Cosi fan tutte...

Il y a des côtés « Cosi fan tutte » dans le quatrième roman d'Ariane Le Fort. « C'est ce qu'on fait toutes, non ? » nous confie la narratrice. En l'occurrence, croire encore à l'amour après plusieurs déceptions, avoir le cœur et le corps qui palpitent plus fort quand certains hommes vous regardent d’une certaine façon, ne plus toucher terre quand une aventure commence : « On dira ce qu’on voudra… le désir assouvi, le sexe qui a joui, ça n’a rien d'anodin, ça vous transforme en elfe, en ange, en nuage cotonneux, il n'y a rien de plus consolant sur la terre. »
Il y a des côtés « Phèdre » aussi. éva, la narratrice (une fille d’éve…) vient de comprendre que c’était fini avec Marien. Qu'après avoir été tout (ou presque), elle n'était plus rien pour Marien. Alors, elle déménage. On a sa fierté.
Bien sûr, Marien lui manque. Sa haute taille, ses mains fortes de potier, sa robustesse et ses fesses tellement douces. Lui manque aussi Matthias, le fils de Marien, qu’elle aimait comme un beau-fils, même si, à la fin, elle lui faisait un peu payer l'indifférence naissante de son père. Matthias, l'adolescent de seize ans qui a échappé par miracle aux défauts des adolescents, l’acné physique et cet acné mental, la bêtise. Matthias qui est grand comme son père, beau comme son père, et qui a déjà les fortes mains de son père. Alors, elle cherche à le revoir, Matthias. Elle finit par le retrouver. Il cherche un local pour y installer son tour, car il fait de la poterie, lui aussi, après les cours. Elle lui propose la cave de son nouvel appartement. Marché conclu. Elle descend parfois lui dire bonjour, dans cette cave où ses grosses mains manient la terre, où son dos brun a des luisances de marron. Elle le regarde encore comme un beau-fils, Matthias. Mais il n’est pas son beau-fils. Et peu à peu son regard change. Et peu à peu s’insinue le désir : « Le désir que j’avais de lui ne s’était pas envolé, mon petit feu s’entretenait sans que j'aie besoin de le protéger de mes mains, il était là, c’est tout, comme un ver dans une pomme. » Une pomme qui la tente, .va. Et puis, Matthias rencontre Lili, la bonne copine d’ .va, celle qui semble tout faire mieux que les autres. Et ils se plaisent. Et du feu du désir naît la fumée de la jalousie, qui s'entretient toute seule aussi, qui trouve toujours un aliment pour enfler ses volutes, surtout chez une femme de trente ans. Car « les femmes sont folles et rêvent, délirent en courant après le vent, construisent leur propre monde bien au-dessus de la surface de la terre, rempli d’émotions persistantes, de troubles dévastateurs, de frissons perpétuels, de besoin de consolation. » Bienheureux hommes qui, « quand ils touchent terre […] se rétablissent vite. Mais peut-être ne vont-ils pas jusqu'à s'aventurer si haut, jusqu’au sommet de la tour qui parvient à toucher les nuages. » « S’il existe sur terre quoi que ce soit de plus exquis, de plus voluptueux qu'une barrière qu'on franchit, qu'on me le dise, c’est l’instant ou jamais » . éva franchira-t-elle la barrière ?
Un roman bien mené, où Ariane Le Fort explore avec finesse, dans une langue simple et efficace, les méandres de la psychologie féminine, les cercles du désir, les pièges de la jalousie. Un roman miroir où nous lirons nos propres doutes, nos propres hésitations, nos propres espoirs. Cosi fan tutti.

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  Beau-fils [Texte imprimé], roman Ariane Le Fort

  de Le Fort, Ariane
  Seuil
  ISBN : 9782020572828 ; 14,20 € ; 24/01/2003 ; 176 p. ; Broché

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