Réparer les vivants de Maylis de Kerangal
Catégorie(s) : Littérature => Francophone
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Un coeur sempiternel.
Il faudrait peut-être commencer par dire les choses telles qu’elles s’imposent à nous : Maylis de Kerangal est très certainement la romancière française la plus douée, reconnue à juste droit pour la perfection de son écriture, laquelle n’est jamais soumise à une règle ou un procédé, reconnue, encore, pour venir au bout de ses sujets tout en ayant l’élégance de ne pas les tuer. Il y a quatre ans, M. de Kerangal nous avait enchantés avec l’histoire d’une éclosion bien particulière, puisqu’elle avait relaté dans la force du langage les forces physiques de l’ingénierie, consignant avec méthode les étapes de la construction d’un pont, et dans le même temps, eu égard à la compossibilité d’une écriture pleine d’élan, le pont avait pris des allures d’intermédiaire entre les matières, les concepts et les mondes, faisant d’un microcosme architectural un remarquable exemplaire du macrocosme où tout arrive et où presque rien ne se soumet à l’intelligence. Nous avions alors redécouvert la littérature en tant qu’entremetteuse inespérée, à cheval entre la mission romanesque et une généreuse phénoménologie, habile à dire les intuitions derrière les apparences, les hommes derrière les personnages, et finalement, bien sûr, la prodigalité du vivant derrière le prétexte un peu statique d’un pont en train de se bâtir.
Cette fois le sujet semble inversé puisqu’il s’agit de la dynamique d’un cœur, en l’occurrence le cœur de Simon Limbres, d’abord tel qu’il se réveille dans le corps de ce lycéen de dix-neuf ans (pp. 11-2), muscle vigoureux au sommeil léger, puis tel qu’il se revitalise dans le corps d’une autre (pp. 279-281), après une journée de rebondissements, de chamades et de suspensions, presque vingt-quatre heures de battement à une minute près, un jour pendant lequel nous aurons vu la mort d’un corps et l’éternité d’un être, et autour de ce mouvement alternatif, la convergence d’un ensemble de forces agissantes (la famille, la médecine, les véhicules, les couleurs successives du ciel), toutes propulsées vers le dénouement et l’apaisement, enfin délivrées d’une rythmique excessive, conscientes de la nécessité de faire retrait en pareilles circonstances, prêtes à se reposer quand une force supérieure prend le relais. Si donc ce cœur de Simon Limbres est le nom de quelque chose, il est celui d’une odyssée qui s’accélère sur la route du Havre (pp. 26-7), qui décélère dans un service de réanimation (p.40), qui s’interrompt dans une douleur hors-langage (pp. 99-103), puis qui reprend dans les airs, à corps perdu pour ainsi dire, tandis qu’un avion transporte le cœur à destination de la Pitié-Salpêtrière, où plutôt en direction de Paris où il sera relayé par une voiture-organe (pp. 247-250), dernier chant de ce périple avant que ne revienne la pulsation primordiale, le tambour battant où se joue la sublimation du cœur en chœur, lorsque les forces annexes battent en retraite et que la vie réapparaît, transplantée, rapatriée, lorsqu’elle conjure toute l’excitation de la symphonie médicale par le son métronomique du cœur remis une autre fois sur son ouvrage.
