La petite communiste qui ne souriait jamais de Lola Lafon
Catégorie(s) : Littérature => Francophone
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10/10
Nadia Comaneci… La fillette qui défia la machine et reçu un 10 aux jeux olympiques de 1976. La note que personne n’a jamais reçue, la perfection, un sans-faute. Comme ce livre.
Le lecteur suit la vie de Nadia, de fillette à adolescente jusqu’à son passage aux Etats-Unis deux semaines avant la fin du régime roumain en 1989. Comment cette athlète reconnue dans le monde entier a pu être vénérée par le peuple roumain, et quelles ont été ses peurs intérieures.
On imagine un haut niveau sportif forcement combiné avec une soif de compétition. Non, Nadia vise la perfection et son esprit la porte à un entrainement jusqu’à l’épuisement pour ne pas se soucier des autres, leur niveau n’étant de toute manière pas à la hauteur.
Est-ce que les athlètes des pays de l’est ont plus souffert que celles de l’ouest ? La vision suffisamment différente de la conception du monde explique : les jeunes filles américaines sont noyées dans les dettes de leurs parents et sont tentées par la nourriture abondante pour finalement avoir une telle pression des sponsors qu’elles sont moins performantes que les roumaines qui ont un entrainement gratuit, peu de séduction par la nourriture et ne reçoivent pas d’argent du système.
L’adolescence est vue par Nadia comme une maladie qui la fait grossir et perdre sa sveltesse enfantine. La pression des medias étrangers est aberrante : le public s’étonne que Nadia vieillisse et que son corps change !
Ce livre présente le delta entre les pensées internes, privées, la vision des médias, le rapport avec l’entraineur et avec le régime politique, mais aussi la vie des roumains de tous les jours, ces inconnus qui ont aimé Nadia pour finalement ne plus la reconnaitre dans le métro.
Pour ceux qui ont aimé Wunderkind de N. Grozny.
Les éditions
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La petite communiste qui ne souriait jamais
de Lafon, Lola
Actes Sud
ISBN : 9782330027285 ; 21,00 € ; 08/01/2014 ; 272 p. ; Broché
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Les critiques éclairs (10)
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Dommage !
Critique de Monocle (tournai, Inscrit le 19 février 2010, 64 ans) - 6 avril 2016
Les russes ont fasciné le monde avec spoutnik et, comme les Etats Unis, ils garderont leur supériorité militaire. La Roumanie avec ses fillettes missiles a fait le show le plus fascinant... mais à quel prix ?
Quand on pose à Nadia la question sur son enfance et les sacrifices consentis elle répond :" Sacrifier mon enfance ? Ah. J'ai raté quoi exactement, de si fantastique ? Aller traîner dans les cafés ? Faire du shopping ? Sortir avec des garçons avant d'être prête à le faire ? Les jeux vidéos ? Facebook ? Qu'est ce qu'on fait entre six et seize ans que j'ai raté ? Si j'avais eu votre vie normale, je serais quoi aujourd'hui ?
Le contenu de ce livre m'a donc profondément touché mais la forme du texte m'a déplu. Dommage !
Roumanie et Nadia Comaneci
Critique de Tistou (, Inscrit le 10 mai 2004, 68 ans) - 1 juillet 2015
Elle nous explique aussi, dans cet entretien, que l’idée du roman – car il s’agit bien d’une fiction, encastrée dans la réalité avec tous les intervenants réels aux dates réelles – lui est venue à la lecture d’une Une de Libération en Juillet 1980, pendant les Jeux Olympiques de Moscou, au sujet de Nadia Comaneci : « La petite fille s’est muée en femme. Verdict : la magie est tombée. »
Nadia Comaneci n’avait alors que 18 ans ! Et ce terme de verdict – à la suite de quelle accusation ? – l’a fait réagir. Apparemment, passer de petite fille fiancée du monde entier au statut de femme athlète était le crime. Le crime ?
Lola Lafon raconte donc « sa » Nadia Comaneci, tout en précisant bien qu’il s’agit de la sienne. Pas forcément de la vraie ! Situation alambiquée et difficile à intégrer.
