Côme de Srdjan Valjarević
(Komo)
Catégorie(s) : Littérature => Européenne non-francophone
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Elément autobiographique en pente douce
En pente douce est la qualification qui me vient le plus spontanément à l’esprit après avoir refermé la dernière page de « Côme ». « Côme » qui, par ailleurs, se lit très naturellement, doucement, nullement stressé par une intrigue ou de la violence – il n’y a ni de l’une ni de l’autre – juste amusé par ce narrateur cabossé par les déchirements yougoslaves, qui se reconstitue doucement (décidément !) au bord du lac de Côme.
Srdjan Valjarevic est poète – écrivain serbe, vivant à Belgrade et ayant connu à ce titre les violences associées à l’éclatement de l’ex-Yougoslavie. Il semblerait que l’épisode relaté dans « Côme » soit relativement autobiographique. Notre homme, qui vivote de chroniques et de poèmes mal payés dans quelques journaux –revues à Belgrade, se voit invité –les circonstances ne sont pas explicitées – par la Fondation Rockfeller à passer un mois à la Villa Serbelloni, sur les hauteurs du lac de Côme, du côté de Bellagio. (C’est là qu’apparemment des scientifiques, des artistes, des professeurs de renom, des écrivains sont conviés j’imagine dans le cadre d’une Bourse Rockfeller)
C’est un fait que Srdjan Valjarevic a passé un mois à la Villa Serbelloni en 1998.
Et c’est le départ de Belgrade ainsi que le mois passé, en pente douce, là-bas qui est le sujet du roman. A quelque distance de la lecture proprement dite, me la remémorant pour en faire cette critique, l’impression qui me vient est celle d’une brume vaporeuse qui noierait les détails, qui poserait son halo sur tout ce sur quoi elle s’est posée, un peu comme si la vie de Srdjan Valjarevic avait été mise entre parenthèses, en suspension, pendant un mois et qu’il avait tenté de nous la décrire …
C’est qu’il faut imaginer ce jeune poète famélique tendance alcoolique, échaudé par la situation de quasi guerre qui règne ou a régné à Belgrade, les privations, la pauvreté, tout à coup hébergé à grands frais dans une villa luxueuse, dans un cadre idyllique et d’un calme alpin, au milieu de scientifiques, d’artistes, tous plus vieux que lui, en provenance aussi bien des USA que d’Afrique ou d’Asie. Il détonne manifestement un peu. Il s’en rend évidemment compte et gère la situation comme il le peut.
C’est ce récit d’une en quelque sorte « normalisation », retour au calme, que nous fait Srdjan Valjarevic, à base de petits riens, des rencontres qu’il fait au sein de la Villa Serbelloni comme aux cafés de la petite ville attenante, de ses sorties dans la belle nature alpine italienne.
C’est crédible et nous voyons peu à peu le Serbe traumatisé s’apaiser et reprendre un rythme de vie moins « speed ».
Agréable et inattendu. Belle originalité.
Les éditions
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Côme [Texte imprimé], roman Srdjan Valjarević traduit du serbe par Aleksandar Grujičić
de Valjarević, Srdjan Grujičić, Aleksandar (Traducteur)
Actes Sud / Lettres balkaniques
ISBN : 9782742795314 ; 22,20 € ; 05/01/2011 ; 280 p. ; Broché
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Les critiques éclairs (7)
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La parenthèse inattendue
Critique de Marvic (Normandie, Inscrite le 23 novembre 2008, 66 ans) - 2 octobre 2014
J'ai trouvé que cela correspondait bien à ce qui arrivait au jeune écrivain serbe arrivant à la villa Serbelloni à Bellagio qui a la chance de se voir offrir un mois de résidence sur les rives du lac de Côme.
Déconcerté par la beauté du décor, par la richesse des lieux, par le niveau des résidents... et la quantité impressionnante et illimitée d'alcools.
"J'étais arrivé là en laissant derrière moi un lieu où les horreurs étaient une constante, les horreurs que les gens s'infligent les uns aux autres. Le monde, des horreurs à foison, toujours. Partout."
Moi aussi, en commençant la lecture, je me suis posée la question de l'intérêt d'un tel livre. Le héros se promène, le héros boit, le héros rencontre des tas de gens, le héros boit...