Le roman suit à la trace le cœur du jeune Simon Limbres, ce qu’il est, ce qu’il fut, et ce qu’il adviendra de sa vivacité contractile. Comme à chaque fois avec M. de Kerangal, la documentation optimale se confond dans la légèreté de l’écriture. C’est en cela que le roman surclasse la pathétique documentaire ou le voyeurisme médiatique. Les personnages sont pris dans leurs actions et leurs soubassements, aussi bien forces engagées que forces entraînées, ceci dans la mesure où le présent de l’action est solidaire d’épisodes minutieusement constitutifs, comme c’est par exemple le cas dans la superbe description de cette famille de médecins, les Harfand, scientifiques par filiation, par ambition et par cooptation (pp. 180-5), moment de narration où la nécessité romanesque transporte avec elle un impératif de définition sociale, sans qu’il n’y ait la moindre lourdeur ni la moindre incidence, la lecture gagnant au contraire en profondeur de champ. Par conséquent, on pourrait peut-être parler d’une naturalité textuelle, de quelque chose qui ne serait ni tout à fait de la fiction ou de la réalité, de quelque chose qui serait au fond transitoire, d’une modalité expressive qui pourrait acheminer tout à la fois dans sa phrase la prolifération du naturel et l’incontournable facticité du culturel. S’agit-il ici de la porte d’entrée qui doit s’ouvrir sur un métalangage ? Ou plutôt est-ce que ce sont là les signes du roman qui surmonte jusqu’à la dernière de ses allégeances institutionnelles ? À supposer que le style ait encore de l’importance pour l’évaluation des œuvres littéraires, rappelons qu’il est concevable de penser le style à l’instar d’une malformation cohérente, si bien que l’histoire d’un cœur, qu’on la prenne par n’importe laquelle de ses vibrations, c’est une histoire qui ne peut résolument pas se raconter en fonction d’une structure régulière et bien portante. Gonflement et rétrécissement, diastole et systole, le cœur impose une cadence en pointillés, un tempo de sismographe qui alterne entre l’acte et le repos. M. de Kerangal réussit parfaitement à suivre ce tempo grâce aux facilités qui sont les siennes, feignant tantôt la spéculation et le reportage, tantôt l’épaisseur du réel et l’impossibilité d’esquiver ses devoirs humains.
Aussi ne quitte-t-on jamais l’oscillation du pédagogique et de l’émotion, mais en fin de compte, c’est la charge émotionnelle qui préserve les intrusions didactiques de tomber dans le vice de forme. La surimpression affective cristallise des objets qui, en temps normal, voudraient continuer à signifier la froide rumeur de leur raison d’être. Dans cette perspective de reformulation affective, l’hôpital se résorbe et devient église, cathédrale à la « nef de verre » (p. 53), un endroit déjà plus approprié pour accueillir la mort, pour saisir la main de Dieu et lui remettre l’âme de celui qui est sur le point de la rendre. On se situe à une époque antédiluvienne du langage, une époque d’avant la prière et la déploration, en plein dans la saisie d’une « infragéographie » (p. 144) sur le plan de laquelle la douleur ne s’articule plus selon une grammaire, mais selon la syntaxe imprécise d’une pensée qui dans la nuit brutalement tombée guette une lumière. La beauté de ce roman dépend de tout ce que nous avons évoqué jusqu’ici, mais si elle atteint un niveau rare, c’est qu’elle est justement contemporaine de cette lumière qui brille d’autant plus qu’elle défie les sombres voies qu’elles est bien obligée d’emprunter pour exister.
Les éditions
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Réparer les vivants
de de Kerangal, Maylis
Verticales
ISBN : 9782070144136 ; 16,00 € ; 02/01/2014 ; 288 p. ; Broché -
Réparer les vivants [Texte imprimé] Maylis de Kerangal
de de Kerangal, Maylis
Gallimard / Collection Folio
ISBN : 9782070462360 ; 8,10 € ; 13/05/2015 ; 304 p. ; Poche -
Réparer les vivants
de de Kerangal, Maylis
Gallimard / Ecoutez lire
ISBN : 9782070146550 ; 21,90 € ; 11/09/2014 ; Cassette
Les livres liés
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Les critiques éclairs (19)
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Belle oeuvre
Critique de Krys (France-Suisse, Inscrite le 15 mars 2010, - ans) - 7 octobre 2020
L'histoire et les personnages sont bien choisis, pas de mélodrame mais on reste dans l'émotion et la compréhension.
Ce livre serait parfait sans le style d'écriture un peu lourd, comme les critiques avant moi l'ont dit. Phrases à rallonges sans but, des passages en trop... Malgré cela il reste top !
Mitigé
Critique de Ournina (, Inscrite le 3 mai 2014, 42 ans) - 24 mai 2019
Succès incompréhensible
Critique de Badzu (versailles, Inscrite le 6 novembre 2005, 49 ans) - 28 novembre 2018
D'abord l'histoire. Extrêmement basique, elle se résume en 2 mots. Pourquoi pas.
Mais alors ce style d'écriture.... Mais c'est pas possible. Cette lecture a été une véritable torture : des phrases à rallonge, constamment entrecoupées, se délayant sans fin dans des descriptions plus inutiles les unes que les autres. Par exemple il est important de savoir que le canapé sur lequel s'effondrent les parents endeuillés a été trouvé dans la rue par ces derniers. Ou que le médecin pousse les portes de l'hôpital du plat de la paume de sa main. Ou que le chauffeur de l'ambulance qui convoie l'organe a les dents parfaitement alignées. Quand on commence une phrase au bout de quelques secondes on ne sait plus quel était son sujet. Ça se voudrait une enfilade de pensées des protagonistes mêlée au descriptif de l'action mais mon dieu que c'est mal exécuté.