Autrement dit la vie réelle et connue – la biographie – de Nadia Comaneci fournit un cadre, un squelette auquel Lola Lafon fournit la chair, en réinterprétant, réinventant tout. Alors vrai ? Faux ? Pour un personnage aussi controversé que Nadia Comaneci, qui fut l’otage du régime Ceaucescu ? La victime du régime Ceaucescu ? Une complice consentante du régime Ceaucescu ? C’est ambigu. Mais Lola Lafon joue franc jeu. Elle le reconnait puisque précise les choses d’entrée. D’ailleurs Nadia Comaneci sera systématiquement appelée Nadia C.. C. comme un bout, un commencement de la vérité ?
Lola Lafon raconte qu’elle envoyait ses chapitres au fur et à mesure à Nadia Comaneci et qu’elles échangeaient sur leur teneur. Drôle de situation tout de même. Mais raconter Nadia Comaneci et l’enfance en Roumanie, une enfance que Lola Lafon a connue, lui tenait visiblement à cœur.
C’est d’ailleurs en fait aussi un roman sur la vie en Roumanie « en ce temps là ». Et c’était une moche vie. Indéniablement. Même si Nadia Comaneci dans les commentaires qu’elle donnera suite aux lectures des différents chapitres – et que Lola Lafon intègre par moments dans son roman – insiste sur le fait qu’au-delà du cliché occidental sur la vie grise et sans âme des pays du bloc communiste de l’époque, on vivait tout de même en Roumanie. Des gens s’aimaient, riaient, vivaient une vie simple. Aussi. En plus du reste, qui lui n’était pas reluisant.
Une œuvre qui sort de l’ordinaire et qui n’intéressera pas que les fondus de gymnastique ou les nostalgiques de la petite fiancée du monde entier en été 1976.
Déroutant
Critique de Hamilcar (PARIS, Inscrit le 1 septembre 2010, 69 ans) - 11 mai 2015
Lecture décevante, des plus désagréable...
Critique de FranBlan (Montréal, Québec, Inscrite le 28 août 2004, 82 ans) - 17 septembre 2014
Un roman où s'entrechoquent performance physique, capitalisme, communisme, tyrannie du corps et de la jeunesse.
Roman, biographie, essai: le livre de Lola Lafon diversifie les approches et aborde des sujets multiples à travers l'histoire de Nadia Comaneci au-delà de la performance sportive, la fin de l'enfance, la féminité, la dictature…
La construction est intéressante, mettant en regard l'histoire racontée et le récit en train de se faire, la démarche d'écriture, grâce à la Nadia Comaneci fictive qui lit les chapitres de Lola Lafon au fur et à mesure qu'ils sont écrits et donne son avis. Ces conversations permettent un jeu sur réalité et fiction, en fonctionnant comme des documents alors qu'on sait que tout est inventé : pourquoi pas, mais ça ne va pas très loin.
Les vrilles et les coups de pied à la lune ne sont pas que l'affaire de l'athlète défiant la gravité, mais aussi celle de l'écriture, qui s'embrase dans l'action, escamotant la ponctuation et les dialogues pour mieux conserver son élan.
Dès les premières lignes, j’ai été agressée par les tentatives d'oralité maladroites et ratées, l’usage excessif des points d'exclamation et de suspension, beaucoup de "oh" qui sonnent faux.
Le livre est également victime de redondances, il traîne en longueur alors qu'il aurait pu dire la même chose avec 100 pages de moins.
En résumé, il y a surtout un véritable problème de style. L'écriture de Lola Lafon est facile à lire, mais souvent désagréable: non seulement c'est mal écrit, mais en plus ça devient ennuyeux.
Biographie imaginée
Critique de Saint Jean-Baptiste (Ottignies, Inscrit le 23 juillet 2003, 88 ans) - 27 août 2014
Ce qui m'a surtout intéressé c'est ce qu'elle dit de la vie « des dieux du stade » en Roumanie sous Ceaușescu et, particulièrement, la manipulation du phénomène Nadia C. par le régime. On peut croire qu'elle sait de quoi elle parle puisqu'elle a mené une enquête et qu'elle a vécu à Bucarest sous le régime du dictateur.