Puis au cours des balades, arrivent les plaisirs sensitifs: la vue, le goût, l'odorat, une prise de conscience écologique...
"J'avais de la chance avec le temps, l'air était limpide, il faisait clair et ensoleillé. Je me régalais de ce que je mangeais. Je regardais les Alpes, mais de tout près, à présent. Des lieux pas encore dégradés, qui n'ont aucune utilité et qu'on ne sait pas par conséquent comment corrompre."
On commence à être touché par l'émotion du promeneur dans ces paysages somptueux.
Mais indéniablement, ce sont les relations humaines qu'il tissera avec des personnages aussi divers que Alda serveuse dans un bar, Augusto, patron d'un autre, Me Rosemary, M. Sommerman, résidents de la colline, et aussi Mahatma, Grégorio...
Le décalage se crée en douceur entre l'épicurisme décidé et la générosité humaine du jeune serbe. Tout doucement, on oublie qu'on avait trouvé la lecture vaine au début pour finir par admirer et être touché par cet étrange alcoolique.
une bouffée d'oxygène, et un verre de vin
Critique de Ellane92 (Boulogne-Billancourt, Inscrite le 26 avril 2012, 49 ans) - 25 septembre 2014
Ce que j'ai aimé ce petit livre de Valjarevic !!! J'ai fait le plein de fraicheur et de naïveté, de bon sens, et de "retour aux sources".
Le livre est découpé en trente chapitres, un pour chaque jour passé à la villa, et le narrateur nous raconte, par le menu, le contenu de ses journées.
Le début est assez amusant : le narrateur découvre le paysage magnifique et sauvage de Bellagio, entre lac et forêt, le luxe de son studio, le vin et la gastronomie italiennes… et les autres habitants de la villa : chercheurs, écrivains, poètes, musiciens… toute une élite internationale. Et notre narrateur, petit écrivaillon d'un petit pays bien loin de la douceur de vivre italienne, se sent comme un imposteur face à tout ce luxe et toutes ces sommités. Mais un imposteur bien décidé à profiter de ce qu'on lui offre. Il se lève donc à des heures improbables, au grand dam de la femme de ménage, profite de tous les repas, passe ses soirées à s'enivrer, se couche à pas d'heure, en compagnie de son petit transistor, puis recommence. Et surtout, il évite tous ces grands intellectuels ou artistes venus des cinq continents "Etre idiot et immature, c'était une position idéale pour moi, on n'embête pas les gens qui sont ainsi faits."
Et puis, au fur et à mesure, ce jeune homme s'apaise et se reconstruit. Il va commencer à s'ouvrir aux autres, les serveurs de la villa pour commencer, mais aussi un vieux biologiste renommé venu à la villa avec sa femme, la serveuse d'un bar de la ville, qu'il fréquente quand il fait "le mur", avec il ne communique que par dessin, le gérant d'un autre bar, fervent supporter de la "juv",! Et puis, sans en avoir l'air, il va commencer à construire des ponts avec et entre les autres, les gens d'en haut (de la villa Maranese) et ceux d'en bas (de la ville) par exemple, ou entre un vieil homme et son rêve (un passage magnifique).
Parenthèse enchantée, petit leçon de vie pleine de douceur qu'on lit le sourire aux lèvres, j'aurais aimé que ces trente jours sur le lac de Côme durent plus longtemps et que soit épargné à ce narrateur ma foi très sympathique le retour à la réalité de son pays. Mais bon, rien ne m'empêche, à mon tour, d'aller me perdre et me trouver aux alentours du lac de Côme ! "Comment ressentir chaque jour la joie de vivre ? Ne pas se cacher, ne pas avoir trop d'assurance, être modeste, ne prendre que de petites décisions, marcher beaucoup, rire à ses propres dépens."
Faire le vide...
