La bibliothécaire et l'américain de Sylvie Gagnon

La bibliothécaire et l'américain de Sylvie Gagnon

Catégorie(s) : Littérature => Francophone

Critiqué par Libris québécis, le 11 août 2003 (Montréal, Inscrit(e) le 22 novembre 2002, 82 ans)
La note : 6 étoiles
Visites : 3 200  (depuis Novembre 2007)

Des jumeaux dépareillés

Avec son premier roman, Sylvie Gagnon offre un ouvrage digne de mention. Elle trace le portrait de Blanche, une femme de la trentaine qui ne s'aime pas parce qu'elle se considère comme une sauvageonne. Elle voudrait être transparente afin que personne ne la voit. Son travail de bibliothécaire rencontre son objectif, car elle est confinée au rangement des livres sur les rayons.
C'est rare que l'on aborde le thème de la femme «reject». évidemment, le manque d'assurance incite l'entourage à accroître l'estime de soi aux dépens de ceux qui se mésestiment. Souffre-douleur de ses collègues, Blanche s'évapore entre les rayons de la bibliothèque, où elle développe un don qui compense ses malheurs. À entendre les chuchotis des étudiant(e)s et des professeurs, qui ne la voient pas, elle en arrive à lire assez justement dans les consciences. En fait, son don la dessert plus qu'autre chose. Mais au moins, elle peut devancer la pensée d'autrui avant qu'elle ne s'exprime, comme celle de sa supérieure qui a prévu la congédier.
Cependant elle a toujours tenté d'améliorer son sort. Elle a joint les rangs d'une secte pour laquelle elle devait s'astreindre aux tâches les plus humbles pour se grandir selon le gourou, qui profitait de sa situation pour engrosser les membres féminins du mouvement. Lorsque les installations furent détruites par un incendie dans lequel a péri son enfant, elle devint bibliothécaire, mais cette époque de sa vie l'a marquée à tout jamais. Ainsi effarouchée, elle n'attire pas les hommes. Elle compte quand même trois amis, dont l'un d'eux fait l'objet de la deuxième partie du roman.
Y optant pour un nouveau narrateur, anonyme celui-là, l'auteure raconte la vie d'Alan, un Bostonnais, qui s'amène à Montréal pour trouver ses parents biologiques. Pendant cette odyssée, il vérifie ses jugements sur un peuple qui n'a pas très bonne réputation en Amérique. C'est le temps d'enrichir ses préjugés, l'auteure les étale tous. Devenu professeur au Québec, le prof Alan « aurait trouvé des origines autochtones intéressantes, passionnantes même, mais être canadien-français, non. Il n'arrive pas à s'imaginer comment il pourrait s'identifier à ces perdants nés, ces petits frustrés de l'histoire, qui se prennent pour le nombril de leur monde et essaient de refaire l'histoire à l'envers, tout en se faisant du capital politique sur le dos des minorités.» Peu à peu, il apprend à mieux connaître les Québécois. Malheureusement ses parents sont déjà morts, mais sa soeur jumelle vit à Montréal. Comme cette découverte enraie ses malaises existentiels, il retourne à Boston avec la bibliothécaire congédiée en même temps que lui de la même institution. Elle trouve ainsi son équilibre et renoue avec son métier dans la vie natale de son sauveur.
En somme, ce sont des gens de 30 ans qui tentent de combler leurs carences. Le dénouement inattendu scelle l'atteinte de leurs objectifs dans un happy end maladroit, qui numérote au crayon feutre les dernières pièces du puzzle. Cet empressement pour terminer ce roman pas assez
homogène gâte un peu la sauce. C'est quand même intéressant, en particulier pour les états d'âme décrits avec aisance grâce à une écriture qui a conservé le charme de l'oralité tout en restant normative.

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