Fontainebleau de Michael Delisle

Fontainebleau de Michael Delisle

Catégorie(s) : Littérature => Francophone

Critiqué par Libris québécis, le 2 octobre 2003 (Montréal, Inscrit(e) le 22 novembre 2002, 82 ans)
La note : 7 étoiles
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La Petite Enfance en banlieue

Michael Delisle est né à Longueuil en 1959, d'une mère native du pays de Galles et d'un père québécois pure laine. Il raconte justement sa petite enfance dans le quartier Fontainebleau à Longueuil. Ses parents habitent un nouveau lotissement, propre à l'essor domiciliaire des années 1960.
Le gamin de quatre ans vit donc au rythme de l'érection des nombreux chantiers de construction. Habile à se faire des amis, il partage leurs activités sur des terrains de jeux improvisés dans les champs en friche. On se reconnaît en eux. Quel malin plaisir les enfants éprouvent-ils quand l'un d'eux acceptent l'invitation de se coller la langue sur du métal en plein hiver! La liste de ces petits malices est longue. Mais le plus drôle, c'est quand une fillette partage un sac de chips (croustilles) avec un copain par la fente de la boîte aux lettres attenante à la porte d'entrée.
Fontainebleau est un roman qui rappelle à sa manière Chien de printemps de Patrick Modiano. Pendant une convalescence, Michael Delisle tente de susciter ses souvenirs à partir de photos qui supportent les engrammes de sa vie, telle la cicatrice laissée par sa chute sur un plancher de terrazo. Et peu à peu, son destin nous apparaît clair. Les relations avec sa mère se précisent. Ce n'est pas la femme la plus maternelle au monde. On la sent déracinée et perdue dans ses pensées, mais elle sait donner l'essentiel à son fils, voire satisfaire son imaginaire en lui racontant, «avec plaisir et des trémolos pour renchérir sur le mélo», des histoires avant de se coucher, en particulier celle de «Ti-Blond, le cheval que le fermier doit finalement abattre par charité chrétienne». Ainsi se dessine une carrière d'écrivain à partir du seul roman français de la bibliothèque d'une localité francophone.
Le plus intéressant de l'oeuvre reste l'écriture. À l'époque, le chroniqueur de La Presse écrivait que c'était «une singulière expérience de littérature»; celui du Voir parlait «d'un rigoureux exercice formel»; et, dans une revue, le romancier André Brochu qualifiait l'écriture de l'auteur de «véritable état de grâce». L'écart entre la prose de Delisle et la poésie est très étroit. C'est une oeuvre qui n'a pas vieilli, car la technique très innovatrice donne des phrases souvent nominales et surtout expéditives comme on peut en lire dans les romans d'aujourd'hui. C'est un rock retenu par un courant poétique pour que l'on puisse prendre le pouls du héros. Le tout se moule à un récit qui emprunte à plusieurs genres. Cette multiplication par contre est beaucoup moins heureuse parce qu'elle crée un manque d'homogénéité en fragmentant la trame romanesque en trop d'éléments. L'unité de l'oeuvre y perd aussi alors que l'auteur voltige des envolées poétiques au langage populaire pour signifier son intégration au monde francophone.
Bref, il innove la facture et l'art d'écrire tout en jonglant avec les niveaux de langue. Son oeuvre est tout indiquée quand on aime se faire décoiffer par la nouveauté. Mais le contenu peut lasser parce qu'il n'éclaire qu'une personnalité naissante au lieu de s'inscrire dans une intrigue.

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