Critique de Myrco (village de l'Orne, Inscrite le 11 juin 2011, 75 ans) - 3 septembre 2014
D'abord, le propos m'est apparu assez plat, superficiel, répétitif et sans grand intérêt. Cela tournait un peu en rond et la tête commençait à me tourner aussi dans le mélange des vapeurs d'alcool et la valse des invités de la villa qui n'arrêtaient pas d'arriver ou de partir. Puis pour être franche, bien que l'inspiration me paraisse assez mince et l'écriture honnête sans plus (mais qu'en est-il de la langue originale ?), je n'ai pas pour autant détesté ce livre. J'ai fini par m'attacher un peu à cet auteur/narrateur plutôt sympathique, un peu égaré dans un monde qui n'est pas le sien, un personnage simple et authentique qui se révèle assez vite si peu soucieux des faux-semblants, un personnage qui porte sur le monde un regard désabusé (p 143) et nous révèle sa sensibilité à travers quelques moments de grâce éphémères (l'arbre malade et l'oiseau, le vol de l'aigle, le souvenir de la mélodie des cloches de son enfance...).
Malgré cela et quelques détails pittoresques sur la vie locale, je me suis quand même demandé ce qui avait bien pu faire la réputation de ce livre, s'il faut en croire l'éditeur (?) "déjà culte en Serbie, qui a connu plusieurs prix ainsi que maintes éditions et traductions".
Je me suis souvenue de ces quelques lignes au début du roman: "la situation en Serbie était vraiment mauvaise, terrible à vrai dire" et plus loin "je me disais que ce n'était quand même pas mal de se laisser surprendre par la vie car sans ces évènements inattendus, j'aurais déjà plongé dans la folie". Peut-être aura-t-il touché chez ses compatriotes de l'ex-Yougoslavie une corde sensible dans le contexte d'une Histoire contemporaine ravagée, déchirée. En s'éclipsant d'une réalité médiocre, difficile, pour atterrir de manière inespérée dans un autre monde d'autant plus paradisiaque qu'il en rejetait les contraintes, il aura joui d'une bouffée d'air frais, d'un temps d'évasion, précieux avant de reprendre le cours de "l'inévitable", un temps de respiration que ses lecteurs issus du même contexte auront eu envie de partager avec lui... une forme de vide positif en quelque sorte, vide mais pas si insignifiant.
En ce qui me concerne, je n'aurais probablement jamais lu ce roman s'il n'avait fait partie de la sélection "Découverte roman étranger" du Prix C.L. Mais autant j'avais découvert avec plaisir et intérêt l'auteur serbe Goran Petrovic dans la sélection de l'an passé avec l'intention d'y revenir, autant je ne pense pas revenir à celui-ci dont je n'ai pas trouvé la "voix (si) singulière".
Un écrivain serbe au bord du lac de Côme
Critique de Pucksimberg (Toulon, Inscrit le 14 août 2011, 44 ans) - 27 juillet 2014
Dans ce roman, ce sont deux univers qui se rencontrent, celui des intellectuels et des savants et celui du commun des mortels vivant dans une plus grande authenticité. Lorsque l'auteur décrit les scènes de repas à la Villa, l'on imagine très bien une petite société mondaine où il est de bon ton de parler littérature et musique, une atmosphère à la Proust où sont donnés des concerts auxquels il faut assister parce que l'on se doit d'y assister ... Le personnage principal reste en marge et ne parvient pas à pénétrer totalement dans cet univers même s'il s'y habitue progressivement. Ayant vécu le déchirement de la Yougoslavie, restent certains traumatismes qui ont modifié son comportement et son regard sur le monde.
C'est vrai qu'il ne se passe pas grand-chose dans ce roman, que certaines scènes semblent se répéter ( toutes ses bouteilles qu'il engloutit ), pourtant la magie opère tout de même. Le lecteur suit avec plaisir ce personnage qui n'a aucunement les qualités du héros traditionnel. La relation qu'il tisse avec les villageois le rend attachant et humain. Derrière sa carapace, l'on perçoit un être sensible, ému par la nature, à l'écoute des autres ... Comme Aaro-Benjamin G. , le roman m'a donné envie de visiter cette région qui semble avoir envoûté le personnage principal. La peinture de la société italienne qui est discrètement faite est intéressante et assez juste.
Lu dans le cadre du prix CL2014
Critique de Yotoga (, Inscrite le 14 mai 2012, - ans) - 21 février 2014
Que se passe-t-il derrière les fenêtres de ces villas mises à disposition d’auteurs ou de chercheurs pour plusieurs semaines ? Malheureusement, pas grand-chose… L’auteur, alcoolique, passe ses matinées à dormir et à cuver ses soirées arrosées aux frais de la princesse. L’après-midi, il se balade et décrit la nature autour de lui. Chaque chapitre représente un jour dans ce paradis, ce qui laisse place à des répétitions ennuyantes.
