L'oeil de chat de Roger Zelazny

L'oeil de chat de Roger Zelazny
(Eye of cat)

Catégorie(s) : Littérature => Fantasy, Horreur, SF et Fantastique , Littérature => Anglophone

Critiqué par Ellane92, le 3 juin 2014 (Boulogne-Billancourt, Inscrite le 26 avril 2012, 48 ans)
La note : 10 étoiles
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l'homme à la recherche de son âme

William-Cheval-Noir-Singer, surnommé le traqueur des étoiles, a, à lui tout seul, quasiment rempli le Zoo de San Diego de tous les animaux exotiques et extraterrestres mis à disposition des badauds. A la fois Navajo et homme moderne, ses voyages interstellaires l'ont amené à vieillir plus lentement que ceux qu'il a connus ; aujourd'hui, il est le dernier de sa race.
Le gouvernement fait appel à Billy pour un problème délicat : un terroriste serait en route vers la Terre pour interrompre des négociations importantes. Métamorphe et télépathe, nul ne sait comment l'arrêter, mais le sens de l'observation, l'habitude de la traque, la personnalisation des pièges ont conduit le gouvernement à demander son aide à Singer.
Métamorphe et télépathe, c'est également le cas de "Chat", l'unique spécimen exposé au Zoo de San Diego d'une planète aujourd'hui disparue. Et Chat, c'est la mauvaise conscience de Billy : cet être est-il uniquement animal, ou fait-il preuve d'intelligence ? Méritait-il sa place au Zoo, ou aurait-il dû être reçu en tant qu'ambassadeur, comme d'autres peuples ?
Pour Billy, la solution pour éliminer la menace terroriste est simple : si Chat possède, comme il le croit et le redoute, une forme d'intelligence, il est le seul à pouvoir y mettre un terme ; sinon, adieu les négociations. Et Chat, qui se révèle effectivement doué d'une forme d'intelligence, accepte la mission… mais pose ses conditions : " Aussi vais-je te faire une proposition, et sache que ma parole vaut la tienne, Billy Singer – car je ne peux pas te laisser me battre même sur ce point. Va. Fuis. Couvre tes traces, pisteur. Je te donnerai ce que j'estime être une heure – et je suis très fort à estimer le temps – puis je me lancerai à ta poursuite. Tu m'as traqué près de huit jours. Disons une semaine. Reste en vie ce laps de temps, et je renoncerai à mon droit sur ta vie. Nous irons chacun de notre côté, libres de toute obligation."
Le terroriste est arrêté, la traque va commencer. Mais que fuit vraiment Billy ?

Bon, soyons clairs : j'ai lu ce livre une grosse trentaine de fois. Je peux faire à la fois les questions, les réponses, et les transitions. A chaque fois que mon regard croise cette couverture, j'en relis des morceaux, et bien souvent, le morceau en question commence à la première ligne et finit à la dernière. Ce récit de Roger Zelazny est, pour moi, la référence de ce que devrait être la science-fiction : mélange de réel et d'imagination, de poursuite et d'introspection, d'action et de poésie, de rires et de drame, et pour finir, une petite connaissance supplémentaire sur comment fonctionne le monde et les hommes (et les femmes aussi, mais vous aviez compris !).
Mais de quoi ça parle, ce livre ? Ça parle de la solitude, du désir (et du mal) de vivre, du changement, de l'adaptation, du remord, de la culpabilité. Ça parle d'un homme qui arrive à une intersection, entre ce qu'il est, ce qu'il voulait être, ce qu'il pourra être, entre deux eaux, et qui, se croyant perdu, doit choisir entre disparaitre le plus honorablement possible (parce qu'être le dernier des Navajo, c'est presque être une légende) ou affronter son "Chindi", c'est-à-dire la partie de lui-même dont il ne veut pas, qui fait mal, qui le hante, et assumer son désir de vivre pleinement. En gros, Billy est face à son Ombre (oui, c'est très jungien) et la question est : va-t-il lui succomber ou l'assimiler ?

Bon, si ce blabla psycho-ésotérique (on ne se refait toujours pas) ne vous a pas convaincu, L'œil de chat a quand même un temps d'atouts. D'abord, l'auteur entremêle son récit de légendes Navajo, et si vous êtes honnêtes, vous reconnaitrez avec moi que ce n'est pas tous les jours qu'on nous parle de mythologie indienne ! Ensuite, R. Zelazny, c'est un cador de la science-fiction : il compte, entre autres, 6 prix Hugo, et 3 prix Nébula. Ce n'est pas pour le vanter, mais ça veut quand même dire, a priori, que cet auteur a du talent, de l'imagination, une belle écriture, qu'il sait tenir son récit, et que tout ça, ça a été reconnu par une communauté de pairs un certain nombre de fois !
Puisqu'on parle de l'écriture de cet "Œil de Chat" (oui, bon, ça, je reconnais, Zelazny ne s'est pas foulé sur le titre…), on sent bien que l'auteur a refusé de suivre une trame classique : le procédé narratif est complètement déstructuré, désorganisé, que ce soit dans le temps, dans les points de vue qui sont multiples, que dans le contenu de ce qui est écrit : on trouve des morceaux de récit à proprement parler, des communications entre les télépathes humains (qui devaient aider à arrêter le terroriste), les échanges entre Chat et Billy, des chansons qui rappellent la création du monde selon les Navajo (Billy Singer, il porte bien son nom !), des morceaux de mots mêlés condensés mais évocateurs, des slogans publicitaires à mourir de rire ("La victime de l'euthanasie dit tout" hi hi), etc… Alors j'imagine que ça ne doit pas être évident, quand on ne connait pas (moi, j'ai oublié l'époque où je ne connaissais pas ce livre !), d'entrer dans ce livre, mais si l'on accepte de se laisser porter par le récit (et ce n'est pas si évident que ça, de laisser tomber raison et logique !), on entre dans un monde parfois poétique, souvent hypnotique, mélange de récit, de rêve, de mythes, d'actions et d'humour noir ; on court après Coyote, on marche dans les pas protecteurs de Nayenezgani, le chasseur de monstres, et on participe aux rites sacrés des Indiens.
Un cocktail vraiment trop rare pour ne pas le savourer !

Seul un fou poursuivrait un Navajo
Dans le canyon de la Mort.
Seul un fou s'y rendrait
Quand les eaux font rage.
Je me rends en un lieu ancien.
Celui qui me suit doit s'y rendre aussi.
Marque-du-vent, caresse-de-la-pluie, chant, lumière,
Avec moi, sur moi, en moi, autour de moi.
Il est bon d'être un fou quand le moment est approprié.
Je suis fils du Soleil
Et de Femme-Changeante.
Je vais dans un lieu ancien.
Na-ya !

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Les éditions

  • L'Œil de chat [Texte imprimé], roman Roger Zelazny traduit de l'américain par Luc Carissimo
    de Zelazny, Roger Carissimo, Luc (Autre)
    Denoël / Présence du futur
    ISBN : 9782207303580 ; 4,99 € ; 22/04/1983 ; 256 p. ; Poche
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