Coeurs multicolores de Eduard von Keyserling

Coeurs multicolores de Eduard von Keyserling
(Bunte Herzen)

Catégorie(s) : Littérature => Européenne non-francophone

Critiqué par Débézed, le 8 avril 2014 (Besançon, Inscrit le 10 février 2008, 76 ans)
La note : 8 étoiles
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Tragique et triste mais beau

Aux confins de la Prusse et des Pays baltes, en Livonie, au tournant du XIX° et du XX° siècle, le vieux comte Hamilkar Wandl-Dux reçoit son ami le professeur et sa famille au milieu d’une cour de jeunes gens joyeux et plus ou moins amoureux de sa jeune et jolie fille, Billy, âgée de dix-sept ans seulement. Le plus empressé est sans doute le cousin Boris, un aristocrate polonais, qui parvient à convaincre la jeune fille de s’évader du château pour le suivre dans un grand amour. Mais, la belle comprend vite que son amoureux s’abîme dans un romantisme exacerbé et mortifère qui pourrait les conduire à jouer une nouvelle version de la scène funeste interprétée à Mayerling quelques années auparavant par Rodolphe et Marie. Elle parvient à s’échapper et à rejoindre le château où elle doit affronter sa famille et les conséquences de ses actes.

Une belle histoire d’amour champêtre, triste à mourir comme le quatuor à cordes de Schubert : « La jeune fille et la mort », une histoire d’amour empreinte d’un romantisme suranné qui dépeint une société décadente, une civilisation d’un autre temps, un monde en voie de transformation, une classe sociale en cours de disparition. L’auteur connait les événements de son temps et évoque non sans une certaine nostalgie une époque où les princes se tuaient pour l’amour d’une belle, il raconte cette histoire comme on déguste une dernière friandise en finissant le paquet. Le vieux comte a bien compris que son époque était révolue, que la nouvelle génération ne possédait pas les mêmes vertus que la sienne, qu’un temps s’était écoulé et ne reviendrait plus. « Ils sont incapables de vivre. On ne peut pas leur confier cette chose que nous nommons la vie. Une femme de chambre qui se laisse séduire par un palefrenier et s’enfuit avec lui sait ce qu’elle veut, mais ceux que nous élevons, …, sont de petits fantômes ivres qui tremblent du désir de s’échapper et qui, une fois dehors, ne peuvent plus respirer ». Les aristocrates ont capitulé, les masses laborieuses sont prêtes à leur prendre le pouvoir.

On pourrait croire ce livre triste par ce qu’il raconte une histoire triste mais l’auteur ne sombre pas dans un romantisme désespéré, il croit en un autre monde, « la mort, cher professeur, …, reste pour nous incompréhensible parce que nous la mesurons à l’aune de la vie ». Ce que la belle Billy avait bien compris, elle contemplait « avec des yeux fiévreux le coucher du soleil avec dans son sourire le même impérieux espoir ».

Quel plaisir de pouvoir lire de temps en temps ces vieilles histoires empreintes d’un romantisme germanique débordant et de déguster ces textes écrits dans la belle langue que nous ne trouvons plus très souvent dans les textes qu’on propose à notre lecture. « Le tragique est triste, mais triste comme ses yeux, triste mais magnifique, plus beau que tout ce qui est gai ».

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