Le dictateur et le hamac de Daniel Pennac
Catégorie(s) : Littérature => Francophone
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« (.) dans la vie, ce ne sont pas les signes qui manquent, c’est le code ».
On peut commencer à parler de ce bouquin comme le fait la 4 de couverture : « Ce serait l'histoire d’un dictateur agoraphobe qui se ferait remplacer par un sosie ». Mais ce serait dénaturer la portée de ce roman (qui, pourtant, nous dit bien que les dictateurs et autres hommes politiques se font TOUS remplacer par des sosies à peine ressemblants ; il est vrai que nous-mêmes, au moment d'aller voter.).
Pennac nous raconte une histoire et il annonce la couleur : je vous raconte une histoire. On trouve cela chez bien d'autres écrivains et c'est toujours aussi rassurant ; on se dit : « Tiens ? Un auteur qui me traite en adulte ». Et un écrivain un peu catalogué pour jeunes qui traite les gens en adultes, moi je dis qu'il est bon pédagogue.
En même temps que nous suivons l'histoire de notre dictateur, nous sommes conviés à feuilleter les notes de l’auteur : ses souvenirs, ses rêveries, tout ce qui d’une manière ou d'une autre va nourrir son roman. C'est délicieux. Bien plus intéressant que les ogres, les fées et les carabines en tous genres. On est ici en équilibre instable entre fiction et réalité. On assiste à cet étrange boulot d’alchimiste qui mélange du faux, du vrai et produit du roman.
Un livre très brésilien, très cinématographique (avec Valentino et Chaplin comme personnages), baroque, personnel. Il use de procédés divers : discontinuité narrative, histoires imbriquées, emprunts à la littérature picaresque, et se construit autour de deux formes ludiques et voyageuses : la mise en abyme et l'enfilade à la « Comment vas-tu, yau de poêle ? ». Bref, un livre très littéraire si j'ose dire et très populaire à la fois. Entre profondeur et légèreté. Il faut « entendre » Pennac parler à ses personnages (l'ouvreuse surtout) pour admettre qu’il y a plus de vérité dans 4 pages de fiction que dans les 80 ans d’une vie. Enfin, chez Pennac. « Vous autres personnages n'impressionnez pas nos sens. Pas plus ceux des lecteurs que ceux des romanciers qui vous envisagent. Vous ne donnez ni à voir ni à entendre. C'est votre façon de nous posséder tous, mais chacun séparément, en intimité. Et quand un cinéaste prétend vous exposer à notre regard collectif, ce n’est évidemment jamais comme ça que nous vous ‘imaginions'
». Ben oui, c'est ce que je disais : romanciers, cessez de nous voler vos personnages en les décrivant en détail ; ils restent de toute façon des fictions et c'est cela qui leur donne une vérité. Et lorsque Pennac vous dit qu'il va inventer un personnage et essayer de nous faire croire à sa réalité, il réussit le tour de force : 5 pages plus loin, vous y croyez. Et lorsqu’il vous raconte l’histoire de Chaplin qui se présente à un concours des sosies de Charlot et obtient la troisième place, il faut bien que vous l'admettiez : la réalité finalement, c’est très surfait.
C'est bien, surtout, un livre sur l'écriture. Le bonimenteur baroque qu'est Pennac est là, mais toujours avec un clin d'œil. Et il nous avoue : « (.) écrire à quelqu'un qu'on aime nous délivre du souci d'écrire… ».
N’est-ce pas ce qui nous arrive à tous lorsque nous écrivons ici ?
Les éditions
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Le dictateur et le hamac [Texte imprimé], roman Daniel Pennac
de Pennac, Daniel
Gallimard
ISBN : 9782070756315 ; 22,90 € ; 07/05/2003 ; 400 p. ; Broché
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Les critiques éclairs (7)
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Une histoire très originale, mais...
Critique de BJ64 (, Inscrit le 29 décembre 2011, 38 ans) - 29 décembre 2011
J'ai beaucoup apprécié cette histoire du dictateur Pereira agoraphobe, qui se fait donc remplacer par un sosie pour remplir toutes ses fonctions : et oui, il fallait y penser ! L'idée est intéressante, teintée d'humour et utilisée plusieurs fois à bon escient.
Malheureusement, le récit des voyages des différents dictateurs-sosies a fini par avoir raison de mon envie de terminer ce bouquin, donc le style d'écriture est facile à aborder cependant.
Je regrette un peu la multiplicité des personnages, des situations racontées, qui s'enchevêtrent rapidement et qu'on peut ne plus arriver à suivre par moment.
Mais peut-être que je le reprendrai et continuerai un jour, lorsque je voudrai savoir ce qui est arrivé au sosie du sosie du sosie... !
