Le chant du sabre de Kim Hoon
Le sabre et les canons
En Corée à la fin du XVIème siècle, l’amiral Yi Sun Shin, après avoir été dégradé pour avoir désobéi aux ordres du roi qu’il jugeait absurdes, est finalement réhabilité. Il faut dire que les Japonais, qui ont l’ambition de conquérir la péninsule coréenne, viennent d’écraser les coréens au cours d’une bataille navale. Ayant annihilé toute résistance, l’armée japonaise est sur le point d’envahir le pays. Yi Sun Shin est le seul qui apparaît peut-être encore capable de barrer la route à l’ennemi. Mais en sera-t-il capable, vu l’état pitoyable de ce qui reste de la marine royale coréenne ?
Le roman est abord le récit historique de la « Guerre de Sept ans », au cours de laquelle le Japon, de 1592 à 1598, tenta de soumettre le royaume de Corée. La particularité de ce conflit est que le sort des armes se joua essentiellement sur mer. Le récit, à travers un ton assez froid, presque comptable, décrit les batailles navales, les stratégies utilisées, l’importance fondamentale de la logistique et du surtout du ravitaillement. J’avoue avoir été surpris par la modernité de cette guerre. Elle s’avère ne rien avoir à envier aux affrontements navals européens de la même époque, notamment par l’ampleur des flottes concernés (plusieurs centaines de navires) et la place centrale des armes à feu, aussi bien canons que fusils.
Roman de la guerre, de la vie et de la mort, « Le Chant du Sabre » est tout entier porté par la narration de l’amiral Yi Sun Shin. Personnage singulier, c’est un professionnel de la guerre qu’on pourrait presque trouver dénué d’humanité face aux cruautés engendrés par le conflit. Mais ne nous y trompons pas. Malgré la retenue de ses propos il est pourtant absolument conscient, au fond de lui-même, du non-sens fondamental de cette macabre comédie. Cette dualité en fait un individu constamment en proie au doute, écrasé par son destin.
La vie et la mort se mêlent intimement dans le contexte des combats, mais aussi dans les forces de la nature et le cycle des saisons, extrêmement présentes dans le livre. Elles s’avèrent parfois hostiles (les courants marins, les tempêtes, les épidémies) ou bien au contraire généreuses, permettant alors aux hommes et aux soldats de se nourrir (un chapitre entier est consacré à l’importance et la sacralité des repas). La nature impose bien souvent ainsi le rythme des combats et inspire à l’amiral une sorte de poésie mélancolique qui vient nourrir la gravité et la tristesse du récit.
C’est donc le constat de la vanité des affrontements entre les puissants et une réflexion désabusée sur la condition humaine qui émerge de ce roman dont j’ai trouvé la lecture assez ardue. En effet, sans aucun héroïsme ni lyrisme particulier, le récit, au style plutôt haché, ne s’avère pas particulièrement avenant, malgré une incontestable qualité d’écriture. De nombreux retours en arrière, d’incessantes références à la géographie coréenne (en particulier le nom des îles côtières et des ports), certains passages pas très clairs rendent le fil de l’histoire parfois difficile à suivre.
Il n’en demeure pas mois que ce « Chant du Sabre » est un roman profond et marquant. Ce sabre, sur lequel Yi Sun Shin fait graver une terrible devise (« Quand le sabre est passé / rivière et montagne teinte de sang ») est comme le miroir déchiré de l’âme de l’amiral, élevant un chant funèbre à ceux qui sont tombés aux combats.
Les éditions
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Le chant du sabre
de Hoon, Kim Young-Nan, Yang (Traducteur)
Gallimard
ISBN : 9782070777068 ; 22,90 € ; 23/02/2006 ; 336 p. ; Broché
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extrait, information et remarque | 15 | Fanou03 | 14 décembre 2015 @ 17:43 |