Le roi des mouches, Tome 3 : Sourire suivant de Mezzo, Michel Pirus

Le roi des mouches, Tome 3 : Sourire suivant de Mezzo, Michel Pirus

Catégorie(s) : Bande dessinée => Adultes

Critiqué par Blue Boy, le 29 mai 2014 (Saint-Denis, Inscrit le 28 janvier 2008, - ans)
La note : 8 étoiles
Visites : 3 304 

Sourire grinçant

Eric alias le « Roi des mouches » est devenu sérieusement toxico. Il cherche à échapper à Ringo qui tente de récupérer la drogue qu’il lui avait confiée, jusqu'à ce que celle-ci disparaisse mystérieusement.

Difficile de produire un résumé satisfaisant de ce cauchemar lynchien, où le scénario semble ne passer qu’au second plan, prétexte dérisoire pour mettre en lumière les tares et névroses de notre monde moderne gangrené par la peur et l’égoïsme. Ce troisième tome vient donc conclure cette série extrêmement riche, génératrice de sa propre mythologie ex-nihilo, où chaque plan, chaque personnage, chaque objet, n’apparaît jamais par hasard. Chaque vignette est comme un petit tableau à la composition soignée. On peut parler d’œuvre chorale, où la narration est donnée en voix off à tour de rôle par les protagonistes. Les auteurs poursuivent ainsi leur exploration de cet univers périurbain anonyme, à la voix vaste et clos, où se côtoient cadres épuisés, losers patentés et ados paumés, addicts à toutes les substances chimiques ou alcoolisées procurant l’illusion de s’extirper d’une normalité terrifiante.

Il va sans dire que l’on est face à un chef d’œuvre, mais un chef d’œuvre âpre et exigeant aux accents oniriques qui a nécessité pour moi au moins deux lectures, tant les références (à sa propre imagerie) y abondent et les personnages sont nombreux. Si les textes sont d’une densité littéraire et poétique hors du commun, on ne peut pas vraiment parler de fluidité narrative pour cette même raison, et nul doute qu’une partie des lecteurs seront vite rebutés par la complexité de l’histoire et le glauque des situations. C’est pourtant avec fascination que l’on suivra, à condition d’être un minimum réceptif, les pérégrinations d’Eric, jeune branleur poseur alimentant ses rêves de rock-star avec la dope et les femmes.

Cela étant dit, j’attendais un peu plus de ce dernier épisode, pourtant d’un niveau semblable aux précédents dans sa forme. A vrai dire, je ne sais pas exactement ce que j’attendais, mais étrangement, la sombre beauté dégagée par « Hallorave » et « L’Origine du monde » m’a semblé absente ici. Même en ayant relu ces derniers juste avant, j’ai tout de même mis un certain temps avant de rentrer dans l’histoire, et malgré la fascination qui reste la même, le « bouquet final » en germe depuis le début n’a pas eu lieu d’après moi, comme si l’ennui, thème principal de ce récit au final très nihiliste, sortait vainqueur. Je ne sais pas encore quoi penser de cette fin en queue de poisson assez ambiguë, où l’on ne sait si c’est la soumission au quotidien – dans la langue du Roi des mouches -, ou plus positivement l’acceptation de soi, qui constitue une des clés d’un bonheur de toute façon toujours précaire. Mais peut-être mon avis s’affinera-t-il à la deuxième lecture…

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