Malabourg de Perrine Leblanc

Malabourg de Perrine Leblanc

Catégorie(s) : Littérature => Francophone

Critiqué par Libris québécis, le 10 mai 2014 (Montréal, Inscrit(e) le 22 novembre 2002, 82 ans)
La note : 8 étoiles
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Un parfum contre la mort

La Gaspésie se prête bien à l’art romanesque. C’est une région intrigante à cause de son éloignement et fort peu populeuse que les jeunes quittent d’ailleurs pour mener leur vie d’adulte. Le travail y est rare et saisonnier. Ce sont en majorité des pêcheurs, qui sillonnent la mer sur un court laps de temps à cause des glaces.

L’auteure y a installé le décor de son roman en considération pour sa mère, native d’un village sis au sud de la péninsule gaspésienne que baigne la Baie-des-Chaleurs. C’est à Malabourg que le roman déploie sa trame. Ce village fictif rappelle Carleton avec ses écoles primaire et secondaire, son église érigée aux confins de la municipalité et la réserve indienne située à proximité. Le contexte géographique laisse croire qu’il s’agit d’un milieu paisible où il fait bon vivre. Il se définit en termes majestueux avec sa baie qui se jette dans la mer, ses montagnes qui entourent le village et sa nature luxuriante, dont les sorcières d’aujourd’hui tirent mille philtres et aromates miraculeux. L’atmosphère est imprégnée d’odeurs qui participent à l’hommage que l’on réserve à l’univers féminin grâce au talent d’Alexis, un parfumeur originaire du village.

Derrière des apparences presque célestes rôde un loup en quête de proie. Trois jeunes femmes, comme le petit chaperon rouge, croisent cet ogre pour leur plus grand malheur. Pas de chasseur à l’horizon pour les secourir. L’hiver dispose du corps des victimes, mais le printemps les tire de leur linceul de glace. En fait, le lecteur est plongé dans l’univers des contes qui indiquent les pièges que l’on tend aux âmes bien intentionnées. L’auteure choisit d’ailleurs le passé simple pour apparenter son œuvre au genre. Seule la fuite assure le salut de ceux et celles qui survivent si le suicide ne vient pas rompre avant des destinées prometteuses.

Pour le second volet, le roman transporte ses pénates à Montréal. Avec Nina qui a suivi Alexis pour entreprendre des études supérieures, ce dernier est en quête d’une essence qui saurait rendre à la femme le tribut qui lui est dû. Une vengeance en somme de la mort de trois Malabourgeoises. Même si l’œuvre est un clin d'oeil au Parfum de Patrick Süskind, le cadavre de l’être aimée n’entre pas dans la composition du produit qui exalte l’odorat. L’amour ne se conjugue pas avec la mort pour une réincarnation sudorifique, qui témoignerait éternellement d’une liaison amoureuse. L’auteure projette plutôt son œuvre dans un monde qui protégerait une destinée vécue au féminin. C’est le présent de l’indicatif qui assume ce vœu à travers un florilège d’odeurs, témoins de la moitié d’une humanité souvent reléguée comme quantité plus ou moins négligeable.

La démonstration est éminemment poétique. Mais Perrine Leblanc ne perd jamais de vue que ce sont des humains qui subissent les soubresauts de la vie même dans les bleds perdus. Comme pour L’Homme blanc (Kolia en France), projeté prochainement à l’écran, elle manifeste un intérêt particulier pour les tristes pierrots. Et pour chacun, elle laisse prévoir un avenir meilleur. C’est bien écrit, mais les transitions sont souvent abruptes. Par contre, le second volet est d’une réussite totale.

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