Il en découle un manque total d'émotions, une description clinique et froide des différentes scènes. Je n'ai pas eu une demie seconde d'empathie pour ce couple qui perd son fils. (Quand en plus j'ai vu que dans le film c'était Koolshen et Emmanuelle Seigner qui jouaient les parents, au secours).
Donc à part essayer d'extraire du gloubiboulga les détails qui pourraient être intéressants d'une transplantation, à quoi bon Maylis ? À quoi bon nous infliger ça ?
Rude mais nécessaire et bien écrit
Critique de Veneziano (Paris, Inscrit le 4 mai 2005, 46 ans) - 22 septembre 2018
Evidemment, le dernier tiers du roman reste dur à avaler, avec la transformation du corps dépecé par bouts par le corps médical, en vue de transplantations à travers tout le pays, d'autant plus utile que le mort est très jeune, dix-neuf ans. Le style mêle lyrisme et oralité, sa fluidité permet de ressentir les étapes du récit, me paraît agréable et berce la lectrice et le lecteur qui a justement besoin de réconfort, à l'instar des parents du jeune défunt. Le tout est sombre mais utile.
Traitement moyen d'un sujet difficile
Critique de Romur (Viroflay, Inscrit le 9 février 2008, 51 ans) - 25 février 2018
Vingt-quatre heures chrono, du réveil de Simon jusqu’au moment où la poitrine de Claire est refermée sur ce cœur qui sera désormais le sien. Vingt-quatre heures relatées avec une précision chirurgicale pour décrire toutes les étapes humaines, médicales et légales façon documentaire ou série « Urgence ». La minceur du livre laisse malgré tout la place à de larges évocations de l’histoire de différents personnages, parfois secondaires.
Pas facile de traiter un sujet pareil, mais le mélange de digressions (aventures sexuelles de Cordélia dans les poubelles ou achat d’un chardonneret) et de manuel médical, le tout relaté dans un style qui arrive à la fois à être alambiqué et grammaticalement simpliste (on atteint rarement le stade de la proposition subordonnée) ne fait pas du roman une grande réussite.
"Réparer les vivants" : un joyau
Critique de Lettres it be (, Inscrit le 7 mai 2017, 30 ans) - 8 mai 2017
// « Tertio : la situation est irréversible - elle déglutit en pensant à ce mot qu'il lui faudra articuler, irréversible, quatre syllabes qui vitrifient l'état des choses et qu'elle ne prononce jamais, plaidant le mouvement continu de la vie, le retournement possible de toute situation, rien n'est irréversible, rien a-t-elle coutume de clamer à tout bout de champ (…) » //
# La bande-annonce
(Quatrième de couverture) : « Le cœur de Simon migrait dans un autre endroit du pays, ses reins, son foie et ses poumons gagnaient d'autres provinces, ils filaient vers d'autres corps ». "Réparer les vivants" est le roman d'une transplantation cardiaque. Telle une chanson de gestes, il tisse les présences et les espaces, les voix et les actes qui vont se relayer en vingt-quatre heures exactement. Roman de tension et de patience, d'accélérations paniques et de pauses méditatives, il trace une aventure métaphysique, à la fois collective et intime, où le cœur, au-delà de sa fonction organique, demeure le siège des affects et le symbole de l'amour.
# L’avis de Lettres it be
Le don d’organes : une thématique douloureuse, sujette encore aujourd’hui à débat dans nombre de sociétés à travers le monde, y compris la nôtre. Maylis de Kerangal empoigne ce sujet avec force, vigueur, mais toujours avec une plume légère, qui n’accuse pas, ne viole pas les sentiments, n’exagère en rien. L’équilibre est fragile, mais il est.
un style ampoulé qui tue l'émotion
Critique de Mine2 (, Inscrite le 11 octobre 2013, 64 ans) - 8 mars 2017
Sujet - Ecriture : Greffe réussie
Critique de Henri Cachia (LILLE, Inscrit le 22 octobre 2008, 62 ans) - 28 octobre 2016
Dans « Réparer les vivants », son écriture colle, adhère parfaitement à son sujet, la greffe d'organe. Le rythme haletant m'a très vite accroché au point d'en oublier le travail (énorme) sur la langue qui m'a donné envie de lire à voix haute ce récit servi par des mots savoureux en bouche. Un grand régal. Le travail d'un chirurgien avec la minutie d'une couturière.