Mais, mon Dieu, que c'est mal écrit ! Je suppose que l'auteur(e) a voulu, par son style, évoquer les pirouettes de la petite fée sur ses tremplins : les mots sont télescopés, jetés en l'air... souvent les phrases sont inachevées, parfois sans sujet ou sans verbe, ou bien, carrément, elles sont composées de deux mots entre deux points. A la longue, j'ai trouvé ça insupportable. A mon avis, il aurait fallu un style parfait pour évoquer ce que fut la perfection des prouesses de la fabuleuse petite gymnase.
Mais je vois, dans certaines critiques, que d'aucuns ont apprécié cette écriture ; alors c'est une affaire de goût. Certes ! mais moi, qui suis décidément de la vieille école, ça m'a crispé, au point que j'étais impatient d'avoir terminé ce « roman ».
Je n'ai pas regretté de l'avoir lu, ça m'a rappelé les merveilleuses prestations de la petite fée de Montréal. Mais, à part le petit bonheur de se souvenir, et les quelques considérations sur les régimes totalitaires – qui ne seraient pas si horribles qu'on ne se l'imagine – je me suis diverti, un peu mais, j'ai aussi l'impression d'avoir un peu perdu mon temps.
JO de Montréal 1976 : j'ai fait un rêve ...
Critique de BMR & MAM (Paris, Inscrit le 27 avril 2007, 64 ans) - 3 juin 2014
Mais la dame rebelle tendance anarcho-féministe est aussi écrivain tendance bobo-parisienne. Cela fait un moment que l'on tournait avec méfiance autour de son roman très en vogue en ce moment : La petite communiste qui ne souriait jamais.
Mais c’est une bio romancée comme on les aime (façon Jean Échenoz ou Patrick Deville).
Et puis mince, ça parle quand même de Nadia Comăneci ! La petite gymnaste roumaine qui en 1976 fit tourner les têtes de presque toute la planète, dont les nôtres. Allez, c’est parti.
Lola Lafon était à peine née lors des JO de 76 mais elle a grandi quelques années de l'autre côté du rideau de fer, en Roumanie elle aussi. Et dans une interview, on peut lire d'elle :
[...] Quand je suis arrivée en France, ayant été élevée dans un autre système, j’ai été très brutalisée par la consommation.
J’avais 13 ans et je n’avais jamais vu quelqu’un dormir dehors. Ça m’a bouleversée.
Voilà, ça c’est dit. Mais revenons à la petite Nadia.
En 1976 donc, aux JO de Montréal et en pleine guerre froide, la roumaine de 14 ans s'élance sur les barres asymétriques.
Après quelques minutes de sauts et virevoltes, les notes des juges tombent ... et les ordinateurs s'affolent, ils n'arrivent pas à afficher la note. Un 10,0 ? Mais ça n'était pas prévu, impossible avait-on dit, le mieux qu'on puisse faire sur l'écran c'est 1,00 - ça vous va ? Ben non, pas vraiment.
Bien entendu ce bouquin rappelle la bio romancée de Zatopek par Échenoz dans son roman Courir.
Et les parallèles (comme les barres, ah ah) sont nombreux : même époque, même athlétisme venu des pays communistes, même épopée politico-sportive de l'Est contre l'Ouest, mêmes souvenirs … et mêmes désillusions.
Même style d'écriture également : ce n'est pas pour nous déplaire et c'est un sacré compliment pour dame Lola. On retrouve sous sa plume les mêmes petites phrases sèches, d'apparence anodine mais qui font mouche presque à chaque point.
Dans ce genre de bio romancée, peu importe les libertés prises par l'auteure avec la réalité : les événements historiques sont respectés, le reste est imaginé. C'est un roman : ni un reportage ni une thèse. Cette littérature nous permet de rêver à l'histoire de Nadia ou plus exactement de reprendre notre rêve oublié depuis 1976.
Bien sûr il est question des corps.
Des corps de ces très jeunes filles, des corps un peu androgynes, et terriblement désirables quand ils réussissent à s'affranchir des pesanteurs et des contingences qui sont notre lot commun.
