Ernst Jünger: Dans les tempêtes du siècle de Julien Hervier

Ernst Jünger: Dans les tempêtes du siècle de Julien Hervier

Catégorie(s) : Littérature => Biographies, chroniques et correspondances

Critiqué par Vince92, le 20 septembre 2017 (Zürich, Inscrit le 20 octobre 2008, 47 ans)
La note : 10 étoiles
Moyenne des notes : 8 étoiles (basée sur 2 avis)
Cote pondérée : 5 étoiles (25 620ème position).
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Dans les tempêtes du siècle

Ernst Jünger est l'homme du vingtième siècle, qu’il a traversé de part en part: ayant vécu tous les événements de la période, il incarne la figure de témoin dans ses plus larges dimensions... Lorsqu’il meurt âgé de presque 103 ans en 1998, l’écrivain laisse une œuvre littéraire et intellectuelle considérable et polymorphe.
Débutée avec les récits guerriers tirés de son expérience au front, notamment l’indépassé Orages d’acier, cette œuvre prendra en effet des formes et une tonalité qui évolueront avec le temps et les expériences de l’auteur. Ecrivain politique entre les deux guerres (Le Travailleur, de nombreux articles dans la presse d’extrême-droite allemande), Jünger échappe à la tentative de récupération par l’appareil nazi et très vite prend ses distances avec lui au point de se faire des ennemis au sein des cercles dirigeants du Troisième Reich (Goebbels notamment lui tiendra une rancune tenace). En 1939, son roman Sur les falaises de marbres est le manifeste qui fait que l’écrivain entre en résistance intérieure et frôle pour cela les plus graves ennuis.
La fin de la Seconde Guerre Mondiale qui l’a vu une nouvelle fois sous l’uniforme est l’occasion pour lui d’expérimenter l’isolement et une sorte d’opprobre sous les attaques de ses ennemis de la gauche allemande qui ne voient en lui que le journaliste de la « publizist » d’extrême droite. Cependant, il parvient progressivement à rétablir la situation et sa réputation et publie de nombreux et importants textes tout au long de la seconde moitié du siècle : des romans encore (Heliopolis, Eumeswill, le Lance-pierres, Le Problème d’Aladin), son journal (dont son « journal de vieillesse, Soixante-dix s’efface » en cinq volumes), des courts essais et d’innombrables discours.
La biographie de Julien Hervier, un de ses traducteurs en France, fera sans doute autorité dans notre pays pour de très nombreuses années : précise et parfaitement documentée, elle est le support indispensable au lecteur qui veut se familiariser avec l’immense œuvre de cet écrivain qui continue parfois de souffrir d’une réputation qu’il ne mérite objectivement pas. Présenté comme un chantre du nationalisme qui a participé à l’avènement du nazisme, Jünger s’est très vite retrouvé en opposition face au régime d’Adolf Hitler. Il n’en demeure pas moins que tout en précisant ses positions, Jünger est toujours demeuré un fervent patriote : A des journalistes qui lui demandaient dans les années 1990 ce qu’il regrettait à propos du premier conflit mondial, sa réponse fut à l’opposé du politiquement correct : « que nous l’ayons perdue »…
Un bien beau livre donné au lecteur : par son intelligence, sa rigueur et ses détails, accompagné d’une empathie certaine pour son sujet, Julien Hervier comble un vide dans l’histoire littéraire en expliquant au lecteur français les arcanes de l’œuvre et de la vie d’Ernst Jünger.

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Les éditions

  • Ernst Jünger [Texte imprimé], Dans les tempêtes du siècle
    de Hervier, Julien
    Fayard / Biographies Littéraires
    ISBN : 9782213643632 ; 58,78 € ; 15/01/2014 ; 500 p. ; Broché
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Monument littéraire

6 étoiles

Critique de CC.RIDER (, Inscrit le 31 octobre 2005, 66 ans) - 27 juillet 2024

Ernst Jünger (1895-1998) commença à écrire dès l’âge de 14 ans et produisit ses dernières pages à celui de 101 ans. Lors de la première guerre mondiale, il se révéla être un combattant héroïque. 14 fois blessé, il échappa par miracle à la mort et fut le dernier titulaire de l’ordre « Pour le mérite », créé par Frédéric II de Prusse. Il passa au total quinze années sous les drapeaux et le reste de sa vie à lire et à écrire. Issu d’un milieu d’aisance récente, il avait six frères et une sœur. Élève solitaire et assez médiocre, il se réfugiait souvent dans la lecture. Très jeune, il finit par fuguer pour s’engager dans la Légion, histoire d’aller voyager en Afrique. Mais il est récupéré par sa famille six semaines plus tard. L’année suivante, il s’engage dans l’armée pour ne pas avoir à terminer ses études. La guerre venue, il se retrouve sur le front. Il participe activement à la bataille de la Somme. Alors qu’il est en train de déjeuner, il est blessé par un éclat de shrapnell et évacué vers l’arrière pour y être soigné, ce qui lui permet de ne pas se retrouver mêlé à une offensive meurtrière dont quasiment aucun de ses camarades de combat ne réchappera. Il participera également à la seconde guerre mondiale, mais de manière plus agréable, en suivant de loin les troupes et en séjournant à l’état-major parisien, ce qui lui permettra de fréquenter les meilleurs endroits de la capitale, toute l’intelligentsia et les puissants de l’époque…
« Ernst Jünger, dans les tempêtes du siècle » est la biographie particulièrement détaillée de l’un des écrivains allemands les plus prolifiques et les plus récompensés du siècle passé. Il aborda de nombreux sujets (la guerre avec « Orages d’acier », mais aussi la politique, la philosophie et même le fantastique et la science-fiction avec « Héliopolis » et autres) et utilisa diverses formes littéraires (le récit, le journal intime, l’essai, le roman, le conte voire la parabole). Le lecteur apprendra beaucoup de choses sur l’écrivain perfectionniste qu’il était (il proposa pas moins de sept versions différentes d'« Orages d’acier »), sur sa passion pour l’entomologie et les voyages un peu partout sur la planète. Il découvrira qu’il fut inquiété après guerre lors de la période de dénazification de l’Allemagne de l’Ouest. Il ne s’était pas compromis avec les nazis, avait même refusé tout soutien ou collaboration alors qu’il était porté aux nues par eux comme héros national et pourtant les Britanniques lui infligèrent une interdiction de publier qu’il contourna d’ailleurs en allant s’installer dans la zone française d’occupation où il put s’exprimer sans problème. Ouvrage intéressant, mais de lecture un brin laborieuse. L’auteur ne se contente pas de raconter la vie de l’écrivain, il analyse un peu trop longuement chacune de ses œuvres, lesquelles furent fort nombreuses et souvent redondantes.

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