Il ment à tous les inconnus qu’il rencontre sur la production d’un roman potentiel qui le fatigue soi-disant, alors qu’il passe ses nuits à boire au comptoir d’un café. On dirait qu’il a écrit ce roman uniquement pour se justifier d’avoir vécu quatre semaines sous le soleil. Certains autres habitants de la villa, par contre, se mettent la pression pour finir leurs recherches à temps. Lui, il choisit le côté farniente (ou planqué, selon la définition) et profite du système sans rien produire. C’est un peu le souci : la lecture n’a aucun but précis, le livre n’a aucune histoire, aucune trame à suivre et le lecteur à l’impression de perdre son temps. Si ce livre avait été vendu pour un rapport de voyage ou en analyse psychologique, mais comme roman, c’est plat.
Les gens du village Bellacio, en bas de la colline, ne sont jamais allés visiter les villas de la fondation Rockefeller sur les hauteurs. Les invités de la fondation, des chercheurs, ne se mélangent pas avec le peuple « du bas ». Finalement, l’auteur parle de tout et de rien avec les autres invités de la villa qui l’ennuient mais la seule personne qui semble l’intéresser est Alda, une serveuse de bar, avec qui il communique non pas par la parole comme on attendrait d’un journaliste (il s’est présenté comme un journaliste) mais en dessinant. Cette relation est intrigante. Par ce biais, l’auteur se distancie clairement des intellectuels chercheurs de la villa.
Et il décide de déranger l’ordre établi et d’inviter Alda, sa mère Gianna, Augusto et Luigi dans la villa pour faire profiter au peuple de ces privilèges. En comparaison avec tous ses collègues qui s’occupent culturellement le soir avec des concerts de musique classique ou des débats littéraires, lui il préfère regarder le foot, ce qui le rend sympathique pour les serveurs de la villa et au lecteur. Il est aussi le seul fumeur parmi les intellectuels, ses amis du village fument tous. Le fossé entre le semblable équivalent et les classes privilégiées n’est pas directement reconnaissable mais en fermant le livre, je trouve que c’est son point fort: Qui définit être écrivain ou poète ? Doit-on étudier pour avoir le droit de se nommer de ce métier ? Le dialogue reprit page 143 tiré de « Brodski ou le procès d’un poète » rapporte exactement le noyau du livre.
Parenthèse alcoolisée
Critique de Isad (, Inscrite le 3 avril 2011, - ans) - 7 février 2014
Si on vous offrait de passer un mois tous frais payés pour travailler en résidence à un roman dans le cadre idyllique du lac de Côme en Italie, que feriez-vous ? C’est ce qui arrive à un jeune auteur serbe qui se retrouve être le plus jeune des invités internationaux reconnus dans leurs spécialités respectives. Et ce narrateur nous décrit sa vie quotidienne et les relations sociales superficielles en anglais pendant les repas. Il profite du lieu, de la nature environnante et se promène dans la forêt ou la montage, apprécie la variété et la qualité de la nourriture et surtout des alcools. Certains participants n’apprécient pas son comportement caché puis assumé de se considérer comme en séjour de vacances. Il se lie avec quelques-uns dont les serveurs. Il fréquente deux bars du village le soir, l’un tenu par une jeune italienne avec qui il converse par dessins interposés et l’autre propriété d’un vieil homme qui regrette le temps de Mussolini avant son rapprochement avec Hitler et parle anglais.
IF-0114-4151
Le paradis de la procrastination
Critique de Aaro-Benjamin G. (Montréal, Inscrit le 11 décembre 2003, 55 ans) - 12 janvier 2014
C’est habituellement le genre de romans que je déteste. Pourtant, celui-ci a quelque chose d’envoûtant, un charme discret malgré son personnage peu attachant. L’auteur possède définitivement un talent pour l’évocation et les atmosphères. Évidemment, on en ressort avec l’envie d’aller dans la région de Côme…
Ce livre n’est pas un livre, c’est une vacance. Une curieuse pause rafraichissante, presque zen, qui sert à nous rappeler comment la tyrannie du quotidien nous éloigne des choses les plus simples, les plus agréables et les plus belles.
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