Nadia Comăneci avait 14 ans sur la poutre à Montréal en 1976. La même année, Jodie Foster avait 14 ans dans le film de Martin Scorcese. Brooke Shields aura 12 ans en 1978 dans le film de Louis Malle : toute une époque inimaginable aujourd'hui, dans ce monde actuel que l'on croit parfois si débridé mais qui s'avère finalement si bien pensant.
Dans les années 90, l'âge minimum pour participer aux JO sera remonté à 15 puis 16 ans.
Il y a Nadia et il y a son entraîneur et mentor : Béla. Un gros homme fantasque et fantastique qui (tout comme nous) semble vivre son rêve par procuration avec ‘ses filles’.
Contrairement à ce qu’on imagine, on n’est pas du tout (du moins jusqu’aux JO de 76) dans une usine soviétique à sportives boostées aux hormones : du fin fond de sa lointaine province moldave, Béla va même devoir batailler ferme pour réussir à intégrer ‘ses filles’ dans l’équipe nationale. Cette première partie du bouquin (et de l’Histoire) c’est du rêve à l’état pur.
Un entraînement impitoyable, une nourriture spartiate et une volonté inflexible dans un corps d’ange souple. Jusqu’à l’apothéose de Montréal.
Après le succès miraculeux, viendront les temps difficiles et les désillusions : évidemment mais on voulait l’oublier, Nadia grandit, grossit, devient jeune fille (elle a même des règles !).
Béla perd son entregent avec les apparatchiks, la Securității devient pire que la Stasi, Nadia se compromet avec le fils du dictateur éclairé qui devient de plus en plus sombre, … sic transit gloria mundi.
Le bouquin est un peu inégal qui alterne des chapitres au souffle épique et d’autres qui se perdent parfois dans des méandres plus introspectifs. Le récit ne semble pas toujours totalement maîtrisé et c’est tout juste ce qui nous retiendra d’épingler un coup de cœur sur la superbe histoire de Nadia Comăneci.
Mais que cela ne vous serve pas d’excuse pour passer à côté de cette lecture indispensable !
La femme poupée
Critique de Saule (Bruxelles, Inscrit le 13 avril 2001, 59 ans) - 22 avril 2014
L'autre personnage qui domine ce roman, c'est celui de Ceaucesu et de sa femme (et de leur fils, le roitelet, qui lui aussi s'appropria Nadia C). Un dictateur mythomane qui affamait son propre peuple (pour le bien de son peuple, disait-il) et qui avait imposé une politique de reproduction complètement dingue.
Outre l'aspect du sport et de la dictature des médias sur le corps, un aspect très intéressant dans ce livre est la mise en perspective du regard négatif que l'occident a toujours eu sur les pays des blocs de l'est. D'une part on voit que la fabrique à faire des championnes de l'Est n'est pas nécessairement pire que ce qui se fait à l'Ouest et d'autre part, d'un point de vue économique, malgré les aberrations et le manque de liberté, les jeunes de l'est pourraient bien avoir une nostalgie d'un passé où tout le monde était pauvre, vu la désillusion par rapport à un système libéral où l'on est libre de tout acheter sauf qu'on n'en a pas les moyens.
Bref au final un livre très riche, qui m'a procuré un très bon moment de lecture, tout en ré-ouvrant une part de l'histoire que je trouve passionnante. Vraiment une belle découverte grâce à critiqueslibres !
Nadia Comaneci ou le 10 parfait.
Critique de Bluewitch (Charleroi, Inscrite le 20 février 2001, 45 ans) - 1 avril 2014
Nadia, la petite communiste au visage insondable qui ne sourit (presque) jamais, devient l’instrument involontaire du régime Ceauçescu qui voit en sa perfection un moyen idéal d’afficher sa grandeur aux yeux du monde. Icône manipulée, la magie qui l’entoure se voit rapidement ébranlée par l’essor de sa féminité. L’enfant devient femme et nombreux, dans les médias, sont ceux qui y voient la déchéance du mythe, du rêve. C’est ainsi que titre un quotidien français… qui inspirera d’ailleurs à l’auteur de se plonger dans l’histoire de la gymnaste la plus célèbre de son époque.