Extraits :
« … On a un cœur. Un cœur compatible. Une équipe part immédiatement prélever. Venez maintenant. La transplantation aura lieu cette nuit. Vous entrerez au bloc autour de minuit... »
« … Près d'un an que Claire Méjean habite ce deux-pièces loué sans même y avoir jeté un œil, les mentions Pitié-Salpêtrière et premier étage suffisant pour signer sur-le-champ un chèque d'un montant exorbitant au type de l'agence – c'est sale, petit et sombre, la corniche du balcon du deuxième étage obscurcissant sa fenêtre comme une visière de casquette. Mais elle n'a pas le choix. C'est cela être malade, se dit-elle, ne pas avoir le choix – son cœur ne lui laisse plus le choix... »
Pour avoir subi moi-même une greffe d'organe (très différente mais avec des points communs), je me réjouis de voir très prochainement (1er novembre), et suis très curieux de voir l'adaptation à l'écran de ce chef-d'oeuvre littéraire, puisque la réalisatrice a davantage centré son film sur le personnage du receveur.
Avant cela, Emmanuel Noblet, acteur-adaptateur-metteur en scène de « Réparer les vivants » a cartonné au Festival d'Avignon off 2015, seul en scène, jouant tous les personnages du livre, remportant un grand succès public et critique, entraînant une tournée, depuis, dans toute la France, qui continue toujours, et devrait vraisemblablement aller à l'étranger prochainement.
Trois visions d'un même sujet.
Au coeur du théâtre des opérations
Critique de Botchman (, Inscrit le 23 août 2009, 52 ans) - 31 juillet 2016
A coeur ouvert
Critique de Psychééé (, Inscrite le 16 avril 2012, 36 ans) - 29 avril 2016
Cette opération est exprimée à travers l’histoire de Simon Limbres, 19 ans, qui vient d’avoir un accident et se trouve en état de mort cérébrale. S’ensuivent 24h de tension effrénée auprès de ses parents qui apprennent la nouvelle et des médecins. A partir de ce moment-là, le temps est compté pour récupérer ses organes et effectuer les greffes aux patients situés aux quatre coins de l’Hexagone qui sont sur liste d’attente. C’est tout ce travail méthodique et minutieux des nombreuses personnes qui interviennent qui nous est conté. Même s’il est très difficile de prendre rapidement la décision du don d’organes sans connaitre la volonté du défunt, il n’y a dans certains cas plus rien à faire à part « enterrer les morts et réparer les vivants ». C’est dur pour tout le monde : les parents, les médecins, les futurs greffés … Une belle découverte que cette auteure et une expérience de lecture à partager largement !
Style magnifique comme une danse
Critique de Pascale Ew. (, Inscrite le 8 septembre 2006, 57 ans) - 21 décembre 2015
Chaque personnage impliqué dans ce drame et ces actions médicales est minutieusement décrit à son tour, comme pour mieux souligner l'importance de chaque être dans le tourbillon de la vie. Les phrases sont enchaînées les unes aux autres avec une grande économie de points, comme pour mieux cadencer le rythme soutenu des événements. Ce style m'a fait parfois même penser à une danse. Il est tout simplement magnifique de poésie, ciselé dans une langue économique, dense et imagée, avec des mots parfois inventés qui parlent d'emblée au lecteur. Le lecteur n'a pas le temps de s'attarder sur des personnages, mais est emmené de l'un à l'autre en suivant l'action, personnage principal du roman. J'ai aimé l'humanité et le respect qui entoure le corps de Simon, la délicatesse face aux parents et le fait que l'auteure se s'appesantisse pas trop sur la douleur des parents. J'ai été étonnée par les supputations que l'auteure laisse en suspens alors qu'elle pourrait les remplir de certitudes.
Ondes de choc
Critique de Marvic (Normandie, Inscrite le 23 novembre 2008, 66 ans) - 18 septembre 2015
Nul ne saura ce qui a provoqué l'accident ; le Samu va dégager le corps inconscient du jeune homme, mais son coeur bat toujours.
Voilà ; le choc a eu lieu. Nous allons maintenant affronter les ondes de choc, irradiant leur douleur autour de cet accident.
