Pour en finir avec le jugement de Dieu, suivi de " Le Théâtre de la Cruauté" de Antonin Artaud

Pour en finir avec le jugement de Dieu, suivi de " Le Théâtre de la Cruauté" de Antonin Artaud

Catégorie(s) : Théâtre et Poésie => Théâtre

Critiqué par Catinus, le 10 septembre 2003 (Liège, Inscrit le 28 février 2003, 73 ans)
La note : 8 étoiles
Moyenne des notes : 7 étoiles (basée sur 4 avis)
Cote pondérée : 5 étoiles (27 102ème position).
Visites : 7 970  (depuis Novembre 2007)

Artaud le Mômo

Le 28 novembre 1947, à la Radio-diffusion française, Antonin Artaud enrégistre un texte en compagnie de Roger Blin, Maria Casarès et Paule Thévenin. Cette lecture est en fait une bombe à retardement. " A prendre la chose en bloc, on aura l'impression d'un travail chaotique et non suivi " dixit Artaud. Il se compose de trois parties : La première est d'une étonnante actualité. On peut y trouver la dénonciation de l'eugénique, du clonage,de l'o.g.m., de la déjà toute haute puissance des USA. La deuxième est du type existentialiste, mais au ras de la terre. On y découvre "la recherche de la fécalité " et la dénonciation des méfaits des divinités : dieu, le christ. La troisième est le cri d'un être humain déchiré, suffoqué, pessurisé. La voix d'Antonin Artaud,enrégistrée et diffusée sur les ondes, est au-delà de toute émotion imaginable ... Il s'agit d'une " incantation avec tambour et xylophonies " Elle se termine par ces mots : " L'homme est mal construit (...) Il faut se décider à le mettre à nu pour lui gratter cet inimalcule qui le démange mortellement : dieu et avec dieu, ses organes (...) Alors vous lui réapprendrez à danser à l'envers comme dans le délire des bals musette et cet envers sera son véritable endroit. " Un texte qu'il faut lire, relire, écouter la voix d'Artaud et de ses amis, ré-écouter, sans fin, comme un bréviaire . Un des psy. d'Antonin Artaud a dit : " C'était un grand fou, un grand délirant ". Bernard Shaw, lui, nous rappelle : " Laissons faire les fous, voyez où les sages nous ont conduit ! " Outre une préface, ce livre de Gallimard nous propose une remarquable correspondance d'Artaud, des états préparatoires, diverses notes et " Le Théâtre de la Cruauté ". Belles approches pour un attérrissage dans un monde qui nous est, pour la plupart d'entre nous, totalement inconnu.

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Les éditions

  • Pour en finir avec le jugement de dieu [Texte imprimé] Antonin Artaud présentation d'Évelyne Grossman
    de Artaud, Antonin Grossman, Évelyne (Préfacier)
    Gallimard / Collection Poésie (Paris. 1966)
    ISBN : 9782070427338 ; 9,50 € ; 01/07/2003 ; 240 p. ; Poche
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La voix d'Antonin Artaud dans " Pour en finir avec le jugement de Dieu "

9 étoiles

Critique de Catinus (Liège, Inscrit le 28 février 2003, 73 ans) - 18 septembre 2005

Voici donc l'enrégistrement original d'Artaud :