Inventant les silences, réinterrogeant à juste titre les versions officielles, fantasmant un dialogue avec Nadia C., l’auteur donne à sa narratrice la voix des questions que d’aucuns ont dû se poser. Soulignant les paradoxes des réactions bien pensantes de l’Ouest qui, malgré tout, s’inquiétait des pratiques des usines à jeunes gymnases de l’Est (pour s’accaparer néanmoins ses entraîneurs après la chute du mur de Berlin) ; osant confronter les visions contrastées ou nuancées du communisme honni par l’hypocrite démocratie occidentale ; s’étonnant des zones d’ombre laissées par Nadia elle-même ; sondant la vision fantasmée et sans concession d’un "public" prêt à vénérer comme à conspuer : ce n’est pas seulement un destin qui est évoqué mais son écho multiple dans la société politique, sportive, économique des années quatre-vingt.
Parcours complexe et captivant que celui de Nadia Comaneci. Parcours tout aussi complexe que celui de son image. Poupée d’un temps, bousculant l’imaginaire, femme raillée et admirée, femme jugée ou incomprise. Lola Lafon lui donne une place de choix entre ses lignes, évitant le parti pris, jouant tout autant des évidences que des inconnues, brassant avec style souvenirs et témoignages, dépeignant des portraits abrupts mais fascinants. Aborder le régime Ceauçescu et le mettre en corrélation avec notre démocratie ultra-libéraliste est d’une pertinence douloureuse.
La petite communiste qui ne souriait jamais est un roman où il est question d’ascensions et de chutes, comme les inextricables vases communiquant de l’Histoire. Des ascensions et des chutes dans cette grande comédie qui se joue depuis tant de temps, faisant tomber les idoles qu’on balaie comme des veaux d’or devenus soudain des statuettes de pacotille.
Et pourtant, comment ne pas dire "Merci, Nadia C." ? Et merci Lola L.
Grandeur et décadence de Nadia Comaneci
Critique de Rotko (Avrillé, Inscrit le 22 septembre 2002, 50 ans) - 28 mars 2014
Un double récit
- l’auteur parle de Nadia Comaneci, de la révélation d‘une athlète de 14 ans, de sa gloire, de son relatif oubli, et de sa vie post-gymnique, un drame avec grandeur, déclin, et décadence.
- un échange fictif entre l’auteur et le personnage, ce qui permet de relativiser des informations et de modérer des points de vue, occidentaux par exemple. Ce sera au lecteur de juger dans le procès souvent injuste, en tout cas brutal, fait à la Lolita olympique.
Tout commence par la « révélation de 1976 » aux jeux olympiques de Montréal où les juges, le public et les medias assistent au triomphe de la gymnaste pré pubère : elle ose des figures acrobatiques inédites et périlleuses qu’elle réussit avec aisance et élégance. L’engouement est mondial, relayé par les télévisions qui passent au ralenti les prestations parfaites dont les saltos arrière sur l’étroite bande de la poutre.
Tout cela est le fruit d’un entraînement méthodique avec Béla, entraîneur hongrois dans une petite ville de province, qui a su imposer / proposer un régime alimentaire, une technique, forger chez les gamines un « mental » à toute épreuve. Tout est minuté et adapté, choix des figures avec échelles de difficulté, chorégraphies spécifiques, avec des interprètes jusqu’alors absentes, à cause de leur jeune âge , des grandes compétitions nationales et internationales.
Le retentissement franchit les frontières, séduit les mères , et fait rêver des fillettes, toutes prêtes à s’identifier à la star acrobate, que ce soit aux USA ou dans sa Roumanie natale où ses triomphes éclipsent les gymnastes russes : avec Nadia Comaneci, héroïne gracieuse et gracile, la Roumanie conquiert son identité contre le modèle soviétique, son idéologie, ses jeunes et puissantes athlètes en vitrine.
Nadia devient le symbole nationaliste de la Roumanie vs Russie, en une rivalité qui laisse voir la corruption officielle et officieuse des jurys de compétition.