Note : 3 étoiles pour l'originalité surtout
Amusant
Critique de Nance (, Inscrite le 4 octobre 2007, - ans) - 10 février 2010
« Ce serait l'histoire d'un dictateur agoraphobe. Peu importe le pays. Il suffit d'imaginer une de ces républiques bananières au sous-sol suffisamment riche pour qu'on souhaite y prendre le pouvoir et suffisamment arides de surface pour être fertiles en révolutions. »
Passée à côté
Critique de MEISATSUKI (, Inscrite le 2 octobre 2009, 48 ans) - 2 octobre 2009
Et ben non...
Critique de Missparker (Ixelles, Inscrite le 27 janvier 2006, 42 ans) - 8 février 2006
Je n'étais peut-être pas dans un état d'esprit adéquat en le lisant... Les mots étaient beaux mais ils ne m'ont pas touchée.
Quoi qu'il en soit, je pense réessayer un jour, pour voir... Mon avis à ce moment sera sans doute différent (en pire ou en mieux). Je ne désespère pas de l'aimer un jour, ce dictateur.
une curiosité
Critique de Killeur.extreme (Genève, Inscrit le 17 février 2003, 42 ans) - 13 mai 2005
Surprenant
Critique de Marz (Aulnay sous bois, Inscrite le 1 juin 2004, 41 ans) - 12 août 2004
J'avoue qu'au début j'ai eu un peu de mal à accrocher mais ensuite j'ai été totalement emportée par le récit.
L'histoire du dictateur (évoqué par le titre du roman) et de son agoraphobie ne fait en elle même qu'une cinquantaine de pages environ. Car suivent les histoires du sosie du dictateur, puis du sosie du sosie, et enfin des jumeaux sosies du sosie du sosie, le tout entrecoupé de récits d'expériences personnelles de l'auteur utilisées comme source d'inspiration pour le récit principal.
J'ai trouvé l'histoire du premier sosie du dictateur, qui croise la route de Charlie Chaplin et de Rudolph Valentino, particulièrement intéressante.
Bref pour moi, c'est un livre à lire sans aucun doute.
Un dictateur, deux dictateurs, trois...
Critique de Sahkti (Genève, Inscrite le 17 avril 2004, 50 ans) - 25 mai 2004
L’histoire est amusante : Manuel Pereira da Ponte Martins est le président dictateur d’un pays d’Amérique latine. Sa principale caractéristique : être agoraphobe au plus haut point. Un jour, une voyante lui a prédit qu’il serait lynché par le peuple et qu’il en mourrait (il faut savoir que pour accéder au pouvoir, Pereira n’a pas hésité à tuer celui qui le précédait et que depuis ce jour, on ne peut pas vraiment dire qu’il soit très apprécié par la foule). Depuis, il n’ose plus sortir. Seulement voilà, quand on est président, même dictateur, de temps en temps, il faut montrer le bout de son nez. Comment faire ? En engageant un sosie pardi ! Saddam Hussein n’a rien inventé ! Organisation du tonnerre, il faut recruter un sosie, tout lui apprendre, arriver au résultat final : qu’il se confonde avec le Président ! Tout va bien, jusqu’au jour où le sosie en a marre, il engage lui-même un sosie et ainsi de suite. On se retrouve avec une flopée de sosies, ce qu’ignore Pereira.
C’est la vie de ces sosies qui nous est contée, leurs mésaventures et leur rôle dans l’exercice du pouvoir.
A mon sens, un très bon Pennac, ironique à souhait, une réflexion sur le jeu du pouvoir et la démocratie. Un rapport étonnant s’installe avec les personnages, on se prendrait presque d’affection pour ce dictateur un peu fou qui n’ose pas sortir de chez lui. Et puis tous ces sosies, chacun avec leurs propres envies qui nous sont décrites par le menu. Des êtres si différents les uns des autres ! Un récit fictionnel qui semble tellement réel. Pennac joue d’ailleurs sur l’ambiguïté de "toute ressemblance avec des personnages vivants ou ayant existé...".
Pennac mêle ses impressions à la vie de ces sosies dictatoriaux. Réel et imaginaire se mélangent, l’auteur se dévoile et au moment où on pense le cerner, une pirouette nous entraîne à nouveau dans la vie de Pereira et de ses doubles. Une partie de cache-cache plus humoristique que celle à laquelle s’est livrée Beigbeder dans "Windows on the world", mais tout aussi subtile et sincère, avec en plus cette histoire savoureuse de dictateur craintif.
Pourquoi le hamac du titre, me suis-je demandée ? Pennac a un jour expliqué que c’était un des endroits qu’il préférait, que ce soit chez lui ou en vacances. Un endroit où il arrête de vivre, il prend le temps de réfléchir au monde et à ce qui le compose, il s’interroge sur ses romans et son style, il crée des personnages et donne naissance à des idées. Le lieu idéal de travail pour son cerveau.
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