http://joe.apo33.org/sons/important_auDio/…

Une émission qui a fait du bruit ou le dernier cri d'un corps

7 étoiles

Critique de Kinbote (Jumet, Inscrit le 18 mars 2001, 65 ans) - 7 août 2005

Ayant appris, rumeur ou vérité, qu’on demandait aux enfants des écoles américaines un peu de sperme afin de le garder en vue d’expériences futures d’insémination artificielle, Artaud vilipende l’hégémonie et la propension guerrière des Etats Unis..
On y lit des paroles surprenantes et comme prophétiques : « Pour défendre cet usinage insensé contre toutes les concurrences qui ne sauraient manquer de s’élever de toutes parts, il faut des soldats, des armées, des avions, des cuirassés... » Artaud voit dans ce totalitarisme économique des Etats Unis une résurgence de l’impérialisme guerrier de l’Amérique qui extermina le peuple indien. Il oppose d’ailleurs à la civilisation américaine le peuple des Taramuharas.
« Là où ça sent la merde/ ca sent l’être./ L’homme aurait très bien pu ne pas chier,/ ne pas ouvrir la poche anale,/ mais il a choisi de chier/ comme il aurait choisi de vivre/ au lieu de consentir à vivre mort. »
Là où à première lecture (à défaut d’écoute) on pourrait ne voir qu’un suite d’obscénités et une volonté exclusive de provoquer, il faut comprendre qu’Artaud stigmatise justement cette propension par trop humaine à la fécalité, au sexe (« L’infâme vie sexuelle est derrière les libres expansions de l’esprit »), au sang (plutôt qu’à l’os), à l’organicité, alors qu’il rêve pour l’homme d’autres fonctions, d’une vie psychique autre, délivrée de la vie organique ou de retrouver sa « cohésion première ». Artaud parle de corps sans organes.
« Le corps humain a besoin de manger, mais qui a jamais essayé autrement que sur le plan de la vie sexuelle les capacités incommensurables des appétits ? » On pense à cette proposition de Spinoza : « On ne sait pas ce que peut un corps. » Artaud toujours : « L’homme ordinaire ne sait pas jusqu’à quel point le vice d’avoir un corps et de se servir de ce corps peut aller. Il ne sait pas comment on utilise son corps. » « La réalité n’est pas achevée, elle n’est pas encore construite », clame-t-il.
Ce qu’on peut relier à cette autre déclaration, bien des années avant Debord ou Baudrillard: « Il n’est rien que j’abomine et que j’exècre tant que cette idée de spectacle, de représentation, donc de virtualité, de non-réalité. Attachée à tout ce qui se produit et que l’on montre. » Ou dans le même ordre d’idée : « Vous faites la queue pendant des heures au cinéma, l’hiver, sous la pluie, pour voir des films imbéciles. » Ou encore : « Le corps humain est une pile électrique chez qui on a châtré et refoulé les décharges, dont on a orienté vers la vie sexuelle les capacités et les accents alors qu’il est fait justement pour absorber par ses déplacements voltaïques toutes les disponibilités errantes. »
Il va jusqu’à laisser entendre que la vie infectieuse, les maladies qui affectent les organes le font parce que l’homme est trop attaché à son corps et n’a pas réussi à déplacer la force de vie ailleurs : « On a fait manger le corps humain, on l’a fait boire pour s’éviter de le faire danser. Tout cela est pour l’instant sexuel et obscène parce que cela n’a jamais être travaillé et cultivé hors de l’obscène. » Il lance cette expression : « Faites danser enfin l’anatomie humaine ». Et c’est par le « théâtre de la cruauté » qu’il estime pouvoir y parvenir.

L’émission enregistrée et prévue pour le 2 février 1948 à 22 h 30 fut interdite de diffusion la veille même par le directeur de la Radiodiffusion française. Sa diffusion ne fut pas reportée contre l’avis du directeur des programes (qui démissionna ensuite) et d’un aréopage d’intellectuels de renom parmis lesquels JL Barrault, Cocteau, Eluard, Queneau.... Antonin Artaud mourra un mois plus tard à la Salpêtrière. Il était atteint d’un cancer inopérable au rectum. Il termine l’émission, où tout le bruitage fut assuré par ses soins, par cette question qui résonnera comme une épitaphe. « Qui suis-je ?/ D’où je viens ?/ Je suis Antonnin artaud et que je le dise/ comme je sais le dire/ immédiatement vous verrez mon corps actuel/ voler en éclats/ et se ramasser sous dix mille aspects/ un corps/ où vous ne pourrez / plus jamais m’oublier « C’est fait, et ce qu’il dénonçait alors n’a guère cessé depuis.



Sa haine ?

5 étoiles

Critique de MOPP (, Inscrit le 20 mars 2005, 88 ans) - 21 mai 2005

Sans a priori, ne connaissant rien au sujet d'Antonin Artaud, j'ai abordé ce livre. Je ne reprendrai pas les détails déjà énoncés en ce texte autrefois censuré. La poésie serait pour l'auteur "une autodévoration de rapace", alors que sa poésie-théâtre (collective) serait une poésie-force, une incantation, une sorte de messe noire, la poésie d'un poète-mage-fou-grand malade-maudit, une poésie de la fécalité, de l'obscène repas...

En lisant ce texte, j'ai été à la fois ému et apeuré, et j'en sors K.O.

"cobra ja
ja futsa mata"
(page 174)

"Connaissez-vous quelque chose de plus outrageusement fécal
que l'histoire de dieu
et de son être : SATAN,
la membrane du coeur
la truie ignomineuse
de l'illusoire universel
qui de ses tétines baveuses
ne nous a jamais dissimulé
que le Néant ?"
(page 65)

(page très cool)

Et les derniers mots d'Artaud, retrouvé mort :

"de continuer à/ faire de moi/ cet envoûté éternel/"

Hélàs, ce texte m'a secoué...

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