Une histoire, II : Toute une vie bien ratée de Pierre Autin-Grenier

Une histoire, II : Toute une vie bien ratée de Pierre Autin-Grenier

Catégorie(s) : Littérature => Francophone

Critiqué par Dirlandaise, le 1 mai 2014 (Québec, Inscrite le 28 août 2004, 69 ans)
La note : 9 étoiles
Moyenne des notes : 9 étoiles (basée sur 2 avis)
Cote pondérée : 6 étoiles (13 268ème position).
Visites : 3 635 

La vaine quête du bonheur

Pierre Autin-Grenier est mort le 12 avril 2014. J’ai déniché cet auteur je ne sais plus bien où mais je suis enchantée de cette découverte. J’aime bien ce genre d’écrivain racontant son quotidien avec un humour et une dérision savoureux. Pierre Autin-Grenier était de ceux-là, ces hommes qui abdiquent devant le travail et considèrent que tout cela est parfaitement inutile. Alors ils voguent au gré des jours, flemmardant, s’accoudant au zinc des cafés et discutaillant avec les copains pendant des heures et des heures, refaisant le monde, rêvant d’être quelqu’un d’autre, de vivre ailleurs libres et heureux. Car c’est le bonheur qu’ils recherchent avant tout sans jamais le trouver. Tiens cela me fait songer à une phrase de Michel Houellebecq insérée sur une des pages de garde de ce livre : « N’ayez pas peur du bonheur : il n’existe pas. »

Donc, dans ce livre, l’auteur, le poète comme il se qualifie lui-même, déroule son quotidien avec une verve assez réjouissante mais tout de même, le fond demeure très triste et pathétique. Certains textes prêtent à sourire alors que d’autres sont effroyablement durs et navrants comme lorsqu’il écrit sur sa mère vivant dans une maison pour femmes seules et ayant peur de lui lorsqu’il lui rend visite. Il commence d’ailleurs son texte avec cette phrase sinistre : « Me voici arrivé à l’âge où enfin ma mère a peur de moi. » C’est un texte d’une infinie tristesse qui restera longtemps gravé dans ma mémoire. J’ai éprouvé un serrement de cœur en le lisant. Plus loin il écrit : « C’est du passé que je viens lui parler le plus souvent, l’avenir est trop connu. J’évoque l’enfance en lambeaux qu’elle m’a tricotée, j’interroge en juge d’instruction sur la disparition de mon père. « Laisse-moi maintenant. » Comme j’insiste, elle s’embourbe dans des mensonges anciens qu’elle mélange à de plus récents ; elle s’enfonce, s’enlise dans l’angoisse. Lessivée, elle parvient à s’allonger, déformée et toute de traviole sur son divan ; c’est un lavis tragique d’Egon Schiele aperçu jadis à l’Albertina de Vienne. C’est de ce charnier que je viens, pour tenter sans espoir de gagner les étoiles. » Ouf…! Un des textes les plus tristes que j’aie lus à date.

Heureusement, tous ses textes ne sont pas aussi noirs. Il arrive à rire de lui-même ce qui le rend plutôt sympathique.

Un auteur à lire donc pour son style mais aussi pour ses propos qui, sous des dehors comiques, laissent percer une philosophie profonde et touchante.

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Les éditions

  • Toute une vie bien ratée [Texte imprimé], récits Pierre Autin-Grenier
    de Autin-Grenier, Pierre
    Gallimard / L'Arpenteur (Paris. 1988)
    ISBN : 9782070749324 ; 7,72 € ; 14/10/1997 ; 128 p. ; Broché
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Et on appelle ça un "écrivain des petits riens" !!!

9 étoiles

Critique de Poisson-Chat (, Inscrit le 12 février 2011, 52 ans) - 5 mai 2014

Au décès de Pierre Autin-Grenier, un article le classait parmi les "écrivains des petits riens", de ceux qui ont fait la célébrité de Delerm. L'intention est louable mais malheureuse car Autin-Grenier ne parle que de l'essentiel : la condamnation à vivre avec la conscience d'être une homoncule dérisoire et qui pourtant ne cesse de penser et de se débattre.

Se revendiquant poète avant tout, Autin-Grenier excelle dans la chronique du quotidien qui dérape et décape. Son écriture est une des plus belles que je connaisse, au point que, parfois, elle parvient quasiment à se passer de ponctuation. Chaque mot est choisi, sans aucune pesanteur pour autant. C'est une langue à lire à haute voix.

Autin-Grenier est un écrivain sensible, c'est-à-dire qu'il n'a pas peur de ses ressentis d'être humain faible, avec la con…erie qui toujours nous guette au coin de la rue ou de notre cerveau, la peur de la mort, les amitiés et les amours qui vacillent… et bien sûr un bon verre de chablis pour faire passer tout ça.

Autin-Grenier compte parmi ces écrivains rares qui soit vous laissent totalement froid, voire vous énervent un chouia, soit vous emportent totalement en vous donnant le sentiment de trouver un frère en l'humanité. "Toute une vie bien ratée" est un livre qui se dévore, et que j'ai lu et relu toujours avec le même plaisir.

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