Les douze enfants de Paris de Tim Willocks
(The twelve children of Paris)
Catégorie(s) : Littérature => Anglophone
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L'opéra sauvage
Après le siège de Malte par les turcs, sujet du précédent roman de l'auteur, "La Religion", nous suivons Mattias Tannhauser qui cherche à rejoindre sa femme à Paris le 23 août 1572, la veille du massacre de la saint Barthélémy.
Penser que Tim Willocks à l'image d'Alexandre Dumas ("La reine Margot") ou de Robert Merle ("Paris, ma bonne ville", excellent roman un peu oublié) a écrit un roman historique me semble une erreur, même si les évènements du mois d'août 1572 servent de toile de fond à son intrigue. Nous sommes plus dans une épopée mythologique à l'image de "L'Iliade" avec laquelle ce roman partage plusieurs points communs. En effet, par Mattias, sorte de héros du carnage, l'univers plus ou moins ordonné de la situation historique ( protestants et catholiques rassemblés à Paris pour le mariage d'Henri de Navarre avec la fille de Catherine de Médicis) va basculer dans un chaos sauvage. Il n'y a plus de combat loyal mais extermination. Il n'y a plus de cadre, plus de mesure.
La violence des descriptions de cette extermination est extrême, voire insoutenable.
"Tannhauser frappa le pèlerin suivant dans les reins et l'ouvrit jusqu'à l'omoplate, avant de relever son arme pour faire voler l'épée du dernier de la rangée. Il accentua sa poussée, pivotant sur la hanche, lui découpa le côté du visage jusqu'à la narine opposée. Il roula la hampe de sa pique à deux mains, comme s'il remontait l'eau d'un puits, et sentit le craquement quand la lame sépara la mâchoire inférieure du reste de sa tête, comme une palourde obstinée. La spontone glissa, libre, lorsqu'il recula, et il embrocha le pèlerin dans le sternum, le souleva et le balança dans les jambes de la mêlée."
Si ces quelques lignes vous donnent la nausée, vous ne saurez pas lire "Les douze enfants de Paris" Pourtant cette violence concourt à faire du récit une prouesse littéraire, une sorte de cauchemar halluciné, une boucherie symbolique où l'adversaire n'est réduit qu'à un corps à dépecer. La violence sous toutes ses formes est interrogée, comme moteur de l'histoire, comme corollaire du fanatisme, comme archétype de la survie, comme origine de la vie puisque Carla, la femme de Mattias accouche au milieu de cette furie mais aussi comme seul faire valoir à l'amour qu'il éprouve pour elle, entre souillure et rédemption.
La fin du roman atteint un tel paroxysme qu'elle nous mène dans une symbolique de l'enfer. Dans une barque, les survivants de l'épopée, les douze enfants, tentent de sortir de Paris entre les flammes par la Seine rouge de sang.
Il y a aussi dans ce roman du Victor Hugo de "Notre Dame de Paris", une cour des miracles, des personnages secondaires typés dont un "Quasimodo", roi de cette cour, qui se sacrifiera par amour. L'univers de Tim Willocks montre un goût certain pour le "gothique".
Si je ne vous ai pas découragés, sachez quand même qu'il est impossible de refermer le livre avant d'en connaitre la fin, c'est un vrai "page turner" à condition d'avoir le coeur bien accroché et de lire cette violence en prenant le recul du symbolique. L'écriture est fluide, concise et poétique. C'est un roman étonnant.
Mais que faisait l'auteur avant d'écrire, était il boucher? Ha, non chirurgien.......d'accord....
Les éditions
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Les douze enfants de Paris [Texte imprimé] Tim Willocks traduit de l'anglais par Benjamin Legrand
de Willocks, Tim Legrand, Benjamin (Traducteur)
Sonatine Editions
ISBN : 9782355842252 ; 2,76 € ; 06/03/2014 ; 936 p. ; Broché
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Les critiques éclairs (8)
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Manque plus que le boudin noir !!!
Critique de Usdyc (Bruxelles, Inscrit le 27 août 2004, 68 ans) - 22 avril 2020
Il existe des livres beaucoup plus intéressants sur les religions et sur les massacres de la Saint Barthélémy.
Pour moi un nul pointé. Je suis attristé de devoir mettre 1/2 étoile.
Terrible et sanglant
Critique de Colt (, Inscrit le 26 août 2010, 52 ans) - 20 décembre 2015
En pleine guerre de religion, Matthias est plongé au coeur d'un complot qui vise sa femme (et son enfant à naître). Il n'aura de cesse de la retrouver, en semant derrière lui un sillon sanglant. Au gré de sa traversée, il fera de multiples rencontres, tout comme sa femme, toutes prétextes à plus d'humanité ou d'inhumanité.
La toile de fond de la St Barthélémy est très bien rendue : on s'étripe un peu par fanatisme religieux, mais surtout par soif de pouvoir, par peur de perdre sa place, par cupidité, par loyauté, par bêtise, jalousie... Finalement, Dieu n'a pas grand chose à voir là-dedans, pauvre instrument dans des mains d'hommes sans scrupule et ambitieux qui en usent et en abusent pour faire de l'autre un ennemi, une cible à détruire.
Lorsque les tueries commencent, les victimes huguenotes n'ont guère de solution... la fuite ? Très peu en ont réchappé. La résistance ? Impossible contre des forces armées en nombre qui ratissent la capitale. C'est un abattage systématique qui se met en place des hommes, des femmes, des enfants, avec son cortège de vols, viols et autres tortures.
