Le roi des mouches, tome 1 : Hallorave de Michel Pirus (Scénario), Mezzo (Dessin)

Le roi des mouches, tome 1 : Hallorave de Michel Pirus (Scénario), Mezzo (Dessin)

Catégorie(s) : Bande dessinée => Adultes

Critiqué par Blue Boy, le 28 mai 2009 (Saint-Denis, Inscrit le 28 janvier 2008, - ans)
La note : 10 étoiles
Moyenne des notes : 10 étoiles (basée sur 3 avis)
Cote pondérée : 7 étoiles (1 831ème position).
Visites : 4 416 

Quand l'ordinaire devient extraordinaire

Attention, la lecture de cette BD équivalant quasiment à une prise de psychotropes, je conseille donc aux âmes sensibles de s’abstenir, à moins d’être disposées à pencher la tête « de l’autre côté du miroir » du quotidien… Quant aux plus curieux (les chanceux !), ils sauront j’en suis sûr apprécier ce pur bijou graphique et littéraire.

L’histoire commence sur un fait divers plutôt banal, mais en forme de mauvais trip à l’acide: une rave party, des teufeurs, une bagarre, une chasse à l’homme, une nationale et puis l’accident ! C’est ainsi qu’Eric, dit le « Roi des mouches », sera témoin de l’accident mortel de son ami au moment même où il s’envoie sa copine dans un buisson à l’écart de la route. Difficile de faire plus glauque comme début… S’ensuit alors une plongée saisissante dans le quotidien de personnages tous aussi paumés les uns que les autres sous les apparences de la normalité, dans ce qu’on peut qualifier de « BD chorale »…

L’environnement dans cette histoire est un personnage à lui seul. Géographiquement parlant, aucun nom de ville ou de lieu n’est jamais cité, on devine que cela se passe dans une banlieue résidentielle du monde occidental, comme on pourrait en trouver à Cincinnati, Francfort ou Maubeuge. Les auteurs ont parfaitement dépeint l’anonymat de ces zones urbaines déshumanisées où se côtoient cités dortoirs et centres commerciaux sans âme, repères d’ultra modernes solitudes… C’est dans ce cadre d’une médiocrité confinant à l’ennui que l’on voit évoluer plusieurs personnages prisonniers d’un quotidien sclérosant, tentant de survivre à l’aide d’artifices, des personnages tous étrangers à leur monde, aux autres et à eux-mêmes. Où, sous le calme des apparences, affleure une folie incandescente, régulièrement en proie à de violentes éruptions. Par un trait incisif et élégant allié à une écriture superbe digne des meilleurs romans noirs, Pirus et Mezzo, en Hopper de la BD sous LSD, font une peinture au scalpel de leurs personnages, tout en faisant ressortir l’étrangeté absolue de nos sociétés modernes, et plus largement de la vie tout court. Leur projet est conduit d’une main de maître, avec constance et détermination, donnant l’impression de savoir exactement où ils vont, et nous emmènent avec eux de l’autre côté d’un miroir pas très reluisant que l’on est enchanté d’avoir osé traverser… Car après une telle lecture, le monde ne peut plus jamais être le même. « Le Roi des mouches » fait partie de ces œuvres dont la poésie vous submerge et qui vous hantent longtemps après les avoir refermées…

En ce qui me concerne, j’ai été complètement envoûté par cette histoire métaphysique, trip sombre voire glaçant au premier abord, mais qui comme toutes les œuvres au noir, laisse entrevoir des scintillements apaisants. Jusqu’à la fin, j’ai dégusté chaque page, chaque case et chaque bulle. Je ne peux rien ajouter de plus, si ce n’est que je suis comblé d’avoir découvert une telle merveille. Avec mes mots dérisoires face à un tel chef d’œuvre, pour lequel faire un résumé n’aurait aucun sens, je me suis juste efforcé de faire partager le plaisir que j’ai eu en le lisant.

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Un monde étrange et fascinant

9 étoiles

Critique de Hervé28 (Chartres, Inscrit(e) le 4 septembre 2011, 54 ans) - 14 janvier 2012

Très peu de bandes dessinées peuvent se targuer de m'avoir autant pris aux tripes. Acheté sur les conseils d'un ami, j'ai été véritablement emballé par cet album. Tout d'abord coup de chapeau à Albin Michel, qui édite un objet de qualité (à l'image des albums de Marniquet alias Gauthier).
La couverture, sobre et peu explicite, attire naturellement l'œil. Mais "le roi des mouches" ne se résume pas à cela, non. C'est noir, c'est malsain, c'est glauque mais pourtant que c'est bien. Une véritable étude scientifique sur un microcosme d'individus désœuvrés et sans morale. Pirus nous décrit un monde noir, découpé en une dizaine de chapitres où histoires et personnages se croisent et se recroisent, un véritable puzzle de 62 pages. La forme narrative choisie (que des monologues, exceptés quelques dialogues vers la fin) accentue ce sentiment d'assister à une enquête sociologique sur les habitants d'une ville paumée. En plus, le dessin de Mezzo est beau, précis, et les personnages sont souvent face à nous (comme à une caméra), comme s'ils répondaient à une interview. Malgré le malaise qui se dégage du livre, on s'attache à cette bande de désœuvrés. Un livre étrange, dérangeant, très dense et surtout excellent. Une découverte pour moi en tout cas.

Trip acidulé

10 étoiles

Critique de Oguz77 (, Inscrit le 24 novembre 2009, 46 ans) - 11 décembre 2009

Je ne sais que dire après la critique de Blue boy tant elle représente le sentiment si particulier que m'inspire cette bande dessinée.
Moi aussi, je me sens hanté par cette lecture, et le fait de rouvrir quelques pages pour en faire la critique me replonge dans cette expérience singulière (et jouissive) que fût sa lecture.
Cette Amérique des années 70, cette adolescence paumée et expérimentale, on retrouve les ingrédients qui ont fait le succès du "Black Hole" de Charles Burns. Et les deux tomes du Roi des mouches ne sont pas sans nous rappeler la proximité des deux œuvres. Mezzo et Pirus ont, cependant, pour eux un rythme et une trame toute particulière (le découpage en épisodes) ainsi qu'un traitement de la couleur, dans les teintes verdâtres et violacées, plus proche de l'hallucinogène que de la réalité.
Encore une fois, je te rejoins, Blue boy, pour qualifier cette BD de chef d'oeuvre.

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