Le premier sera le médecin du service de réanimation Pierre Révol. C'est lui qui constatera la mort cérébrale de Simon. C'est à lui aussi de trouver les mots pour dire l'indicible à Marianne, la mère de Simon. Expliquer à une maman que, malgré les battements et la respiration de son enfant, il est décédé.
Puis Sean, le père qui a transmis la passion du surf à son fils, qui se sent responsable. Et si…
Arrive Thomas Rémige, infirmier chargé de recueillir le consentement au prélèvement d'organes de leur enfant et qui se doit d'adopter l'exacte attitude devant ces parents assommés.
"Il y a des garçons de dix-neuf ans qui prennent des dispositions au sujet de, pour, ça existe ? : il force la voix, mitraillette des dentales, un feu glacé."
Avec quelques petites heures pour se décider, le compte à rebours est engagé dès que la mort encéphalique de Simon est constatée
"Ils (les parents) sont l'ombre d'eux-mêmes aurait-on dit pour les décrire, la banalité de l'expression relevant moins de la désagrégation intérieure de ce couple que soulignant ce qu'ils étaient encore le matin même, un homme et une femme debout dans le monde, et à les voir marcher côte à côte sur le sol laqué de lumière froide, chacun pouvait saisir que désormais ces deux-là poursuivraient la trajectoire amorcée quelques heures auparavant, ne vivaient déjà plus tout à fait dans le même monde que Cordélia (infirmière) et les autres habitants de la Terre, mais effectivement s'en éloignaient, s'en absentaient, et se déplaçaient vers un autre domaine, qui était peut-être celui où survivaient un temps, ensemble et inconsolables, ceux qui avaient perdu un enfant."
L'onde poursuivra sa route auprès de Lou, la petite sœur, Juliette la petite amie…
En commençant cette lecture, je me suis demandée pourquoi j'avais pu mettre ce titre dans ma LAL ; parce que cela se passe au Havre ?.. Puis j'ai aussi essayé de comprendre comment un auteur peut choisir un thème aussi difficile ; ce "24 heures de la vie d'un coeur" est si difficile.
Mais j'ai poursuivi et terminé rapidement ce livre. L'auteure avec un talent incroyable nous plonge au coeur de ce drame humain mais, trouvant les mots pour décrire l'insupportable détresse mais aussi toute la technicité du corps humain et des services médicaux.
Avec malgré tout, l'anachronisme de la vie "normale" qui continue, avec ses histoires d'amour, ses matches de foot...
Il m'est venu le souvenir d'un clip d'une ancienne chanson de Jean-Jacques Goldmann "Juste après" et ces quelques interminables secondes où le temps est suspendu à la respiration d'un nouveau-né… là aussi le temps est suspendu aux battements d'un coeur… une mort pour d'autres vies.
Un travail particulièrement réussi, où je me permettrais juste de reprocher la longueur des phrases mais de saluer la justesse et la recherche du vocabulaire mais un livre à éviter en période de blues.
Du désespoir à l'espoir
Critique de AmaranthMimo (, Inscrite le 25 mai 2013, 33 ans) - 10 septembre 2015
Moi qui ai tendance à fuir les descriptions à rallonge j'ai tout simplement adoré les nombreuses descriptions de ce livre, les mots sont justes et tout simplement beaux. Enfin, l'histoire est simplement touchante et attachante, le sujet du don d'organe permet de parler du désespoir d'une famille qui perd un être cher tout en laissant apparaître l'espoir d'une vie meilleure pour plusieurs personnes.
En bref, je recommande vivement ce livre !
Certes un ouvrage indispensable.
Critique de Pacmann (Tamise, Inscrit le 2 février 2012, 59 ans) - 8 décembre 2014
Doit-on alors encenser ce type d’écriture aux phrases énumérant au fil des virgules un nombre incalculable de mots ? Un tel style risque de rebuter ceux d’entre nous qui apprécient avant tout le confort de lecture, mais doit-on se limiter à de l’Amélie Nothomb tout en hurlant au génie. Il n’est donc pas inutile d’activer nos cellules grises en osant s’attaquer à un tel ouvrage.
L’auteur est souvent didactique à l’excès, bien sûr lorsqu’on évoque le contexte de la prise en charge de la mort, de la transplantation d’organe mais aussi sur la vie des surfeurs. Cela frise parfois l’obsession au point qu’on oublie être dans un roman qui dérive vers le « Que sais-je ? ». On gomme donc assez fort les émotions qu’on remplace par des listes de mots donnant une impression de cascade d’évènements qui s’enchaînent et qui nous tombent sur la tête.