Le gouvernement de Ceausescu en tire les bénéfices matériels, moraux et idéologiques. Il contrôle les déplacements de la nymphette et veut assurer l’exclusivité de l’entraînement, quitte à fonder une politique du sport, autoritaire comme celle de la famille, et de l’alimentation. Tout devient une mise en scène,
Hélas, péripétie imparable, la transformation du corps de Nadia, une féminité qui apparaît inopportune comme une « maladie », entraîne une désaffection médiatique,
C’est alors le temps des critiques, le désenchantement est à la mesure du triomphe initial, le procès se fait sur tous les terrains :
La star se banalise, se survit, c‘est un « corps valise » de la Roumanie, associé au pouvoir , objet d’une récupération politique ; Au vu des épisodes ultérieurs on s‘interroge :
- fut-elle une opportuniste ou la victime d’un système d’État dont elle illustre les rouages de la mise en scène ?
- Une proie pour les managers, et les différents medias ?
La double structure du récit laisse le lecteur choisir sa solution, sans céder aux clichés médiatiques et/ou idéologiques. J’ai préféré la première partie à la seconde qui tournait à une enquête brouillonne sur la Roumanie.
Le dix de Nadia
Critique de Nadia Hérisson (, Inscrite le 27 février 2014, 37 ans) - 27 février 2014
J’ai de la chance. Mon métier est de découvrir ces pépites. C’est ma passion, mon obsession. Alors je lis, je cherche et parfois je trouve. Pour cette rentrée littéraire, nous avons de la chance. Il y a tant de livres à lire et de pépites probables à dénicher.
Caché sous un titre que certains qualifieront de trop à la mode, La petite communiste qui ne souriait jamais est ce petit bijou que j’attendais. Ce livre que je vais recommander pour que tout le monde puisse avoir la chance de le lire.
L’histoire: Dans un style impeccable qui oscille entre la biographie et le roman d’aventure, ce livre est un hommage bouleversant à une petite héroïne des années soixante-dix, quatre vingt, la gymnaste Nadia Comaneci. Son parcours, son ascension soudaine vers la gloire et l’admiration, sa chute vers le mépris et le souvenir.
Pour ceux qui ne connaissent pas, arrêtons un instant sur ce personnage. Née en 1961 à Onesti, Nadia C. est la première gymnaste à avoir obtenu le 10 en compétitions olympiques. Les plus âgés d’entre nous se rappelleront avec fascination, ce petit corps agile évoluer avec grâce sur la poutre, faisant frissonner les spectateurs en exécutant des figures que l’on pensait irréalisables. Nadia C. est alors une poupée, un bébé d’à peine 13 ans admiré de la foule. (Pour ceux qui ne connaissent pas voici un lien pour admirer ses exploits aux JO de Montréal en 1976 : http://www.youtube.com/watch?v=u9Kaf3fdxGo )
Le roman s’ouvre de manière exceptionnelle et laisse son empreinte pour tout le reste de l’histoire. Le 10 de Nadia à Montréal. La précision, la grâce dont fait preuve la jeune gymnaste sont retranscrites de manière magistrale par Lola Lafon.
Il s’agit plus que d’un roman. Une biographie romancée. Les noms, les dates, les événements sont exacts. Lola Lafon n’a pas simplement retranscrit l’histoire. Elle voulut remplir les vides et les silences, décrire les mystères de ce personnage. Voulut comprendre le comment et le pourquoi.
On découvre l’admiration de cette auteur pour la gymnaste et on se surprend à l’aimer nous aussi. Si elle n’a jamais rencontré Nadia, elle le fait à travers ce livre grâce aux conversations fictives entre le narrateur et la petite fille devenue femme. On sent toute la volonté de Lola pour faire valider ce texte par Nadia, mais aussi de la comprendre. Débat, dispute pour faire avancer le roman.
Mais : Le roman se mêle aussi de la grande Histoire. Celle Roumanie, Celle dictature de Ceaușescu. Grâce à son enfance passée à Bucarest, l’auteur arrive une fois de plus à nous éblouir avec la précision de ses descriptions. Un roman haletant à l’atmosphère oppressante jusqu’au bout. C’est la force de Lola Lafon, nous faire tenir jusqu’à la dernière ligne.
La petite communiste qui ne souriait jamais, un livre précis, efficace et gracieux, à lire et à relire.
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Un sourire quand même | 5 | Yotoga | 22 avril 2014 @ 22:00 |
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