La méprise de Vladimir Nabokov
(Despair (trad de Otchayanie (Отчаяние)))
Catégorie(s) : Littérature => Russe
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Il s'est fait doubler...
Voilà un livre d’un genre particulier, dans ce style bien précis qui consiste à prendre le lecteur à partie dans une histoire et où on lui parle, on le prend par la main comme s’il était complice. Dans ce cas, puisqu'il est fait mention d'un meurtre, il s’agit bien de complicité au sens propre du terme.
L'histoire est simple : le narrateur tue un homme ! Et il estime qu'il s'agit là d'un crime parfait puisque cet homme est son double parfait, il ne lui reste plus qu'à le vêtir de ses habits et le tour est joué, un beau crime insoluble ! Oui, mais...
Le talent de Nabokov réside ici dans ses non-dits, l'auteur semble raconter tout ce qui se passe au lecteur, jouant la carte de la franchise totale, il tente de s'en faire un ami, mais, mais, on se rend compte après quelques pages qu’en fait, le narrateur est un tant soit peu dérangé et qu'il omet, ou éradique, ou ne voit simplement pas certains détails. Ainsi, il est évident que le « double » n'est pas si ressemblant que cela, il est évident que sa femme le trompe avec cet Ardalion, etc. C’est là la force de Nabokov, qui, malgré le fait qu'il soit le seul maître du récit (puisque c’est lui l’écrivain), il nous force à penser des choses qui ne sont pas écrites et qui sont pourtant d’une évidence à toute épreuve. C’est assez rare de voir une telle suggestion faire force de loi dans un roman, c’est une prouesse littéraire qu'il me faut souligner.
En dehors de cela, le style et l'écriture sont agréables et faciles, prenants, intimistes...
Les éditions
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La méprise [Texte imprimé] Vladimir Nabokov préf. de l'auteur trad. de l'anglais par Marcel Stora compléments de textes trad. par Gilles Barbedette
de Nabokov, Vladimir Barbedette, Gilles (Traducteur) Stora, Marcel (Traducteur)
Gallimard / Collection Folio.
ISBN : 9782070384020 ; 8,60 € ; 03/10/1991 ; 251 p. ; Poche
Les livres liés
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Les critiques éclairs (3)
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Un autre Humbert
Critique de Sinz (, Inscrite le 21 avril 2022, 43 ans) - 22 avril 2022
Excellent roman.
Belle imposture
Critique de Ravenbac (Reims, Inscrit le 12 novembre 2010, 59 ans) - 15 mai 2011
Hermann, homme d’affaires allemand, travaille dans le chocolat. Il vit à Berlin avec sa femme Lydia. Un jour, le voilà à Prague pour affaires. L’homme qu’il doit rencontrer n’est pas là. Alors pour tuer une heure Hermann va battre la campagne alentour. Dans une clairière, il aperçoit un homme allongé de tout son long. Il s’approche. L’homme dort. Hermann, du bout de son élégante chaussure, fait sauter la casquette de son visage. Apparition vertigineuse. L’homme allongé est son parfait sosie.
Sorti de sa stupeur, Hermann, gredin patenté, va mijoter un mauvais tour. Car, finalement, son affaire de chocolat tourne au vinaigre. Et son providentiel double est synonyme d’une classique escroquerie à l’assurance.
Comme l’écrit Nabokov à propos de son roman, « sa structure simple et son intrigue plaisante » réjouiront les lecteurs ordinaires. Mais La méprise n’est pas qu’un simple thriller.
Hermann, le narrateur, écrit : « Si je n’avais pas eu en moi ce talent [d’écrivain], rien du tout ne serait arrivé. » Très vite on s’aperçoit à des petits détails que notre ami est quelque peu dérangé. Mais ce filou d’Hermann écrit fichtrement bien.
Derrière Hermann, il y a la patte du maître es magie Nabokov : « De temps à autre, un nuage escamotait le soleil qui reparaissait comme la pièce de monnaie d’un prestidigitateur. » Nabokov a toujours abordé la littérature comme un art. Et si Hermann Nabokov a raison en écrivant : « Toute œuvre d’art est une imposture », alors La méprise est une formidable escroquerie.
Tout le monde peut se tromper
Critique de Tistou (, Inscrit le 10 mai 2004, 68 ans) - 1 juin 2007
C’est le cas dans « la méprise ».
Le narrateur, puisque c’est lui qui nous raconte l’histoire, rencontre incidemment un homme qui lui semble avoir une ressemblance physique formidable avec lui-même. Il nous le fait comprendre ainsi, le narrateur. Mais Nabokov, lui, se débrouille pour qu’on comprenne bien, dès le départ, qu’il y a un loup, une faille, dans la ressemblance ainsi décrite. Ainsi donc, le narrateur est persuadé avoir trouvé son double, et une idée diabolique germe dans son cerveau ; réaliser le crime parfait en se faisant passer pour mort via son fameux double, de là escroquerie à l’assurance-vie, nouveau départ, …
Nous assistons donc à la germination de l’idée diabolique dans le cerveau du narrateur, en direct puisque c’est le narrateur … Et en même temps, Nabokov sème tous les éléments indispensables pour permettre au lecteur de sentir croître un malaise, de comprendre que la faille entrevue au début est un gigantesque chausse-trappe. Peu à peu, la perception que nous avons du narrateur évolue et nous prenons nos distances. Les distances qu’on peut prendre vis à vis d’un individu « dérangé ».
Dès lors la fin est prévisible, attendue, et elle sera conforme à l’attente. On assiste en fait au mécanisme infernal qui envoie un homme droit dans le mur. Et ça aussi c’est en quelque sorte une constante des ouvrages de Nabokov. L’idée fixe et tous les moyens mis en oeuvre pour son assouvissement concourrent à la déchéance de l’individu.
Une écriture particulière, un style propre à Nabokov, au service d’idées un peu tordues. Un bon moment de littérature.
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