Cinq femmes chinoises de Chantal Pelletier
Catégorie(s) : Littérature => Francophone
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Wuqiaoban: un tangram à 5 pièces
Si l’ère maoïste a considérablement détruit les relations traditionnelles dans la famille, elle a imposé d’autres cadres. Avec le développement économique vertigineux, les femmes tentent de tirer leur épingle du jeu. Certaines adoptent une stratégie matrimoniale, qui leur fait préférer pleurer dans la Rolls de leur conjoint plutôt que rire sur le vélo de leur mari (expression authentique).
Ici toutes les femmes adoptent une vie très autonome et essaie de maîtriser le mouvement de la roue de la fortune.
« À vingt-cinq ans, Mei est une femme indépendante qui parle anglais, japonais, s’est offert des voyages organisés à Macao, Qingdao, a rendu visite à Daxia une fois à Hong Kong, une fois à Pékin. Pour le reste, Mei guette l’occasion sans la trouver. Les hommes la veulent mais elle ne les veut pas. Elle les supporte une nuit, deux nuits, pas davantage. Trop suffisants, pressés, moches ».
Ces cinq femmes ont des âges très différents, elles vivent aux cinq points cardinaux de l’Empire du milieu (où justement le milieu est un élément qui s’ajoute aux quatre autres). Toutefois par le sang ou le sentiment elles sont liées ensemble.
"Les dix saisons de Pékin" montrent l’aspect extérieur de la société chinoise alors que "Cinq femmes chinoises" est un livre qui évoque l’univers intime de personnages. Il est conseillé de lire ces deux ouvrages ensemble car ils se complètent bien pour une approche de la Chine du début du XXIe siècle.
Les éditions
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Cinq femmes chinoises [Texte imprimé], roman Chantal Pelletier
de Pelletier, Chantal
Joëlle Losfeld / Littérature française (Paris. 2004)
ISBN : 9782072483424 ; 14,90 € ; 07/02/2013 ; 136 p. ; Broché
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Vies entrecroisées
Critique de Poet75 (Paris, Inscrit le 13 janvier 2006, 68 ans) - 25 mars 2020
La romancière a d’ailleurs réussi un véritable tour de force en faisant s’entrecroiser ces cinq vies. Chacune des femmes est en lien, même lointain, même fugitif, mais aussi, dans certains cas, beaucoup plus durable, avec les quatre autres. Chacune également, à sa manière, se trouve confrontée aux bouleversements de la société chinoise et s’efforce de s’y adapter.
Cela commence avec Xiu, née en 1957, qui, dès l’âge de quatre ans et demi, est enrôlée dans une école de gymnastique. La discipline extrême qui lui est imposée lui forge un caractère d’acier et une volonté de fer. Et Dieu sait si elle en a besoin, tout au long d’un parcours chargé d’épreuves, entre autres du fait de son premier mari, un docker buveur et violent.
Vient ensuite Daxia, née en 1979, qui n’est autre que la fille de Xiu. Confrontée à l’alcoolisme et à la violence de son père, elle se réfugie souvent du côté du fleuve qui traverse sa ville. Elle aussi doit se durcir et, ayant entrepris des études d’architecture, tout faire pour gagner son indépendance financière. Son parcours n’est cependant pas dénué de péripéties périlleuses, en particulier lorsqu’elle prend pour amant un Ouïgour, autrement dit un musulman, considéré comme ennemi, voire terroriste potentiel, par les Chinois.
La troisième des femmes racontées par Chantal Pelletier se nomme Mei, elle est née en 1981 et s’est liée d’amitié avec Daxia durant son enfance. Son cheminement diffère cependant de celui de cette dernière, les amies se séparent et, quand elles se retrouvent, bien des années plus tard, leur entente n’est plus au beau fixe. Mei cherche, à tout prix, à sortir de sa condition, ce qu’elle réussit, après avoir travaillé dans un hôtel où elle s’autorisait même des extras tarifés d’ordre sexuel, en s’attachant à Fang, la patronne de Daxia, jusqu’à devenir son amante.
La quatrième, précisément, c’est Fang, née en 1960 à Canton. Marquée par les morts violentes de son grand-père et de ses parents, coupables de n’avoir pu s’adapter au renouvellement de la Chine, elle ne doit son salut qu’à un oncle parti au Canada et qui lui paie des études à Hong Kong. Sa vie, cependant, reste semée d’épreuves : la disparition de son fils Cheng, le suicide de son mari Bai, l’indiscipline de sa fille Yanyan. Elle ne trouve un peu de consolation que lorsque, s’étant découverte homosexuelle, elle commence une idylle avec Mei.
Enfin, la cinquième femme se nomme Baoying et elle est née en 1970 à Pékin. Son enfance est marquée par sa passion pour la cuisine, son père tenant un restaurant qu’elle espère pouvoir un jour reprendre à son compte. Mais les choses ne se passent pas comme prévu et, à la mort de son père, elle est chassée. Elle connaît, dès lors, des jours et des mois de misère, jusqu’à ce qu’elle rencontre Dewei, un ami de son père qui lui vient en aide et qu’elle épouse, ce qui fait d’elle la belle-sœur de Fang.
En racontant ces vies, la romancière nous fait entrevoir quelques réalités de la Chine moderne, vues du côté des femmes. Des vies jalonnées de souffrances qui endurcissent les caractères et qui obligent, d’une certaine façon, à se dépouiller de tout sentimentalisme pour ne songer qu’à « réussir » sur le plan matériel, là où, la plupart du temps, les parents, par la force des choses, ont échoué. Cela n’empêche pas, cependant, les relations de cœur, et même les prises de risque, que ce soit lors d’une liaison avec un Ouïgour ou lors des amours homosexuelles de deux de ces femmes, pratique qui pourrait leur causer de gros ennuis. On notera aussi le soin avec lequel Chantal Pelletier introduit dans ces récits les événements survenus en Chine au cours de tant d’années. Il est question, entre autres, des épidémies que durent affronter, à deux reprises, les Chinois, bien avant la pandémie de coronavirus que nous connaissons aujourd’hui. Les Chinois avaient eu à gérer, en 1997, l’épidémie de grippe aviaire puis, 6 ans plus tard, celle du SRAS. Lors de cette dernière, à Hong Kong, Chantal Pelletier nous l’apprend, les habitants avaient découvert une nouvelle forme d’altruisme, que nous devons nous appliquer à nous-mêmes en pleine crise du coronavirus : « Craignez-vous les uns les autres » ! Ce qui ne contredit pas l’amour du prochain, puisque l’aimer, c’est précisément, en ce moment, se tenir éloigné de lui.
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