Poisson de Anton Valens

Poisson de Anton Valens

Catégorie(s) : Littérature => Européenne non-francophone

Critiqué par BMR & MAM, le 3 juin 2014 (Paris, Inscrit le 27 avril 2007, 64 ans)
La note : 7 étoiles
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Le rat-des-villes et les loups-de-mer

Encore une histoire de pêcheurs, remontée on ne sait plus trop comment, dans nos filets.
Une histoire de pêcheurs comme celle de ces danois qu'on avait quitté à regret après le Marin américain de Karsten Lund.
Quittons le Danemark mais ne changeons pas vraiment de mer : traversons la baie d’Heligoland pour croiser le bateau du hollandais Anton Valens et voici encore du Poisson.
Encore une histoire de pêche donc mais qui se place cette fois dans un registre bien différent, à la limite du récit d'initiation puisqu'il est question ici d'un artiste un peu désœuvré, fraîchement sorti des beaux-arts, qui embarque avec son copain Fred, presque par hasard, pour une campagne de pêche sur un chalutier qui répond au doux nom de DH731.
Pour autant, Anton Valens ne donne pas du tout dans la mythologie du retour à la nature idéalisé.

[...] Tout indiquait que le poisson n’avait plus de secrets pour lui. Je ne pouvais en dire autant. Quand j'étais gosse, il m'était arrivé de manger une anguille que j'avais moi-même pêchée et tuée, et j'étais allé une fois en Angleterre par ferry-boat. Mon expérience s'arrêtait là.
[…] D'après Fred c'était tout aussi beau quand il pleuvait. "Tout est gris, disait-il, à perte de vue, la mer, le ciel, partout du gris".

Non, c'est tout simplement une histoire banale, celle d'un artiste des villes embarqué sur un bateau de pêche avec trois ou quatre loups de mer ronchons, durs à l'ouvrage, taiseux et pas commodes. C'est le regard d'un citadin sur le métier de ces inconnus que sont les gens de mer.

[…] “Ton espèce, les gens de la ville, vous pensez trop.”

Sans être vraiment bouleversante, l’écriture est légère et fluide et tout cela est empreint d'une ironie douce-amère, d'un second degré pince-sans-rire plutôt bien vu : on sourit souvent aux mésaventures du rat-des-villes embarqué avec les loups-de-mer, car on s’en doute, il y a loin de la peinture à l'huile à l'étripage des poiscailles.
Au fil des jours et des nuits rythmés par les remontées de chalut, on y apprend, comme le héros malgré lui, beaucoup de choses sur les pêcheurs et la pêche, la pêche aux poissons plats : raies, soles, limandes, turbots, ...
On y découvre par exemple que ces poissons plats (réputés pour leurs deux yeux du même côté, n’est-ce pas) ont servi d'argument aux créationnistes :

[...] En deux mots, les anti-darwinistes soutenaient que les poissons plats prouvaient l'existence de Dieu.

Et oui, on savait déjà que manger du poisson rend intelligent, mais alors là ...
Bonne pêche donc.

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