Le gant du maître... Non ?

On dit souvent, avec un peu d’exagération, que la romancière Ngaio Marsh prend toujours comme cadre pour ses romans policiers le monde du théâtre. Il est vrai que cette fois-ci il ne s’agit pas d’une simplification ou d’un abus de langage, c’est strictement le cas.

Comme dans de très nombreuses histoires qu’elle raconte, la romancière néozélandaise va ici respecter – certes à sa façon mais respecte quand même – les règles de la tragédie grecque. Il y aura donc une unité de lieu, indéniable, toute l’intrigue ou presque se déroulant dans un théâtre, le Dauphin. Certes, au départ, le lieu est à l’abandon, sans âme, sans espoir de revoir des acteurs l’habiter et le faire revivre… et, pourtant, il s’agit d’un des derniers hauts-lieux de la légende shakespearienne. Peregrine Jay va avoir l’occasion de redonner son lustre au théâtre, va y écrire une pièce et va monter ce spectacle dans la grande tradition de la scène britannique.

Mais l’unité d’action sera double. D’une part, le travail pour préparer cette pièce, d’autre part, l’enquête sur un crime… Comme les deux sont totalement liés, on parlera quand même d’unité d’action. D’ailleurs, pourquoi un crime ? En fait, dans le théâtre abandonné, Pelegrine Jay va rencontrer un homme riche qui va lui… Euh, attendez, il ne faudrait quand même pas que je vous raconte l’histoire que vous allez avoir plaisir à découvrir vous-même par la lecture. N’inversons pas les rôles, je ne suis là que pour vous donner envie de savoir ce qui va se passer entre Pelegrine Jay et Onassis Conducis, ce qui entrainera, de fait, cette aventure sur scène et cette scène de crime…

Et l’unité de temps ? Oui, reconnaissons-le bien simplement, cette histoire ne commence pas le matin pour finir le soir… En fait, elle commence avec le théâtre à l’abandon et elle se termine quand la pièce va finalement se jouer devant une foule dense car les spectateurs potentiels n’arrêtent de réserver… Le cycle est donc bien plus long qu’une journée mais reste cohérent avec cette unité de temps…

Un roman policier construit à la manière d’une tragédie grecque, mais comme il s’agit d’un polar, contrairement aux pièces de Sophocle, les rôles ne sont pas figés dans le marbre et vous aurez bien du mal à deviner avant la fin qui est l’auteur du crime… D’ailleurs, c’est bien normal, car dans le cas contraire, notre enquêteur, Roderick Alleyn, ne servirait à pas grand-chose. Pour ceux qui ne connaissent pas le héros fétiche de Ngaio Marsh, précisons que nous sommes loin des cerveaux bouillonnant de Sherlock Holmes ou Poirot, loin de l’observation méticuleuse de Miss Marple ou Miss Silver, loin aussi de l’analyse sociale et sociologique d’un Maigret… Alleyn est un personnage qui n’est pas sur le devant de la scène, qui n’attire pas les lumières en permanence, en fait il est toujours là, entend tout ou presque, crée du lien entre les faits, mais passe presque inaperçu… Au début, lorsque j’ai lu le premier roman de Marsh, je n’avais pas compris qu’il s’agissait d’un personnage récurrent que j’allais retrouver plus tard, dans une autre enquête… Mais c’est aussi pour cela que l’on s’attache à lui, il n’est pas étouffant, il respecte notre vitesse de réflexion, il nous donne une chance d’arriver en même temps que lui au bon résultat…

Un bon roman d’autant plus si vous aimez le théâtre ! Une belle occasion pour certains de découvrir cette romancière qui rejoint dans le Panthéon du polar classique Patricia Wentworth et Agatha Christie, ce qui n’est pas rien. Non ?

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  Coup de théâtre au Dauphin [Texte imprimé] par Ngaio Marsh trad. de l'anglais par Roxane Azimi

  de Marsh, Ngaio Azimi, Roxane (Traducteur)
  10-18 / 10-18. Série Grands détectives
  ISBN : 9782264029287 ; 1,77 € ; 07/11/2002 ; 317 p. ; Poche

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