On lit peu de critiques négatives sur ce livre qui ose aborder de manière brutale un sujet difficile, mais j’ose avouer ne pas avoir trouvé un véritable équilibre entre la conviction d’avoir entre les mains une découverte et un véritable plaisir de lire.
Bien !
Critique de Marthe (, Inscrite le 19 novembre 2010, 54 ans) - 20 septembre 2014
Le coeur dans tous ses états
Critique de Rotko (Avrillé, Inscrit le 22 septembre 2002, 50 ans) - 5 septembre 2014
On s’intéresse aux différents protagonistes, à leurs pensées profondes comme à leurs expériences marquantes. Leur personnalité nous est connue, ce qui fait d’eux des personnes humaines et humanistes, non des agents d’exécution.
Kerangal excelle dans la peinture du groupe, du collectif, et le début du roman rappelle Corniche Kennedy : aux plongeurs succèdent ici les surfeurs, des artistes de l’équilibre avec une technique précise, sans cesse améliorée. J’ai pensé à Fiona Capp, Surfer la nuit, Actes Sud.
C’est ensuite que le « vrai » récit commence, superposant dans une même phrase, des plans, ie différents épisodes de la vie des personnages, ou les motivations probables de leur engagement dans les services de transplantation.
On est bien loin du sinistre « j’abandonne » de Philippe Claudel : Les interlocuteurs des parents du « donneur » laissent le temps à la douleur de s’exprimer, ils respectent la souffrance des endeuillés…
Il y a certes des risques et des péripéties - l’affluence des supporters au match Italie-France perturbe l’acheminement du cœur, mais l’auteur se garde bien de tirer sur la corde.
On passe en douceur d’un personnage à l’autre, car ces personnes et stades différents de l’opération doivent s’unir pour transmettre la vie, opération sacrée, avec des rituels quasi religieux, auxquels nul ne déroge.
Le « thriller » d'Urgences devient alors une épopée avec des acteurs anoblis par une mission qui les dépasse, et Réparer les vivants relève du sacré.
Miracles de la technologie, perfection du travail accompli, la transplantation d’organe prend la dimension d’un big bang, d’une cérémonie qui célèbre la Vie et le Cœur, dans tous ses états.
Nul trémolo, pourtant l’émotion naît de scènes sobres et d’une langue clinique, qui dit les objets, les organes, les outils d’une salle d’opération, mais aussi les émotions, les attentes, les appréhensions, les craintes et les espoirs.
Les noms des acteurs (Harfang, Owl, Rémige etc.) mettent en pleine lumière le rôle d’ « oiseaux de nuit » qui, loin des stades et des projecteurs médiatiques, incarnent un hymne à la Vie.
Le récit réunit les hommes dans une mission exaltante qui repose sur la solidarité et la générosité de chacun, une tâche que l’auteur éclaire de références picturales, musicales et littéraires.
Maylis de Kerangal promeut ainsi une idée de l’homme, transmise à travers les siècles par des générations de créateurs. Elle s’y associe par une langue riche, précise et rythmée qui tient souvent du chant poétique.
Pas fan du style mais beau travail
Critique de Luluganmo (, Inscrite le 26 septembre 2010, 42 ans) - 8 juin 2014
Son livre est très perturbant et nous pousse à réfléchir sur le sens de notre vie ("le malheur des uns fait le bonheur des autres...").
Une belle découverte à ne pas manquer!
une belle découverte
Critique de Francesca (, Inscrite le 20 juillet 2010, 70 ans) - 2 avril 2014
Les tableaux fulgurants qu'elle peint de chacun des acteurs ou des circonstances de ce drame sont remarquables et vous tiennent en haleine (la session de surf jusqu'à l'accident pressenti, la douleur des parents, le "mandarinat" médical), autant de séquences déroulées dans de longues phrases presque incantatoires...
Oui, c'est vrai, on sent parfois un peu le "travail" sur la langue, mais c'est du "beau travail" !
MdK explique elle-même qu'elle a "calé son écriture" sur ce discours descriptif si particulier. C'est son style, son originalité et ça me plaît beaucoup !
Trop de style
Critique de Alud (, Inscrite le 19 janvier 2009, 48 ans) - 10 février 2014
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