On ne peut qu'être étonné par les échos très actuels de ces anciens massacres qui se perpétuent...
Tim Willocks confirme son talent pour les épisodes sanglants et désespérés (voir aussi "La Religion"). Excellent livre, à réserver aux coeurs bien accrochés et pas très sensibles aux situations anxiogènes.
Trop violent et assez fumeux
Critique de Poet75 (Paris, Inscrit le 13 janvier 2006, 68 ans) - 9 juillet 2015
Trop de sang pour moi.
Critique de Monocle (tournai, Inscrit le 19 février 2010, 64 ans) - 15 février 2015
Certains semblent juger que toute cette violence dessert le sujet (à savoir le massacre de la Saint-Barthélemy en 1572)... pour ma part 400 pages m'ont suffi pour me forger une idée sur la chose et je vais me consoler en lisant un Christian Signol.
Trop c'est beaucoup quand même !
A ne pas conseiller aux doux enfants
Critique de Hamilcar (PARIS, Inscrit le 1 septembre 2010, 69 ans) - 14 novembre 2014
Avec une écriture folle, terriblement exhibitionniste voire pornographique, Tim Willocks régale les assoiffés d'hémoglobine et les bouffeurs de fèces. C'est dément, extrême et précis à la fois. Si vous ne savez pas tailler l'homme, ce livre vous révèle les pratiques sanglantes du découpage meurtrier. C'est vrai que l'auteur est chirurgien. Et si vous tenez le choc face à toute cette orgie, sachez qu'il y a une histoire non dénuée d'intérêt. Le livre dégouline en grande partie, mais bon, son propos reste fictivement correct. Et Willocks sait aussi charmer son public. Des personnages attachants que l'on a envie de sortir de ce merdier, des salauds tortionnaires aussi, mais ceux-là sont pour Mathias.
Un peu long sans doute, gore à coup sûr. A ne pas conseiller aux doux enfants.
Passionnant
Critique de Mario-san (, Inscrit le 5 juillet 2014, 45 ans) - 31 octobre 2014
On y retrouve le même souffle épique qui nous avait suffoqué avec son héros, Mattias Tannhauser, chevalier de Saint-Jean de Jérusalem, 7 ans après avoir vaincu les ottomans lors des 4 mois du grand siège de Malte. Sombre à souhait lorsqu'il manie les armes et totalement lumineux dans son rapport avec les humbles, alliant l'aisance d'esprit à la capacité de tuer sans broncher, Tannhauser va débarquer à Paris en pleine Saint Barthélémy pour retrouver son épouse, enceinte.
Prenez un maître d'arme, expert dans l'art de tuer rapidement, dites-lui que sa femme est morte après de grands sévices, jetez-le au milieu d'un massacre de masse qui a lieu en toute impunité dans la ville la plus grande, la plus sale et la plus corrompue du monde, et vous obtiendrez évidemment un chaudron explosif et jouissif qui va vous tenir en haleine 900 pages. Attention toutefois, âmes sensibles s'abstenir, le sang coule à flot au milieu des poèmes persans, des violes de gambe et des rossignols enchanteurs.
Born to be wild
Critique de Ndeprez (, Inscrit le 22 décembre 2011, 48 ans) - 30 octobre 2014
Le Rouge et le Noir....
Critique de Lit et rature (, Inscrit le 16 septembre 2014, 71 ans) - 18 septembre 2014
A mi-chemin entre un jack l’Eventreur et un Terminator lâchés dans les ruelles glauques et puantes du Paris du XVIe siècle, le héros va trucider, massacrer, occire, défenestrer, etc… tous ceux qui ont auront la déveine de se trouver sur le chemin le menant à son épouse enlevée par de mystérieux ravisseurs. Et c’est qu’ils sont nombreux, catholiques, huguenots, hommes, femmes, animaux, soldats, surtout des soldats sans souci de leur écu, leur blason ou leur drapeau.
Et pourtant, Mattias n’est pas un psychopathe. C’est un soldat, chevalier de l’ordre de Malte, qui fait son travail, sans haine ni passion, avec la même application désintéressée que le boucher désossant un gigot.
L’auteur n’avait probablement pas l’intention d’écrire un traité sur la torture ou l’art de la guerre, mais nous saurons tout sur la meilleure façon d’énucléer, d’éventrer, d’éviscérer, d’étriper, d’égorger, de démembrer - le tout naturellement sans anesthésie - ou d’apprendre à enfoncer une dague sans verser le sang ou à l’inverse, le faire gicler en sectionnant une artère. Quand on sait que l’auteur est chirurgien et Grand maître en Arts Martiaux, on appréhende la chose différemment. On le dit aussi psychiatre…
On pourrait être profondément choqué, outré, dégoûté, voire franchement nauséeux de naviguer avec Mattias dans les ruelles de ce Paris exhalant l’odeur du sang, de la merde, du vomi et de la crasse mais curieusement, rien de tout cela ne se produit. On se laisse envahir peu à peu par la puissance du récit de cet Alexandre Dumas revisité par John Carpenter, par cette odyssée dans un cloaque où surgit, de temps à autre, tel un ange tombé en enfer la silhouette menue d’un enfant, par cette naïveté chevaleresque du héros et sa foi inébranlable en l’amour – à moins que ça ne soit l’inverse –
Bref, du fort, du puissant, du tonitruant, à ne pas mettre entre toutes les mains. Avec une restriction légère : on sait, par habitude, que dans ces romans volumineux, il y a toujours 200 pages de trop.
J’ai aimé. Vous n’aimerez peut-être pas. A vous de voir.
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