L'extrémisme : comment en arrive-t-on là ?

Le sujet de cet ouvrage – l’extrémisme – m’interpellait beaucoup. Son auteur, Gérald BRONNER, est sociologue, spécialiste de la sociologie des croyances selon l’éditeur (Denoël). Je ne savais pas que ce champ existait mais je suis agréablement surprise que ce soit le cas. Il recoupe des connaissances issues également de la psychologie expérimentale. Gérald Bronner s’appuiera d’ailleurs très fréquemment dessus pour étayer ses propos.

Gérald Bronner qualifie d’extrémistes des individus capables de « sacrifier ce qu’ils ont de plus précieux (leur carrière professionnelle, leur liberté…) et en particulier leur vie, et dans de nombreux cas celles des autres aussi, au nom d’une idée » (p11). Ainsi peut-on qualifier des membres suicidaires d’une secte, des kamikazes islamistes, des artistes prêts à mettre leur vie en danger au nom de l’art…
Il part du constat que l’on considère souvent, dans les médias ou les échanges interpersonnels, ces extrémistes comme des « fous », des êtres « irrationnels », ou des personnes qui en sont venues là à cause de « leur faible niveau d’éducation », de « leur désespoir économique ». C’est rarement le cas – du moins, le même pourcentage que dans la population non extrémiste partage ces caractéristiques - en réalité. Le but de ce livre est de nous expliquer en quoi les extrémistes ne sont pas des fous, des malades mentaux, des êtres irrationnels etc., sans pour autant tomber dans la complicité intellectuelle ou le relativisme (notion longuement abordée et éclaircie par l’auteur).

L’auteur fait preuve d’une belle honnêteté intellectuelle en précisant, quand il y a lieu, que ce qu’il expose tient plutôt de la spéculation. Il essaie cependant le plus souvent possible de s’appuyer sur des études expérimentales, et pas seulement des témoignages. Il nous propose au fil des pages une théorie concernant le processus qui, petit à petit, peut nous conduire à l’extrémisme. Comme il y a beaucoup de choses qui sont traitées ici, sur l’extrémisme mais aussi sur les croyances en général, on n’arrive malheureusement pas à identifier précisément ce qui est établi, et ce qui est du ressort de la pure spéculation. Mais globalement, la confiance que l’on peut accorder envers l’auteur me semble importante ; notamment vu la complexité du sujet.

Gérald Bronner explique donc comment, graduellement, quelqu’un adhère de manière inconditionnelle à une croyance, à une idée dite « transsubjective » jusqu’à ne plus pouvoir mettre en balance ses intérêts et ses valeurs (on parle alors d’ « incommensurabilité mentale »). L’adhésion débute souvent lors d’une « révélation », elle-même déclenchée par une frustration, un désir de reconnaissance ou de notoriété. L’individu se retrouve alors dans un « monopole cognitif » où tout alimente sa croyance ; dans cet univers clos, les comportements et raisonnements de l’individu sont, contrairement à ce que l’on pense au premier abord, complètements rationnels. L’auteur illustre par de nombreux cas et témoignages empruntés à l’actualité de ces dernières décennies ces processus.

Les sciences sociales donnent au mot « comprendre » le sens suivant : « volonté de reconstruire l’univers mental d’un individu pour interpréter, avec méthodes, quelles furent les déterminants de ses croyances et de ses actions». De fait, comprendre l’extrémisme est la première étape pour tenter d’aider les individus à s’en sortir. Nous sommes tous susceptibles d’avoir un jour un proche qui verse vers l’extrémisme. Le dernier chapitre donne d’ailleurs des exemples très concrets des attitudes à adopter face à quelqu'un que l'on apprécie qui est complètement obnubilé par une croyance.

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  La pensée extrême [Texte imprimé], comment des hommes ordinaires deviennent des fanatiques Gérald Bronner

  de Bronner, Gérald
  Denoël / Impacts (Paris)
  ISBN : 9782207260654 ; 20,67 € ; 17/09/2009 ; 352 p. ; Broché

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