tant "Accident nocturne" est un véritable Modiano dans son écriture et même son inspiration. Mais cette coïncidence est quand-même incroyable !... L'inspiration est une chose étonnante et il est évident que cette histoire a bien dû arriver à plus d'une personne. Mais que pourraient dire les mauvaises langues !...
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Merci à Lucien ! | 2 | Jules | 6 mars 2004 @ 08:25 |